Tchad : les répercussions de la condamnation de Succès Masra
11 août 2025Au Tchad, l'ancien Premier ministre et opposant Succès Masra a été condamné ce weekend à 20 ans de prison ferme par le tribunal de grande instance de N'Djamena. Le parquet avait requis 25 ans.
Succès Masra a été reconnu coupable de "diffusion de message à caractère haineux et xénophobe", d'”association de malfaiteurs” et de "complicité de meurtre" dans le drame de Mandakao, où un conflit inter-communautaire a fait 42 morts en mai dernier. Succès Masra était ainsi accusé d'avoir incité à ce massacre.Il a également été condamné à verser une amende d'un milliard de francs CFA.
Une condamnation qui ne surprend pas
Si dans le camp du pouvoir tchadien, la justice a été rendue à travers cette peine prononcée contre Succès Masra et d'autres co-accusés, pour les militants et soutiens du président du parti Les Transformateurs, le principal parti d'opposition au Tchad, ce procès semble être une manœuvre de l'État pour neutraliser un opposant dont il redoute la légitimité et la popularité. Selon ses avocats, c'est l'État qui aurait orchestré le drame de Mandakao, afin de faire porter la responsabilité à leur client.
"Cette condamnation n'est pas surprenante à plus d'un titre" estime l'analyste politique, le docteur Yamingué Betinbaye qui explique que "depuis le début, l'accusation a eu beaucoup de mal à apporter des preuves tangibles confirmant que l'ancien Premier ministre était l'auteur des faits qui lui sont reprochés. De plus, il y a eu l'immixtion tout au long de la procédure des autorités administratives et politiques, notamment à travers des prises de paroles, comme l'intervention du porte-parole du gouvernement qui avait confirmé qu'il s'agissait d'une affaire politique".
Selon l'expert "Succès Masra est l'un des adversaires politiques les plus importants du pouvoir en ce moment, et donc, il fallait s'attendre à une issue de ce procès qui confirme la neutralisation de Succès Masra".
L'impact sur l'opposition
Avant même le prononcé de sa condamnation, Succès Masra avait nommé Bedoumra Kordjé, ancien vice-président de la Banque africaine de développement, provisoirement à la tête du parti pour conduire les affaires. Pour le politologue Evariste Ngarlem Toldé, cette condamnation pourrait finalement ressouder l'opposition tchadienne.
"À l'allure où vont les choses après l'assassinat de Yaya Dillo et la condamnation de Succès Masra, les opposants devront sans nul doute réfléchir et se demander qui sera la prochaine victime" précise-t-il.
Selon Evariste Ngarlem Toldé "ils doivent se rendre à l'évidence qu'il faut plus que jamais resserrer les rangs et renforcer la solidarité pour affronter un pouvoir aujourd'hui légitimé par les dernières élections, et qui se trouve sur un boulevard avec la condamnation de Succès Masra".
Pour certains observateurs de la scène politique tchadienne, Succès Masra, qui a fait appel de sa condamnation, pourrait être gracié dans les jours ou mois à venir par le président Mahamat Idriss Deby Itno, sans toutefois avoir la possibilité de participer à la prochaine présidentielle.