Réaction de l'Allemagne à la situation à Goma en RDC
28 janvier 2025Dans l'est de la République démocratique du Congo, le mouvement M23 a annoncé la prise de la ville de Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu. Les combats de lundi ont fait 17 morts et près de 370 blessés, selon des sources hospitalières.
La situation sur place reste toutefois confuse et inquiète au-delà des frontières de la RDC. Le 28.01.25, le Conseil paix et sécurité de l'Union africainea convoqué une réunion d'urgence.
Le président kényan, William Ruto, a annoncé la tenue, à Nairobi, d'une réunion de crise de la SADC, la Conférence de coordination pour le développement de l'Afrique australe mercredi (29.01.2025). Son homologue congolais, Félix Tshisekedi, n'a pas encore confirmé sa participationt. Ni le chef de l'Etat rwandais, Paul Kagame.
Le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, a condamné lundi l'assaut sur Goma du M23, soutenu par des troupes rwandaises, et affirmé la souveraineté de la République démocratique du Congo (RDC), dans un appel téléphonique à son président Félix Tshisekedi.
"Le secrétaire d'Etat Marco Rubio a condamné l'assaut sur Goma du M23, (groupe) soutenu par le Rwanda, et affirmé le respect des Etats-Unis pour la souveraineté de la RDC", a déclaré la porte-parole du département d'Etat Tammy Bruce dans un communiqué.
L'UE appelle le Rwanda à ne plus soutenir le M23
En Europe et en Allemagne, la détérioration de la situation à Goma suscite aussi des réactions.
Les ministres européens des Affaires étrangères se sont réunis, hier lundi, à Bruxelles, pour discuter de la situation. La cheffe de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, demande au Rwanda de retirer ses troupes du territoire congolais et de cesser son soutien au mouvement M23– un soutien que Kigali persiste à nier.
Pour l'Allemagne, qui entretient de bonnes relations avec la RDC comme avec le Rwanda, il est difficile de prendre parti : Berlin ne veut fâcher aucun partenaire et se dit prêt à dialoguer avec les deux camps.
Le Réseau œcuménique allemand pour l'Afrique centrale (ÖNZ) s'inquiète toutefois de la catastrophe humanitaire qui menace. Son directeur, Ciaran Wrons-Passmann, appelle le gouvernement allemand à réagir.
Il voit diverses possibilités pour l'Union européenne et l'Allemagne, par exemple en prenant de nouvelles sanctions ciblées contre des proches du président rwandais, Paul Kagame, pour le contraindre à cesser tout soutien au M23.
"On pourrait aussi suspendre des aides", estime Ciaran Wrons-Passmann. "Par exemple, le financement, dans le cadre de la facilitation européenne pour la paix, des troupes rwandaises engagées au Mozambique. Une aide qui a été autorisée seulement en décembre dernier. On pourrait les geler. L'Allemagne pourrait aussi réfléchir à des mesures sur l'aide bilatérale. Enfin, il y aussi la médiation de l'Angola pour des négociations sous l'égide de l'Union africaine. L'Allemagne pourrait s'y investir davantage."
Un moment propice au M23
Le chercheur Christoph Vogel estime que le M23 a profité de ce que l'attention mondiale était tournée ailleurs pour pénétrer dans Goma.
"Ce qui parle pour cette hypothèse du moment favorable, c'est évidemment d'un côté le contexte politique international, avec notamment des éléments comme le changement de gouvernement aux Etats-Unis et aussi un contexte plus global, où l'attention pour la crise dans l'est du Congo est quand même assez faible au niveau international, vu ce qui se passe à travers le monde", analyse Christoph Vogel.
Cette attitude pourrait toutefois se retourner contre les Occidentaux, du point de vue de Jakob Kerstan, directeur du bureau de la fondation allemande Konrad Adenauer à Kinshasa :
"Il va s'agir de rester durablement crédible, déclare Jakob Kerstan à la DW. "Or, en ce moment, c'est une phase critique. Nous devons absolument montrer que nous tenons au concept d'intégrité territoriale, par exemple. Par ailleurs, il existe au Congo un fort sentiment prorusse, et même s'il n'est pas aussi fort que dans d'autres pays, si l'Occident échoue à nouveau dans cette affaire du point de vue des Congolais, ce sentiment prorusse continuera à se répandre."
"Je pense que c'est un danger pour l'Occident et pour l'ordre mondial, même si, en Allemagne, ce n'est malheureusement pas en tête de la liste des priorités", poursuit Jakob Kerstan. "A mon avis, l'Occident doit agir rapidement pour rester crédible, et agir signifie aussi faire pression sur le Rwanda pour qu'il cesse de soutenir le M23."
Pour l'heure, les espoirs d'une accalmie sont suspendus à la volonté, côté rwandais et congolais, de reprendre les négociations.
Mais l'une des difficultés qu'entrevoit Claus Schrowange, de l'ONG Eirene à Bujumbura, sera de trouver un médiateur qui fasse consensus dans les deux pays.