Vers un gouvernement parallèle au Soudan
25 février 2025Au Soudan, un gouvernement parallèle est en train de se mettre en place. Les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) et leurs alliés ont signé une charte en ce sens. L'établissement de deux systèmes politiques concurrents dans ce pays en guerre depuis deux ans renforce l'inquiétude des ONG de défense des droits humains, de certains pays voisins et même des Nations unies.
La cérémonie s'est déroulée le 22 février, à Nairobi, la capitale du Kenya. A huis clos.
La charte signée pose les jalons d'une sorte de gouvernement parallèle à l'officiel, qui siège, lui, à Port-Soudan.
Les signataires – c'est-à-dire les paramilitaires des Forces de soutien rapide et 24 milices alliées – contrôlent actuellement près de la moitié du pays (les cinq Etats du Darfour, une partie des régions du Nil bleu et du Kordofan). Ils promettent d'y établir un gouvernement de "paix et d'unité"et s'engagent à "construire un Etat laïc, démocratique, décentralisé, basé sur la liberté, l'égalité et la justice, sans parti pris culturel, ethnique, religieux ou régional".
Voici un extrait de la déclaration de Suliman Sandal Hagar, du Mouvement Justice et Egalité qui a signé la charte :
"Au nom de Dieu, le Très Miséricordieux, dans le contexte d'alliances fondatrices, nous, les signataires, sommes conscients de notre obligation historique envers nos mères et notre nation, dans notre travail inébranlable pour mettre fin à toutes les guerres et résoudre la crise soudanaise. Nous devons tenir bon pour créer une nouvelle nation soudanaise, […] tenir fermement à l'unité du Soudan, à la terre et au peuple."
Ces mots sont prononcés par des représentants des FSR, alors que ce groupe paramilitaire et ses alliés sont, comme l'armée soudanaise, accusés de commettre des atrocités contre des civils.
La zone sous contrôle des paramilitaires et de leurs alliés est stratégique, car elle ouvre sur plusieurs pays voisins : l'Ethiopie, la République centrafricaine, le Tchad, le Soudan du Sud et la Libye.
Déni et inquiétude
Ali Youssef El-Sheri, le ministre officiel des Affaires étrangères du Soudan, clame que le "gouvernement parallèle" ne sera jamais reconnu et que seule l'armée régulière peut gagner la guerre, en s'appuyant sur la "résistance populaire".
Mais c'est bien la crainte d'un scénario à la libyenne qui fait réagir depuis le week-end. Le chef de la diplomatie égyptienne, par exemple, a été clair :
"Nous rejetons tout appel à la formation de cadres parallèles au cadre actuel au Soudan et affirmons notre soutien total au Soudan dans des circonstances aussi critiques et dans cette crise."
D'autant que l'armée reprend le dessus : elle a regagné le contrôle de la plus grande raffinerie du pays.
Les paramilitaires, quant à eux, accumulent les revers, notamment dans les provinces de Gezira, où se trouve la ville stratégique de Wad Medani, dans la région du Grand Khartoum, ou les villes d'Omdurman et de Khartoum Bah.
L'Onu estime que la signature de la "charte fondatrice" représente une "nouvelle escalade du conflit" et qu'elle risque de renforcer "la fragmentation" du Soudan et "d'aggraver la crise" qui dure maintenant depuis près de deux ans.
Selon les Nations unies, la guerre au Soudan a fait plus de 24.000 morts depuis avril 2023. Plus de 14 millions de personnes ont dû fuir les violences, soit près d'un Soudanais sur trois. Et 3,2 millions de personnes ont fui à l'étranger.