En RDC, la rébellion veut s'emparer du système judiciaire
14 août 2025Dans l'est de la République Démocratique du Congo, la rébellion de L'AFC-M23 envisage de relancer les instances judiciaires sur tout le territoire qu'elle occupe dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Une commission a été mise en place en vue du lancement et de l'encadrement de la justice.
Cependant, la commission est jugée illégitime par les défenseurs des droits humains congolais qui soutiennent que la rébellion continue à prendre des mesures susceptibles de compromettre les efforts diplomatiques facilités par les discussions de Dohaet Washington.
25 membres actifs de la rébellion de l'AFC-M23 seront chargés de mettre en place les mécanismes de relance des instances judiciaires selon la décision de la coordination du mouvement, rendue publique ce mardi 12 Août.
Démarche illégitime
Pour Moïse Hangi, défenseur congolais des droits humains, "cette commission est illégitime en tant que tel car instituée par une rébellion qui est responsable de multiples violations des droits humains et de plusieurs autres actes barbares qualifiables de crimes de guerre et des crimes économiques; il est hypothétique de croire qu'elle saura établir une justice crédible en lieu et place des cours et tribunaux institués par l'autorité de l'Etat. Les bourreaux ne peuvent nullement se transformer en juges".
Une position que soutient Kambale Nguka, un activiste des droits de l'Homme, coordinateur de l'association Badilika, qui œuvre à la protection des droits de l'Homme à Rutshuru. Celui-ci, est d'accord qu'il existe bien évidemment un vide juridique dans les zones sous contrôle des rebelles, mais il émet une crainte sur l'indépendance de ces cours et tribunaux, bientôt instaurés par le M23.
Une justice aux ordres des rebelles
Il craint également que leurs décisions soient influencées par les intérêts politiques. Kambale Nguka estime qu'"il est difficile pour une rébellion de faire asseoir une vraie justice. Elle va instaurer une justice basée sur la loi du plus fort, c'est une façon d'installer la terreur et faire taire toutes ces personnes qui bravent la peur de dire haut ce que les gens disent tout bas, ceux qui ont vraiment soif de la vraie justice".
Si l'AFC-M23 soutient que la restauration de l'autorité judiciaire dans les zones qu'elle occupe est une priorité pour lutter contre l'impunité, Maître Brigitte Kanga avocate, appelle le gouvernement congolais et les acteurs impliqués dans la recherche de la paix dans l'est de la RDC à la vigilance.
Selon elle, "le gouvernement congolais et même toutes les parties impliquées dans la médiation de la crise sécuritaire en RDC, doivent être très vigilants. Le M23 fait toujours des gestes qui vont à l'encontre de l'esprit de recherche de la paix, ils entreprennent des démarches qui prouvent qu'ils veulent rester maîtres des zones qu'ils occupent illégalement. Je pense que la population a assez souffert, il est temps que la pression soit accentuée pour remettre chacun à sa place".
Sur la liste des membres qui composent cette commission, figurent des personnalités déjà condamnées à mort par Kinshasa. Il s'agit notamment de Délion Kimbulungu désigné président de la commission, et Magloire Paluku ancien journaliste de Goma.
L'AFC/M23 justifie la mise en place de cette commission par un besoin de relancer le système judiciaire, les cours et tribunaux qui sont à l'arrêt depuis l'occupation de plusieurs villes et villages.
Selon Maître Elie Mutela, nommé rapporteur adjoint de la commission, l'AFC/M23 a mis en place la commission "dans le but de relancer et d'encadrer le pouvoir judiciaire afin de répondre aux nombreuses demandes de justice de la population, de lutter contre l'impunité et de garantir le respect des droits fondamentaux". Il affirme qu'une fois les cours et tribunaux mis en place, "plus rien ne s'opposera à leur fonctionnement indépendant".
Des ajouts ont été apportés à cet article ce 14.08.2025