Tchad : des responsables politiques condamés pour corruption
13 mai 2025Pour certains Tchadiens, la condamnation d'Idriss Youssouf Boy, ancien directeur de cabinet du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno, et d'About Hachim, homme d'affaires et ex-maire d'Amdjarass, est un signal fort lancé à tous ceux qui s'adonnent à la corruption au sein de l'administration publique. Cependant, d'autres restent dubitatifs.
Pour ces derniers, des personnalités de haut rang accusées de détournement de fonds sont souvent relâchées après des procès jugés superficiels, sans purger leur peine.
Les Tchadiens se rappellent encore la condamnation de l'ancien maire de N'Djamena, Mahamat Zen Bada, en 2012, ou des poursuites engagées en 2009 contre Haroun Kabadi, actuel président du Sénat, qui n'ont jamais purgé leur peine.
Des peines jugées trop légères
Foulah Baba Issac, responsable de l'association de lutte contre la corruption et les malversations économiques au Tchad (ALCOMET), estime d'ailleurs que la peine infligée à Idriss Youssouf Boy et About Hachim ne correspond pas à la gravité des charges.
"Ce que nous voulons dire, c'est que cette condamnation, au regard des accusations, ne peut se limiter à cinq ans de prison. Ne devrait-elle pas être plus sévère ?", se demande-t-il.
"L'État est le principal responsable de ce désordre, car il s'agit souvent de procès politiques, et c'est cela qui est regrettable. Si une condamnation doit être prononcée, il faut qu'elle soit exécutée et que la personne purge sa peine. Or, tous les Tchadiens savent que certains hauts responsables condamnés sont libérés au bout de peu de temps et promus à de hautes fonctions. Je doute donc qu'ils purgent réellement leur peine."
Une lutte contre la corruption qui s'enlise
En août 2023, le gouvernement a instauré une autorité indépendante de lutte contre la corruption, remplaçant l'ancienne Inspection générale d'État (IGE).
Cette nouvelle institution destinée notamment à éradiquer la corruption, les détournements de fonds publics et à attirer les investisseurs au Tchad, peine cependant à atteindre ses objectifs. Le coordinateur de l'organisation tchadienne anticorruption (OTAC), Ngarassal Saham Jacques, appelle le président de la République à prendre un rôle actif dans cette lutte contre la corruption.
"La lutte contre la corruption est avant tout une question politique. Il faudrait que le président de la République se place au premier plan", estime-t-il au micro de la DW.
"On ne pourra pas éradiquer totalement cette pratique, mais on peut en réduire les effets sur le pays. Les gains liés à la corruption sont tellement importants que même les plus hauts responsables, au sein de l'État et ailleurs, s'y laissent entraîner. Il faut une prise de conscience nationale, car la corruption ne nuit pas à une seule personne, elle touche tous les secteurs de la vie publique."
La DW a tenté en vain d'obtenir les réactions du ministre de la Communication et du ministre de la Justice concernant les reproches faits au gouvernement en matière de lutte contre la corruption.