La question foncière divise toujours l'Afrique du Sud
6 février 2025La question foncière est un sujet clivant en Afrique du Sud.
La majorité des terres sont détenues par la minorité blanche du pays, héritage d'une politique d'expropriation de la population noire pendant l'apartheid et la colonisation.
Le 23 janvier dernier, le président Cyril Ramaphosa a signé une loi controversée sur l’expropriation des terres.
Une loi présentée par les autorités sud-africaines, comme un texte de justice sociale, qui vise surtout à corriger les profondes inégalités héritées de la période de l'apartheid.
Les Afrikaners, ces descendants de colons européens, se sentent particulièrement ciblés. Ils estiment que cette réforme représente une menace directe à leur existence.
Le gouvernement sud-africain rejette les accusations de Donald Trump, aussi exprimées par Elon Musk, selon lesquelles l'Afrique du Sud "confisquerait" des terres à la suite de la promulgation de la loi d'expropriation.
Le président américain menace même de couper tout financement futur au pays.
Son secrétaire d'Etat, Marco Rubio, a annulé sa participation à une réunion du G20 prévue dans quelques jours à Johannesburg.
Le puissant syndicat sud-africain de défense des droits civiques, AfriForum, estime qu'en promulguant le projet de loi sur l'expropriation des terres, Cyril Ramaphosa met en péril l'avenir des investissements étrangers dans le pays.
"Nous pensons que l'ANC, qui est le plus grand parti du pays, et le président lui-même, devraient être tenus pour responsables. Ils sont responsables de ce qui s'est passé, car il n'est pas nécessaire d'être économiste pour savoir que si l'on porte atteinte aux droits de propriété, cela fera fuir les investisseurs. Cela créera des ennemis dans les pays qui sont très attachés au marché libre", déclare Kallie Kriel, PDG d'AfriForum.
De nombreux fermiers tués
AfriForum estime que plus de 4.000 fermiers ont été assassinés en une décennie, ce que dément le gouvernement sud-africain.
"Il est vrai que la loi doit être modifiée. Toutefois, il n'est pas vrai que la loi permette à l'Etat de saisir des terres de manière arbitraire. Elle exige une compensation équitable pour les expropriations légitimes", estime pour sa part John Steenhuisen, le patron du parti de centre droit, Alliance démocratique, partenaire de l'actuelle coalition gouvernementale.
Jimmy Tsoari, un habitant de Heidelberg, estime que la loi sur l'expropriation pourrait être bénéfique pour les Sud-Africains noirs qui souhaitent se lancer dans l'agriculture.
"Les Blancs ont pris toutes nos terres et je considère que l'expropriation est une bonne chose. Mais je prévois que nous aurons du mal à nous en sortir, car la plupart d'entre nous, les Noirs, ne connaissons pas grand-chose à l'agriculture, seuls les Blancs le savent. Les agriculteurs savent comment faire, c'est pourquoi ils font appel à nous. Mais cela reste une opportunité pour nous, les Noirs, de posséder des fermes afin de pouvoir gagner notre vie."
Le spectre du cas zimbabwéen
Dirkie Griesel, un commerçant local, redoute, quant à lui, les répercussions que cette loi pourrait avoir sur l’économie sud-africaine.
"Avant de prendre une ferme, ils doivent réfléchir à ce qu'ils vont en faire. Ils ne peuvent pas avoir une grande parcelle de terre et ne rien en faire. S’ils se contentent d'y faire venir des familles et d'utiliser les terres pour ce qu'ils veulent, mais sans donner quelque chose en retour au pays, pour que l'économie se développe ou pour que les Sud-Africains aient de la nourriture ou autre chose, ce n'est pas une bonne chose s'ils prennent la terre pour rien."
Un quart de siècle après la chute du pouvoir ségrégassioniste et les premières élections démocratiques, en 1994, la minorité blanche, qui représente 8% de la population du pays, possède 72% des terres, contre 4% seulement pour les Noirs qui constituent 80% de la population, selon les autorités.
De nombreux détracteurs de loi d'expropriation agitent le spectre du cas zimbabwéen pour évoquer le désastre économique qu'a connu ce pays après la vague d’expulsions des fermiers blancs, au début des années 2000. Plus de 4.000 fermiers blancs avaient été expulsés de leurs terres au profit de fermiers noirs.