Le "big deal" entre l'Ukraine et les Etats-Unis
27 février 2025Demain [28.02.25], Volodymyr Zelensky est attendu à Washington. Le président ukrainien devrait s'entretenir avec Donald Trump des moyens d'arrêter la guerre enclenchée par la Russie sur son territoire. Mais aussi finaliser l'accord, négocié entre les présidents ukrainien et américain, sur l'accès privilégié, réservé aux Etats-Unis, aux ressources minières de l'Ukraine, y compris dans les territoires occupés par l'armée russe.
"Big deal" ?
Les Etats-Unis proposent à l'Ukraine un maintien de leur assistance en échange de ressources minières. Donald Trump considère en effet la diplomatie comme une transaction. Il a promis au contribuable américain un accord qui le ferait rentrer dans ses fonds :
"Le président ukrainien doit venir vendredi et s'il est d'accord, on signera ensemble cet accord, a déclaré Donald Trump. C'est un gros deal, un très gros deal."
Depuis l'attaque de l'Ukraine par la Russie, il y a trois ans, les Etats-Unis sont le pays qui a fourni le plus grand soutien à l'Ukraine. Une aide militaire et humanitaire notamment, qui dépasse les 100 milliards de dollars.
Mais depuis l'élection de Donald Trump, le rapport de forces a changé.
Chris Murphy, sénateur démocrate du Connecticut, reproche à Donald Trump d'avoir pris parti en fait pour la Russie et de ne se laisser guider que par ses propres intérêts :
"J'ai l'impression que ce qui détermine la politique étrangère américaine dorénavant c'est : comment rendre encore plus riches Donald Trump et ses amis milliardaires ?", regrette Chris Murphy.
Reconstruction contre matières premières
Sur le principe, l'accord qui pourrait être signé demain à Washington prévoit la mise en place d'un fonds de reconstruction pour l'Ukraine et de réserver des conditions privilégiées aux Etats-Unis pour l'achat des ressources minières ukrainiennes.
Il s'agit de minerais stratégiques pour l'industrie civile et militaire, les nouvelles technologies.
Le sous-sol ukrainien possède des ressources en gaz, en pétrole, mais aussi des gisements de graphite, de manganèse, de titane, de lithium et d'uranium. Ces réserves n'ont toutefois pas encore été toutes explorées et leur "exploitabilité" n'est pas assurée.
Par ailleurs, une grande partie de ces gisements se trouve dans les territoires occupés par la Russie. Le porte-parole de la présidence russe a d'ailleurs déclaré, ce jeudi, que ces territoires ukrainiens annexés "font partie intégrante de [la Russie]. C'est absolument incontestable et non négociable".
Pour Stefan Meister, chercheur à la DGAP, "on sait à peu près de quelles ressources naturelles il est question [dans l'accord], que cela représente une centaine de gisements de différents minerais". Le chercheur précise, sur les ondes de Deutschlandfunk : "il s'agit aussi d'infrastructures stratégiques, les négociations portent sur plusieurs points. […] Par exemple, les ports, les infrastructures commerciales. On a évoqué aussi le pétrole et le gaz. Mais on ne connaît pas les détails de ce qui est négocié."
Les avantages pour les Etats-Unis
L'exploitation minière de l'Ukraine suppose donc de lourds investissements préalables, pour reconstruire les routes et infrastructures notamment, et relancer la production enrayée par le conflit avec la Russie. Les premiers rendements ne peuvent donc être escomptés que dans plusieurs années.
L'accord pourrait permettre aux Etats-Unis de diversifier son approvisionnement en minerais et terres rares pour remédier à la concurrence de la Chine.
La correspondante de l'ARD en Ukraine, qui a pu lire le projet d'accord, parle sur Deutschlandradio d'une dizaine de points formulés de manière "assez vague".
Dans la dernière mouture de l'accord qui n'a pas été rendue publique, l'Ukraine n'obtiendrait ainsi aucune garantie de soutien militaire américain. Seulement la promesse d'une aide à sa reconstruction ; Donald Trump estime que l'assistance militaire à l'Ukraine est du ressort des Européens.
"Je ne dirais pas que le document ne sert à rien, déclare Stefan Meister de la DGAP. Les Ukrainiens essaient de se mettre en position de négocier avec les Américains, pour obtenir des armes et des munitions dont l'Ukraine a besoin urgemment.[…] Trump est un homme d'affaires. Il va sans doute essayer de rouler son partenaire de négociations, mais à la fin il devra quand même donner des garanties et un accord verra le jour entre les deux Etats."
Ce mercredi [26.02.25], Volodymyr Zelensky a déclaré : "C'est un début, c'est juste un accord-cadre", avant d'ajouter : "Ce deal peut être un grand succès ou simplement disparaître."
Dimanche, les dirigeants européens se réunissent à Londres pour discuter de la situation en Ukraine.