Les avocats de Succès Masra dénoncent un procès politique

A l’origine, un message audio diffusé par Succès Masra en mai 2023 sur YouTube qui est mis en avant par la justice pour incriminer Succès Masra. Selon la justice, c’est cet audio qui serait à l’origine des affrontements intercommunautaires qui ont occasionné 42 morts le 14 mai dernier dans la province du Logone-Occidental du Tchad.

Selon la défense de Succès Masra, la poursuite engagée contre leur client est une pure machination politique. Ils affirment avoir constaté lors de l'audition de leur client à la police judiciaire, que l'audio à l'origine de la poursuite a été transféré par un agent de l'Agence nationale de sécurité d'Etat aux enquêteurs de la police en date du 6 Mai 2025, soit 8 jours avant les affrontements du 14 Mai.

Pour eux, c'est la preuve que l'arrestation de Succès Masra était planifiée avant les massacres de la localité de Mandakao. Le gouvernement aurait planifié ces massacres pour faire porter la responsabilité à leur client, poursuivent-ils. Ils concluent que cet audio est couvert par une amnistie donc caduque. 

"Nous avons exhorté et nous continuerons à exhorter les juges. Il n'est jamais trop tard pour bien faire. Les juges sont devant leur responsabilité, devant l'histoire, devant le peuple, et devant les étrangers qui nous regardent. Nous ne ferons pas d'exception à la justice. Il est impératif que notre action soit conforme aux standards d'un procès équitable, car il doit y avoir une cohérence entre les faits et le droit. Aujourd'hui, cette cohérence ne peut être établie pour justifier le maintien en détention de notre client", explique Maître Pierre Mianlengar, l’un des avocats de Succès Masra, appelle les juges à agir en toute indépendance face aux pressions.

Un point de vue partagé par l'analyste tchadien Remadji Hoinathy. Pur lui, "ce procès s'il n'est pas fait avec courage et vérité va plutôt à nouveau quelqu'un qui est martyrisé par le régime et qui va s'attirer le soutien de l'opinion publique. Et je pense que personne n'a rien à gagner dans ce qui se passe dans le pays. L'urgence c'est de guérir les plaies des familles des gens qui ont été tués à Mandakao. Punir comme il se le doit les acteurs qui sur le terrain ont planifié et conduits ces massacres. Et si on doit retrouver des instigateurs en dehors des acteurs communautaires déjà arrêtés, il est important de le faire avec transparence. Ça veut dire qu'il faut des preuves plus tangibles qu'un audio qui date de 2 ans".

Réaction de la classe politique

Plusieurs leaders politiques et de la société civile, dont l'ancien premier ministre Payimi Padacké Albert, appellent à la libération ou au respect du droit à un procès équitable de Succès Masra.

Le ministre de la Communication, Gassim Chérif, contacté, n'a pas souhaité commenter la situation pour l’instant. Cependant, le collectif des avocats de l'État indique que la procédure respecte les normes et  que la présomption d'innocence s'applique aux personnes arrêtées.