Au Togo, tensions autour des manifestations
25 juin 2025"Nous sommes bien préparés pour empêcher toute manifestation à Adakpamé", a lancé Togbui Lanklivi, estimant que seules les manifestations autorisées par les autorités sont recevables.
Cette sortie du chef traditionnel d’Adakpamé, dans la banlieue Est de Lomé, provoque une vive polémique. Les propos de Togbui Lanklivi, figure influente de cette localité relancent le débat sur la liberté de réunion et les limites de l’autorité traditionnelle.
Comme lui, plusieurs chefs traditionnels togolais ont exprimé leur rejet des manifestations en dehors du cadre légal, affirmant leur attachement à la paix, à la cohésion sociale et au respect des institutions républicaines.
"Nous ne refusons pas les manifestations. Si une manifestation est autorisée, comme c’est écrit dans la loi, nous les sécurisons. Mais manifester ici, à Adakpamé, nous n’allons pas accepter. Puisqu’après la manifestation, nous-mêmes, nous irons manifester chez toi. Et nous ne serons pas violents, mais nous allons te citer les lois d’Adakpamé qui te permettent de ne plus vivre sur notre territoire", a poursuivi Togbui Lanklivi dans un ton à la fois ferme et controversé.
Des propos jugés préoccupants
Ces déclarations ont rapidement suscité des réactions contrastées. Si certains y voient une défense des coutumes locales, d'autres dénoncent un discours menaçant et potentiellement incitatif à la violence.
"La position du chef d’Adakpamé est préoccupante", estime Esso-Dong Kongah, défenseur des droits humains et directeur exécutif du Centre de Documentation et de Formation sur les Droits de l’Homme au Togo.
"Dans un contexte marqué par la répression des manifestations et des tendances à l'autodéfense, ce type de discours vient légitimer, voire encourager, des comportements que personne ne souhaite", alerte-t-il.
Alors que le gouvernement continue de mettre en garde contre les manifestations non autorisées, des appels à la mobilisation circulent en ligne, notamment à l’approche d’échéances électorales sensibles.
Pour plusieurs juristes, les normes internationales sur les droits humains imposent à l’État une obligation de faciliter les réunions pacifiques, même en l’absence de déclaration préalable.
"L’absence de déclaration ne rend pas une manifestation illégale", soutient Esso-Dong Kongah, s’appuyant sur la jurisprudence constante de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples.
"Cette déclaration ne devrait pas être un obstacle. Or, au Togo, on observe une tendance à l’interdiction systématique, ce qui fait basculer le régime de déclaration vers un régime d’autorisation, contraire aux standards internationaux", souligne-t-il.
Un climat tendu
Pour le défenseur des droits humains, Esso-Dong Kongah, ce glissement compromet gravement l’exercice de la liberté de réunion garantie par les textes fondamentaux du pays et les conventions internationales ratifiées par le Togo.
Alors que le climat politique se tend à l’approche des prochaines échéances électorales, les déclarations des autorités traditionnelles, comme celles du chef d’Adakpamé, montrent combien les lignes de fracture sont vives entre les défenseurs de l’ordre établi et les activistes sur les réseaux sociaux.