Le 8 mai 1945, la Seconde Guerre mondiale prend fin officiellement, avec la signature de l’armistice. Officiellement car c’est le 2 septembre 1945 que la guerre a véritablement pris fin, après les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagasaki, au Japon, en août 1945.
Six années de combats marquées par des millions de morts.
La Seconde Guerre mondiale a débuté le 1er septembre 1939 par l’invasion de la Pologne par l’armée du IIIème Reich allemand. Cette guerre reste à ce jour le conflit le plus meurtrier de l'histoire de l'humanité.
On est donc en 1939, le chancelier Adolf Hitler a tous les pouvoirs en Allemagne. Le pays est au plus mal économiquement après sa défaite à la première Guerre mondiale. Le Traité de Versailles de 1919 prévoit que l’Allemagne doit verser d’immenses sommes à la France au titre de réparations et concéder la province de la Prusse orientale à la Pologne.
Un désir de revanche chez Hitler
Klaus-Peter Sick est historien spécialiste de l’histoire contemporaine, il travaille pour le centre Marc Bloch à Berlin. Selon lui, la perte par l’Allemagne de quelques kilomètres carrés à l’issue de la Première Guerre mondiale a conduit à la guerre, en 1939. Adolf Hitler avait un projet de domination du monde, comme explique Klaus-Peter Sick.
"Il y avait chez lui un désir de revanche extrêmement fort contre le traité de Versailles et contre la perte de territoires allemands à l'est de l'Europe, en Pologne. La renaissance de la Pologne elle-même, c'était pour un être revanchard à l'extrême et nationaliste comme Hitler, une blessure."
Klaus-Peter Sick poursuit : "il voulait revenir donc sur le résultat de la Première Guerre mondiale. A cela (s’ajoute) un sentiment de déficience et un sentiment de revanchard. Ce nationalisme radicalisé et extrême prenait la forme chez Hitler d'un discours de domination mondiale, c'est-à-dire aussi un combat contre les Etats-Unis d'une part, et bien sûr contre l'Union soviétique, le communisme de l'autre."
La Seconde Guerre mondiale a fait entre 40 millions et 60 millions de morts dont six millions de Juifs. L'Allemagne a perdu des millions de soldats et de civils, plus de sept millions en tout.
Avec la fin de la guerre vient également le temps du retour sur les horreurs commises durant le IIIème Reich. S'en suit la plus grande vague de suicides de l'histoire allemande. Dans le village de Demmin dans l’est de l’Allemagne, par exemple, plus de 900 personnes se sont suicidées alors que l’Armée rouge de l’ex-Union soviétique approchait.
Le 8 mai : jour de libération pour les Allemands
Une forme de gêne s’empare des Allemands après la guerre : le pays est certes libéré du dictateur nazi Hitler. C'est la fin donc du nationalisme, de la Shoah. Mais l’Allemagne est effondrée, détruite.
Au “jour de la démocratie” à Berlin, en souvenir des 60 ans de la fin de la guerre, des Allemands appellent à manifester contre une manifestation programmée du parti ultranationaliste NPD, fondé par d’anciens militants d’extrême droite du parti d’Hitler.
"C'était une défaite militaire. Mais l'Allemagne a été libérée des nazis. Nous avons maintenant la démocratie."
"Maintenant, nous sommes libres, avons survécu et nous nous sommes reconstruits. Je suis un enfant de la guerre."
Entre gêne, joie après la libération où se situe l’Allemagne aujourd’hui ? Klaus-Peter Sick explique que "ce débat aujourd'hui est très, très largement un débat du passé. De 85 000 000 d'Allemands qui vivent aujourd'hui en Allemagne, 3 000 000 à peu près sont nés avant 1940 et ont donc un souvenir quelconque d'enfants, de jeunes adolescents de l'époque nazie".
Il y a encore une poignée d'anciens combattants, c'est-à-dire les derniers qui ont été mobilisés. Ceux nés en 1927. Ne subsistent que quelques hommes, ils sont âgés de plus de 96 ans [aujourd’hui]. Donc, ce débat sur l'écroulement et la libération, entre ceux qui ont vécu l'époque est largement un débat terminé. Alors, il reste que pour nous, aujourd'hui : c'est clair, le 8 mai 1945 est un jour de libération.
L’historien établit trois césures qui indiquent comment le 8 mai 1945 constitue pour les Allemands une libération.
"Une première grande césure, c'était le discours de l'ancien président de la République Richard von Weizsäcker, voici 40 ans. Une deuxième césure, c'était l'invitation du chancelier Gerhard Schröder en 2005 à Moscou, chez les Russes, donc, la grande puissance victorieuse à l'est de l'Europe. Et on peut ajouter à cela une troisième césure. Il y a dix ans, un grand historien a fait un grand discours au Bundestag où il a parlé lui aussi de libération, mais d'une libération des Allemands d'eux-mêmes, c'est-à-dire que les Allemands en fin de compte, après toutes ces années ont laissé derrière eux, une fois pour toutes, des traditions anti-occidentales."
Pour Klaus-Peter Sick, le débat se situe ailleurs aujourd'hui : "le débat se déplace de cette mémoire de l'extrême violence perpétrée par des Allemands contre autrui, vers aujourd'hui aussi la violence qui a été subie par des Allemands aussi après la fin de la guerre, c'est-à-dire la pénurie de nourriture, les problèmes de logement et surtout, et c'est en ce moment un grand sujet de débat, la mémoire entre Allemands. Ces 10 000 000 d'Allemands qui ont dû quitter les territoires à l'est de la frontière, c'est-à-dire qui ont dû quitter ces territoires qui sont aujourd'hui polonais ou russes dans le centre-est de l'Europe."
Des réfugiés allemands sur les routes européennes
En 1945, des millions de personnes sont sur les routes d’Europe. L’historien Philippe Burrin estime que 12 millions de ces réfugiés étaient des Allemands : ceux qui résidaient dans les provinces de l’est du Reich et annexées par la Pologne et l’URSS au sortir de la guerre et les Allemands qui vivaient depuis longtemps dans les Balkans ou en Europe de l’est.
En 1945, l’Allemagne est divisée et placée sous la houlette des 4 puissances alliées qui ont gagné la guerre. Les Etats-Unis, le Royaume uni et la France occupent des pans entiers du territoire de l’ouest de l’Allemagne et à l’Est, ce sont les Soviétiques qui donnent le la. En 1949, cela aboutira à la création de la RFA, à l’ouest, puis à la RDA, à l’est. Ces deux Allemagnes séparées, symboles de la guerre froide, ne pourront se réunir qu’en 1990.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, quelques soldats africains ont combattu au côté de la Wehrmacht, l’armée du Reich. Ils formaient ce qu’on appelait le "Deutsche Afrikakorps" et étaient déployés notamment en Afrique du Nord en soutien à l’armée de l’Italie fasciste, alliée de l’Allemagne. Parmi eux une poignée de soldats d’Afrique subsaharienne, selon Klaus-Peter Sick.
"Il y a aujourd'hui, heureusement une nouvelle génération d'historiens africains, marocains, sénégalais, constate Klaus-Peter Sick qui s'occupent de la mémoire des troupes africaines, mais qui ont combattu beaucoup plus évidemment du côté des alliés occidentaux, surtout français et britanniques."
Car, de nombreux soldats africains ont combattu aux côtés des troupes françaises et britanniques contre les armées allemandes, italiennes et japonaises notamment.
Deux destins parallèles et emblématiques.
Issoufou Joseph Conombo a combattu pour la France pendant la Seconde Guerre Mondiale. Malade, il a été admis à l’hôpital en 1974 en France, en pleine année de célébration des 30 ans du débarquement de Normandie : aucune mention des soldats africains au cours de la commémoration, se plaint-il. Il meurt à 91 ans, le 20 décembre 2008, 30 minutes avant l’atterrissage de son avion qui quittait la France, après avoir été député, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre du Burkina Faso. Avant sa mort, Issoufou Joseph Conombo a écrit un livre : Souvenir de guerre d’un tirailleur sénégalais, un ouvrage paru en 1989 aux Editions de L’Harmattan.
Le Ghanéen Miike Ajevon a combattu, lui, sous commandement britannique contre les troupes japonaises, en Birmanie. Il aurait par exemple souhaité que les colons européens aillent au Nigeria, au Ghana, en Sierra Leone pour célébrer les 50 ans de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Il aurait eu ainsi par exemple la possibilité de rencontrer des amis et officiers qu’il n’avait plus vus depuis la guerre.
"C'est quelque part une des branches en tout cas de cette tragédie", déplore Amadou Fall, historien sénégalais. Pour lui, "on n'a absolument rien compris, rien maîtrisé de notre histoire. Et la reconnaissance de la France encore moins".
"Il est vrai que le président Hollande est une fois venu au Sénégal et a parlé justement de la participation des tirailleurs sénégalais, dela tragédie de Thiaroye. Mais on s'est arrêté là, on s'est arrêté là."
Le massacre de Thiaroye a eu lieu en décembre 1944. Des tirailleurs africains y ont été massacrés par les forces coloniales françaises alors qu’ils réclamaient le paiement de leurs arriérés de soldes. Le président français Emmanuel Macron a reconnu en novembre dernier que les forces coloniales françaises avaient commis un massacre. Les autorités françaises de l'époque avaient admis la mort de 35 personnes. Plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé, jusqu'à 400.
Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a annoncé le 1er décembre dernier que l'histoire du massacre de tirailleurs africains serait désormais enseignée dans les écoles.
Une nouvelle page de l'histoire
L’historien sénégalais Amadou Fall estime que la France et les pays africains doivent pouvoir se parler franchement.
"Et la France et nous autres, l'Afrique, nous devons échanger, discuter, rétablir la vérité historique, la vérité des faits qui sont là, ces faits-là palpables, les archives, mais aussi des témoins vivants, qu'on en parle, qu'on essaie une fois pour toutes, n'est-ce pas de nous parler, de nous réconcilier et d'aller ensemble. Et cette reconnaissance doit aller d'abord dans une reconnaissance morale. Reconnaître ce qu'on a fait à l'époque. Il faut que dans les manuels scolaires qu'on en parle réellement, sans falsification des faits."
Il ajoute : "il faudrait qu'en France même quelques camps militaires portent le nom de tirailleurs sénégalais. Qu'il y ait une sorte de reconnaissance morale ! Et c'est ça, en vérité, qui peut nous permettre demain d'ouvrir une nouvelle page et donc de rentrer dans une nouvelle histoire."
Les pays colonisés ont non seulement fourni des matières premières importantes pour la guerre à des prix dérisoires mais ils ont également fourni des millions de soldats et de travailleurs forcés aux forces armées alliées, indique le Centre fédéral allemand pour l’éducation politique. Qui rappelle que sans la contribution des colonisés, la Seconde guerre mondiale aurait pris un cours différent et la libération du monde du fascisme allemand et italien et de la folie de la grande puissance japonaise aurait été encore plus difficile et plus longue.