Plusieurs centaines de personnes se sont de nouveau rassemblées dimanche 30 mars dans les rues de Berlin, à l'appel du Parti du peuple républicain - CHP, le parti d'Ekrem Imamoglu.
Le maire d'Istanbul a été arrêté le 19 mars, le jour où il devait être investi candidat par le CHP pour affronter Recep Tayyip Erdogan à la prochaine présidentielle prévue en 2028.
Depuis, une vague de contestation inédite agite la Turquie. C'est la plus importante depuis les manifestations du mouvement Gezi sur la place Taksim d'Istanbul, en 2013.
La contestation dépasse les frontières du pays : des manifestations ont lieu notamment en Allemagne, qui compte la plus grande diaspora turque, avec environ 3 millions de personnes.
Les jeunes Turcs veulent faire "bouger les choses"
Dans l'ouest de l'Allemagne, l'antenne locale du CHP à Essen a organisé un rassemblement immédiatement après l'arrestation d'Ekrem Imamoglu. Là aussi, plusieurs centaines de personnes étaient au rendez-vous.
A la plus grande satisfaction de Hylya Coskun, vice-présidente du CHP Essen. Elle a obtenu l'autorisation de manifestation en un temps record auprès de la municipalité. Son objectif est d'attirer l'attention des Allemands sur ce qui se passe en Turquie.
C'est surtout chez les jeunes que la contestation gronde. Comme en Turquie, où ils représentent le gros du mouvement anti-Erdogan, de plus en plus de jeunes hommes et femmes s'engagent pour le parti CHP en Allemagne. Nombre d'entre eux estiment que c'est la "dernière chance pour défendre la démocratie" en Turquie.
Serhat Kerem Bagci, élève de 18 ans et président des jeunes du CHP à Düsseldorf, se réjouit de voir le nombre d'adhérents monter en flèche depuis deux semaines.
Il y a même des Allemands qui prennent l'avion pour la Turquie afin de participer aux manifestations sur place. Plus de 2.000 personnes ont été arrêtées depuis le début du mouvement, mais la peur des représailles ne suffit plus à freiner les contestataires.
L'AKP du président Erdogan largement plébiscitée en Allemagne
Essen est pourtant un bastion de l'AKP, le parti du président turc Recep Tayyip Erdogan. Aux dernières élections présidentielle et législatives il y a deux ans, le parti au pouvoir a obtenu ici plus de 80% des voix. Sur l'ensemble de l'Allemagne, l'AKP a recueilli 67% des suffrages.
L'influence du pouvoir turc en Allemagne s'exerce notamment à travers les mosquées de l'association DITIB, proche du régime d'Ankara et dont les imams sont envoyés en Allemagne par l'administration turque des affaires religieuses.
Caner Aver est chercheur en sciences sociales, il travaille pour le Centre d'études turques et de recherche sur l'intégration à Essen et prépare actuellement une thèse sur la mobilité spatiale et sociale des universitaires d'origine turque.
Selon lui, si les résultats des élections turques montrent que les Germano-turcs ont tendance à être plutôt conservateurs, "l'arrestation d'Imamoglu a entraîné un renforcement et une solidarité de l'opposition, en Turquie et, dans une moindre mesure, ici aussi."
La mobilisation des Turcs d'Allemagne reste difficile
Caner Aver ne croit toutefois pas que la contestation de l'opposition turque en Allemagne aura un impact très important en Turquie. Il faudrait pour cela que les manifestations se poursuivent, qu'elles mobilisent beaucoup plus de monde pendant des semaines, afin d'exercer une pression sur le gouvernement allemand pour l'obliger à accentuer à son tour la pression sur la Turquie.
Avec la formation du gouvernement de coalition à Berlin et les risques personnels en cas de déclarations trop critiques en public et sur les réseaux sociaux, la communauté turque d'Allemagne reste difficile à mobiliser autour d'un conflit de politique intérieure en Turquie, les Turcs d'Allemagne ayant plutôt tendance à "regarder ce qui se passe autour de nous et de s'intéresser aux événements qui concernent notre vie commune".
Caner Aver lance toutefois un appel aux partisans de Recep Tayyip Erdogan : si l'injustice persiste, il espère qu'ils seront en mesure de juger de manière critique ce qui se passe dans leur pays.
Le groupe CHP d'Essen, pour sa part, prévoit déjà la prochaine action de protestation en Allemagne, mais veut encore attendre l'évolution de la situation en Turquie et le congrès du parti, le 6 avril.
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