Succès Masra condamné, les Transformateurs se réorganisent

Succès Masra, ancien Premier ministre à la tête du principal parti d'opposition au Tchad, a été condamné à vingt ans de prison ferme par le tribunal de grande instance de N'Djamena.

 Il a été reconnu coupable de "diffusion de message à caractère haineux et xénophobe" et de "complicité de meurtre" dans le cadre du drame de Mandakao où 42 personnes ont été tuées en mai dans un conflit inter-communautaire.

Pour ses avocats et militants, il a été condamné sur la base "d'un dossier vide et en l'absence de preuves". Succès Masra a également été condamné à verser une amende d'un milliard de francs CFA (environ 1,5 million d'euros).

Bedoumra Kordjé, un ancien ministre des Finances et ancien vice-président de la Banque africaine de développement, a été à titre provisoire nommé à la tête du parti "les Transformateurs".

Claudia Hoinathy est la vice présidente chargée du leadership et l'engagement féminin au sein du parti, elle donne des précisions au sujet de sa réorgarnisation et pourquoi "les Transformateurs" parlent d'injustice concernant le verdict.

Ecoutez ou lisez l'interview de la DW avec Claudia Hoinathy.

DW : On a récemment appris la condamnation du leader du parti "les transformateurs" Succès Masra qui a été condamné à 20 ans de prison. Au niveau du parti, on parle d'injustice. Peut-être une première réaction en ce qui concerne le verdict, en quoi, selon vous, du parti "les transformateurs", vous estimez qu'il y a eu injustice ?

C'est une injustice parce que j'étais dans la salle pendant les 3 jours d'audience, aucune preuve matérielle n'a été retenue contre notre président, aucun scellé, selon la justice, n'a été présenté, donc les juges se sont entendus. C'est juste une cabale qui a commencé et qui devait se terminer là où ça s'est terminé, ce n'était pas vraiment de la justice.

DW : Alors, dans tous les cas, le leader du parti "les transformateurs" a été condamné à 20 ans de prison.Comment, au niveau du parti vous vous réorganisez à présent pour continuer à mener vos activités en l'absence de votre leader ?

Oui, on a pris des précautions. Le président a désigné notre doyen Bedoumra Kordjé qui va faire une organisation collégiale. C'est-à-dire autour de lui, avec les vice-présidents qui sont déjà sur place, le directeur de cabinet du président, le SG, le travail va continuer en attendant on continue à se battre pour sa libération.

DW : Et comment vous comptez au niveau des transformateurs continuez à mobiliser la base en l'absence de Succès Masra qui sera en détention ?

Oui, oui, nous continuons à mobiliser la base. Les permanences se trouvent chaque jour et toutes les fins de semaine nous organisons des meetings, des grands meetings qui appellent les militants à venir manifester leurs désaccords par rapport à ce qui se passe.

DW :  "Je reviens bientôt"... Ce sont des propos tenus par Succès Masra. Qu'est-ce qu'il faut comprendre par-là ? Est-ce qu'au niveau du parti vous espérez qu'il soit gracié ?

Personnellement, moi, la grâce n'est pas une solution, parce que la grâce ça ne va pas blanchir le casier judiciaire, cela ne lui permettrait pas de revenir et d'interagir ou bien d'agir comme président du parti. Moi je pense que soit on l'amnistie... et puis nos avocats vont interjeter appel.

DW : effectivement il y a cette démarche de pouvoir faire appel. Mais c'est une procédure qui risque de prendre du temps. D'ici là, au niveau du parti les transformateurs, est-ce que vous prévoyez des actions sur le terrain en soutien à votre leader en détention ?

Des actions, nous le faisons déjà depuis sa première journée de détention. Vous voyez, au niveau du siège, il y a de la mobilisation, que ça soit ici à N'Djamena ou dans les provinces, les actions, on les fait chaque jour.

DW :  Au-delà du parti même les transformateurs, quel impact vous estimez que cette détention de Succès Masra aura sur l'opposition politique au Tchad.

Moi je pense que les partis d'opposition sont sortis indignés avec les communiqués depuis son kidnapping, parce que ce n'était pas une arrestation. Donc beaucoup de partis politiques sont indignés.

Ils s'inquiètent parce que finalement il faudrait ne pas avoir une voix discordante par rapport à celle du pouvoir. Et là un parti politique d'opposition ne peut que s'inquiéter si l'un est touché de la sorte.

DW : Vous estimez que cela va réunir l'opposition ? L'opposition sera plus soudée qu'avant ?

Je le pense vraiment parce que déjà, il y a les prémices.

Il y a beaucoup de partis d'opposition qui sont venus nous voir, nous soutenir au niveau de notre siège, qui ont envoyé des communiqués...Et je pense que c'est l'ultime solution qui nous reste, nous unir.