Avant même que le M23revendique la prise de la ville de Goma, en RDC, Roger-Claude Liwanga a adressé une lettre ouverte à Donald Trump, pour appeler le président américain à s'engager davantage dans la recherche d'une solution négociée au conflit en RDC.
Roger-Claude Liwanga est professeur de droit et en négociations internationales à Atlanta, aux Etats-Unis et il détient la nationalité américaine, mais il est né en République démocratique du Congo.
Selon lui, les Etats-Unis ont tout intérêt à s'impliquer davantage dans la région et les techniques de négociations de Donald Trump pourraient permettre de relancer la diplomatie entre la RDC et le Rwanda.
Il s'en explique au micro de Sandrine Blanchard.
Suivez l'entretien avec Roger-Claude Liwanga
Roger-Claude Liwanga, vous êtes enseignant en droit et en négociation internationale à l'université Emory d’Atlanta, aux États-Unis. Vous êtes ressortissant américain, mais natif de République démocratique du Congo. Et c'est à ces multiples titres que vous avez décidé d'écrire une lettre ouverte au président Donald Trump pour l'inciter à s'engager davantage dans le rétablissement de la paix en RDC. Alors, pourquoi vous être adressé maintenant au président américain ?
J'ai écrit cette lettre ouverte parce que la situation en RDC a atteint un point critique et qu'il est clair qu'une intervention internationale est nécessaire pour soutenir une paix durable.
J'espérais attirer davantage l'attention américaine sur la crise humanitaire en RDC et inciter la nouvelle administration Trump à jouer un rôle plus actif dans la facilitation de la paix.
D'ailleurs, lors de son discours inaugural, le président Trump a lui-même souligné que son plus grand héritage serait celui d'un artisan de la paix et d'un rassembleur.
Bien entendu, les peuples de la RDC et du Rwanda méritent le soutien de la communauté internationale et les Etats Unis ont la capacité de contribuer à diriger les efforts à cet égard.
Vous soulignez dans votre lettre à Donald Trump que sous son premier mandat, il avait initié des changements dans la politique avec les Etats-Unis, notamment d'un point de vue économique. Et c'est sous sa mandature que la RDC a été éligible à l'AGOA. Est-ce que vous pensez que l'Afrique en général, et la RDC et le Rwanda en particulier, vont être effectivement des priorités dans sa politique étrangère lors de son nouveau mandat ?
La RDC est une grande productrice de cobalt, de coltan, qui sont des minerais essentiels dont la demande est très importante pour les industries de technologie aux États-Unis. Dans le contexte de Prosper Africa ou encore de l'AGOA, les États-Unis, sous le président Trump, essaient de réorienter la politique américaine vis-à-vis de l'Afrique, en essayant de promouvoir les investissements américains en Afrique.
Dans ce contexte-là, je pense que la RDC et le Rwanda constitueront une priorité pour les Etats-Unis.
L'approche diplomatique du président Trump est une diplomatie transactionnelle, de "l'America first".
Les États-Unis ne pourraient s'impliquer que si quelque part, il y a un avantage économique ou géopolitique pour eux.
C'est d'ailleurs ce que vous mettez en avant dans votre courrier en faisant valoir que les États-Unis auraient tout intérêt, notamment, à soutenir encore le processus de Luanda de médiation et de négociation entre le Rwanda et la RDC sous l'égide de l'Union africaine, ne serait-ce que pour ne pas se laisser voler la vedette par ses rivaux comme la Chine et la Russie.
Oui, je pense que cet argument est très audible à Washington parce que, actuellement, l'influence économique et militaire des Etats-Unis semble de plus en plus être contestée [en Afrique].
Depuis la publication de votre courrier, est-ce que vous avez eu un retour de la Maison-Blanche ou des autorités américaines ou est-ce que vous pensez que ce message commence à se faire entendre ?
Pour l'instant, je n'ai pas encore reçu de réponse officielle directe de l'administration Trump.
Nous avons appris que le nouveau secrétaire d'État, l'équivalent du ministre des Affaires étrangères, Marco Rubio, a eu un entretien téléphonique avec le président Tshisekedi [et avec le président Kagame].
C'est très encourageant d'entendre cela et tel que cela a été publié sur le site du département d'État.
Monsieur Rubio a affirmé le soutien des États-Unis au processus de paix de Luanda et je pense que c'est un signe positif que la question de la RDC puisse recevoir l'attention qu'elle mérite.
Vous qui êtes spécialistes de négociations internationales, comment renouer le lien ? Comment rétablir la possibilité d'une discussion, alors que même les présidents entre eux s'envoient des piques sans cesse ?
Les parties doivent être prêtes à trouver un terrain d'entente et à faire des compromis.
Les parties doivent avoir le courage de discuter, de négocier et de trouver des solutions à cette crise qui perdure et dont les conséquences sont fatales en termes du bilan de mortalité pour la population civile.