Un Congolais sur cinq souffre de troubles mentaux
12 août 2025"Ces derniers temps, nous recevons plus de personnes qu’avant, pour des problèmes allant de légers troubles anxieux à des pathologies sévères. Aujourd’hui seulement, j’ai consulté dix-sept patients. Certains ont dû être invités à revenir un autre jour", explique le professeur Josué Ozowa Latem. Il travaille comme psychothérapeute et consultant au centre de santé mentale Telema. Il constate que "ces derniers mois, les couloirs ne désemplissent pas : de plus en plus de patients viennent consulter."
"Les causes sont multiples : parfois physiques, comme une malaria mal soignée ou les séquelles d’un accident. Mais la plupart sont d’ordre psychologique et social. Les gens ont des ambitions, des rêves… mais les années passent et ils n’arrivent pas à les réaliser. Les tensions familiales, les ruptures amoureuses, la perte d’un proche, l’insécurité, le chômage… tout cela mine l’esprit"
Ici, chaque patient passe d’abord par une évaluation psychiatrique, puis, si nécessaire, par une prise en charge psychologique approfondie. "Nous faisons des entretiens pour comprendre le problème dans son contexte. Ensuite, nous posons un diagnostic précis et nous mettons en place un plan thérapeutique adapté. Mais la clé, c’est aussi l’accompagnement : un patient isolé a moins de chances de guérir. Les familles doivent rester présentes, encourager, écouter, et bannir les préjugés qui détruisent plus qu’ils ne soignent."
Le calvaire des familles des patients
Dans la salle d’attente, Stéphanie Mwadi est venue rendre visite à sa sœur cadette qui est suivie depuis 14 mois. "Quand elle a commencé à changer, à parler seule, à s’enfermer… les voisins ont dit que c’était la sorcellerie. Même dans la famille, certains l’ont rejetée. Moi, j’ai compris que c’était une maladie. Mais on se sent seules… parce que dans notre société, on te regarde comme si toi aussi tu étais anormale."
Un peu plus loin, assis près de la fenêtre, Jean-Norbert, la trentaine, nous accueille avec un sourire. Après deux ans de traitement, il se dit presque guéri. "Moi, j’étais complètement perdu… je ne dormais plus, j’avais l’impression que tout le monde me voulait du mal. Ma famille a cru que j’étais possédé. C’est un ami qui m’a amené ici. Au début, je ne voulais pas, mais les médecins m’ont parlé, m’ont expliqué… Et petit à petit, j’ai retrouvé ma vie. Aujourd’hui, je me sens mieux, je travaille un peu et je reprends confiance. Si j’ai un message, c’est que la maladie mentale se soigne. Mais il faut du courage… et surtout, il faut que les autres croient aussi en notre guérison."
À Kinshasa, la santé mentale reste une priorité oubliée. Pourtant, dans un pays secoué par l’instabilité et les crises, elle pourrait bien être la clé pour reconstruire des vies, et qu’à l’avenir, le pays lui aussi aille mieux.