Le nouveau gouvernement Sonko inquiète au Sénégal
10 septembre 2025Un nouveau gouvernement a été formé le week-end dernier. C’est le premier remaniement du gouvernement sénégalais, 17 mois après la victoire, à l’élection présidentielle de mars 2024, du président Bassirou Diomaye Faye, secondé par son Premier ministre, Ousmane Sonko.
La nomination la plus remarquée au sein de ce gouvernement est celle de l’avocat Mouhamadou Bamba Cissé au ministère de l’Intérieur. C’est lui qui avait dirigé la défense d’Ousmane Sonko lorsque ce dernier, alors opposant, avait été condamné pour “corruption de la jeunesse” dans l’affaire Adji Sarr.
Son entrée au gouvernement suscite des inquiétudes au sein de la classe politique et de la société civile. Certains auraient voulu que ce poste soit confié à une personnalité capable d’incarner une neutralité dans le débat politique.
Un avis que partage Thierno Bocoum, le président du mouvement Agir-Les Leaders.
Selon lui "depuis très longtemps, la classe politique sénégalaise s’est battue pour qu’on puisse avoir, à ce niveau de responsabilité, une personnalité qui est au-dessus de la mêlée parce que le ministre de l’Intérieur est chargé d’organiser les élections". I
Il assure par ailleurs qu'il est également attendu quand il s’agit de garantir les libertés publiques "d’apprécier les demandes de manifestations. C’est pour dire tout simplement que nous avons, entre les mains d’une seule personne, énormément de pouvoir".
Le temps des règlements de compte politique ?
Le président du Forum du justiciable, Babacar Ba, regrette également la nomination au ministère de l’Intérieur de Mouhamadou Bamba Cissé. Pour lui, "le ministère de l’Intérieur organise les élections et il aurait été judicieux de confier ce ministère à une personnalité neutre".
Autre nomination qui provoque des grincements de dents : celle de Yacine Fall, qui était aux Affaires étrangères. Elle est désormais la ministre de la Justice. On l’a dit également très proche du Premier ministre Ousmane Sonko.
Il y a quelques mois, le chef du gouvernement avait critiqué les lenteurs, selon lui, dans les enquêtes judiciaires sur les violences ayant fait des dizaines de morts, entre 2021 et 2024.
Pour Thierno Bocoum, le président du mouvement Agir-Les Leaders, il y a à craindre une instrumentalisation de la justice.
"C’est une inquiétude puisque nous avons, à la tête du ministère de la Justice, une femme qui est très proche du Premier ministre et qui est du Pastef. Nous craignons qu’elle ait été choisie pour satisfaire les préoccupations du Premier ministre qui semble vouloir aller non pas dans le sens de la reddition des comptes, mais du règlement de compte politique" précise-t-il.
L’Alliance pour la République (APR) de l’ancien président Macky Sall dénonce pour sa part des "tentatives de mainmise sur la justice et le dispositif électoral".
Le remaniement ministériel du 6 septembre suscite donc des inquiétudes. Mais selon certains analystes, il s’inscrit dans une continuité historique : tous les pouvoirs qui se sont succédé ont confié ces portefeuilles à des fidèles politiques.
La particularité du moment, disent-ils, tient au fait que Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko avaient promis de rompre avec une certaine gouvernance.