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Le rôle que peuvent jouer les voisins de la RDC et du Rwanda

30 janvier 2025

Analyse du positionnement de la SADC, du Kenya, de l'Ouganda, de l'Afrique du Sud dans le conflit qui oppose le Rwanda et la République démocratique du Congo.

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RDC : Des rebelles du M23 contrôlent le poste-frontière vers le Rwanda appuyés par des mercenaires blancs (photo du 29 janvier 2025)
Le M23 bénéficie du soutien militaire du Rwanda et de l'appui de mercenairesImage : Moses Sawasawa/AP Photo/picture alliance

Le M23 a annoncé qu'il continuerait "sa marche de libération  jusqu'à Kinshasa" après la prise de Goma. Vincent Karega, l'ambassadeur des autorités rwandaises pour les Grands Lacs, a tenu des propos similaires.

Quant au président congolais, Félix Tshisekedi, il promet une "riposte vigoureuse" et met en garde contre un risque d' "escalade régionale".

Or les combats dans le Nord-Kivu ont déjà des répercussions sur les pays voisins. En début de semaine, la Représentante spéciale des Nations unies en République démocratique du Congo et cheffe de la Monusco, Bintou Keïta, estimait déjà à "plus d'un million de personnes" le nombre de réfugiés congolais ayant fui vers un pays voisin pour échapper à l'arrivée du M23.

 

Les autres Etats de la région sont donc impliqués de facto dans le conflit.

Vers une fin de la mission de la SADC?

Il y a d'abord la Communauté de développement de l'Afrique australe. Environ 7.000 militaires sud-africains, malawites et tanzaniens sont déployés, depuis la fin 2023, dans le cadre de la mission sous-régionale (SAMIDRC). Ils sont censés appuyer l'armée congolaise et ses alliés dans l'est de la RDC, mais leur présence n'a pas permis d'empêcher l'avancée du M23.

Face à eux, "il ne fait aucun doute que des troupes rwandaises soutiennent le M23 à Goma". Voilà ce qu'a déclaré le chef des opérations de maintien de la paix de l'Onu. Jean-Pierre Lacroix reconnaît toutefois qu'il est difficile de dénombrer exactement les soldats rwandais présents dans la capitale du Nord-Kivu.

En dépit de la "riposte vigoureuse" promise par Félix Tshisekedi, les pertes que les troupes de l'Afrique australe enregistrent dans leurs rangs démotivent les soldats.

La SADC, la Communauté de développement d'Afrique australe, qui convoque ce vendredi un sommet extraordinaire sur la situation dans l'est de la République démocratique du Congo, pourrait décider de leur retrait de la région de Goma.

SADC : photo de famille au sommet de Harare, le 17 août 2024
Les soldats déployés en RDC, notamment par la SADC, en ont assez de mourir en territoire étrangerImage : Tafara Mugwara/Xinhua/IMAGO

Des tensions anciennes entre le Rwanda et l'Afrique du Sud

"Quand la SADC est entrée au Congo, rappelle Kristof Titeca de l'Université d'Anvers en Belgique, Paul Kagame s'est plaint que l'Afrique du Sud n'avait pas consulté Kigali. Il n'a jamais trouvé que ces troupes sud-africaines ou de la SADC étaient légitimes."

D'autant que les relations entre l'Afrique du Sud et le Rwanda sont mauvaises depuis l'assassinat de l'ancien chef des services secrets rwandais à Johannesburg, fin 2013. Patrick Karegeya était entré en dissidence avec Kigali.

Depuis, plusieurs opposants rwandais sont morts assassinés en Afrique du Sud.

La puissance de l'armée rwandaise

La supériorité militaire de leur ennemi peut expliquer le manque d'allant des soldats étrangers, parmi lesquels les soldats burundais envoyés en RDC, de l'avis de Claus Schrowange, de l'ONG Eirene à Bujumbura :

"Le M23 est soutenu par le Rwanda, il est bien organisé et bien équipé, c'est presque plus une "armée étatique" qu'un groupe rebelle. L'armée congolaise est soutenue par 10.000 soldats burundais mais ils n'ont plus envie de se faire tuer là-bas. Leur motivation est surtout d'ordre financier et/ou elle s‘explique par leur antipathie pour le Rwanda."

Kristof Titeca le confirme : "Le Rwanda a l'armée la plus sophistiquée de la région".

"D'un côté, explique le chercheur, [les Rwandais] pensent être menacés. Dans l'est du Congo, il y a toujours les FDLR qui étaient impliqués dans le génocide et qu'ils considèrent comme une menace existentielle. […]

De l'autre côté, l'armée congolaise a des problèmes de corruption. Et pour la Monusco, le problème, ce n'est pas seulement le mandat mais aussi que ces soldats sont sous le contrôle de leur gouvernement qui leur a donné des instructions pour être plutôt défensifs. Et en effet, tous ces soldats n'ont pas envie de mourir dans ce contexte-là."

Un couple dans les ruines de sa maison après le passage du M23 à Sake (photo du 28 janvier 2025)
Les combats entre le M23 et les forces congolaises sèment la désolationImage : AFP/Getty Images

Quelle médiation possible?

Pour Kristof Titeca, le Kenya a ruiné ses chances de médiation. Pour preuve, l'échec relatif de la réunion de mercredi, à Nairobi, où la Communauté des Etats d'Afrique de l'Est et le président kenyan William Ruto se sont contentés d'appeler au dialogue.

"Je crois que Ruto et Nairobi ont perdu leur légitimité ces dernières années", déclare Kristof Titeca avant d'identifier "un autre problème avec Nairobi : l'Alliance Fleuve Congo, l'aile politique du  M23, a commencé à Nairobi.[…] Il y a aussi eu une mission de l'East African Community qui a dû partir [de RDC]. Il faut trouver un autre médiateur, par exemple l'Angola."

Sauf que l'Angola, mandaté pour opérer une médiation par l'Union africaine, est plus proche diplomatiquement de Kinshasa que de Kigali.

Quant à l'Ouganda, Kristof Titeca pense qu'il est impossible pour lui de jouer le rôle de médiateur en raison de son ambiguité. 

"Le rapport du groupe d'experts des Nations unies a montré que l'Ouganda a joué un rôle passif dans le conflit, note Kristof Titeca. D'un côté, le M23 et ses alliés utilisent Kampala comme lieu de réunion. Ils passent souvent par l'Ouganda. Le rapport des experts de l'Onu estime qu'il est impossible que Kampala ne soit pas au courant de ces mouvements."

"D'un autre côté, souligne l'universitaire, l'Ouganda mène actuellement des opérations militaires conjointes avec le Congo pour lutter contre les rebelles ougandais ADF. C'est la mission Shujaa."

Le chercheur résume la situation en ces termes : "D'un côté l'Ouganda collabore avec Kinshasa et d'un autre côté, le rapport des Nations unies montre que l'Ouganda mène un rôle assez ambigu avec le M23."

Faire pression sur les deux camps

Pour éviter une guerre ouverte, Kristof Titeca estime qu'à court terme, il faut faire pression sur le Rwanda, en lui imposant des sanctions économiques, par exemple, et ce alors que Paul Kagame en a fait un "chouchou des donateurs" en érigeant le Rwanda en pays modèle de développement.

Mais pour que la paix soit rétablie durablement, à moyen et long termes, il faudra aussi, selon notre interlocuteur, réformer profondément l'armée congolaise et le mode de gouvernance à