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"Entre la RDC et le Rwanda, la paix reste à portée de main"

31 juillet 2025

Interview avec Roger-Claude Liwanga, professeur de droit et négociations internationales à l'université Emory, aux Etats-Unis.

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Portrait de Roger-Claude Liwanga de l'université Emory aux Etats-Unis
Roger-Claude Liwanga évalue la mise en oeuvre des engagements pris à Washington par la RDC et le RwandaImage : Privat

Il y a un peu plus d'un mois maintenant que le Rwanda et la RDC ont signé un accord de paix à Washington. 

30 tâches spécifiques ont été définies dans cet accord.

Des engagements particuliers

Certaines des tâches devaient être mises en œuvre indistinctement par les gouvernements congolais et rwandais - c'est le cas par exemple de l'interdiction des actes hostiles ou d'agression et le respect de l'intégrité territoriale de l'autre pays.

D'autres tâches étaient spécifiquement assignées aux autorités congolaises, comme l'intégration conditionnelle du M23 dans l'armée et la police nationale.

D'autres relevaient de la responsabilité exclusive des autorités rwandaises, telles que le désengagement de son armée sur le territoire congolais.Enfin, certaines tâches étaient attribuées aux médiateurs et aux partenaires du processus de paix.

Le chercheur Roger-Claude Liwanga, qui enseigne le droit et les négociations internationales à l'université Emory, aux Etats-Unis, a mis au point un instrument pour suivre les avancées dans l'application de ces engagements pris par les différents signataires alors que le comité de surveillance de l'accord de Washington est censé tenir sa réunion inaugurale le 11 août prochain.

Il vient de publier sa première évaluation préliminaire du processus de paix, basée sur un système de notation de 0 à 10, en fonction de l'état d'avancement et de la mise en œuvre de chacun de ces engagements. 
Roger-Claude Liwanga constate qu'il s'est passé des choses, pendant un mois. Certes, 22 des 30 tâches définies dans l'accord n'ont pas encore du tout été enclenchées, néanmoins le chercheur note quelques avancées.

Interview de Roger-Claude Liwanga (Université Emory, USA)

Interview de Roger-Claude Liwanga

 

DW : Roger-Claude Liwanga, vous avez observé le degré de mise en œuvre des 30 tâches définies dans l’accord de paix de Washington. Et un mois après la signature, vous venez d’en publier une première évaluation préliminaire. 22 tâches sur 30 n’ont pas du tout été enclenchées, selon vous. Mais quels sont les points sur lesquels vous  notez le plus d’avancées positives, en un mois ?

Roger-Claude Liwanga : Parmi les huit tâches partiellement exécutées, c'est l'engagement relatif au soutien de la communauté régionale et internationale aux signataires de l'accord qui a obtenu le score le plus élevé, soit 7,5 points sur 10.

Les autres tâches telles que l'interdiction d'actes hostiles ou d'agressions, le respect de l'intégrité territoriale de chaque État, la mise en place d'un mécanisme conjoint de coordination de la sécurité entre le Rwanda et la RDC, la protection des civils et le respect du droit international humanitaire, le retour des réfugiés et des déplacés internes ainsi que la création du comité de surveillance conjointe... toutes ces tâches-là ont connu un début d'exécution à un niveau initié ou minimal, obtenant chacune un score de 2,5 points ou de 5 points sur 10.

 

DW : Avec les pourparlers qui continuent d'achopper à Doha, on voit que certains points demeurent litigieux, notamment la demande de l'AFC-M23 qui réclame aux autorités congolaises de libérer des prisonniers. Quels sont les principaux obstacles que vous identifiez qui empêchent encore la mise en œuvre plus complète de l'accord de Washington?

Roger-Claude Liwanga : D'abord, il y a l'absence d'un calendrier d'exécution clair et contraignant. Or, pour certaines tâches, cela rend difficile la planification, la coordination et l'évaluation des progrès.

Il y a également le retard pris dans la mise en place de mécanismes de suivi, notamment le comité conjoint de surveillance qui n'a pas encore tenu sa réunion inaugurale.

Il y a également un décalage entre certaines dispositions de l'accord et la réalité sur le terrain, notamment la question de la reconfiguration du contrôle territorial qui empêche certaines tâches d'être exécutées par les acteurs prévus.

Enfin, il y a un climat de méfiance persistant, illustré par des demandes non satisfaites, comme celle de la libération des prisonniers qui ralentissent bien entendu la mise en œuvre des mesures de confiance essentielles à l'avancement du processus.

Il est donc crucial que les parties accélèrent la mise en œuvre des engagements prioritaires, renforcent les mécanismes de survie et harmonisent les actions sur le terrain.

Qui soutient qui dans le conflit en RDC ?

 

DW : Est-ce que selon vous, il reste malgré tout possible de rétablir sous peu la paix en RDC ? Je sais que vous vous êtes entretenu, notamment, avec le président congolais Félix Tshisekedi et aussi avec l'Union africaine... Qu'est-ce qu'ils vous ont dit ? Est-ce que vous, vous sentez une réelle volonté de rétablir cette paix ?

Roger-Claude Liwanga : Oui, je crois qu'il reste possible de rétablir la paix en RDC à condition que les engagements pris dans l'accord de Washington et dans la déclaration de principe de Doha soient mis en œuvre de manière sincère, coordonnée et progressive.

Lors de mes échanges avec les différentes parties prenantes impliquées dans la résolution de la crise en RDC, j'ai effectivement perçu une réelle volonté politique de sortir du cycle de violence et d'ouvrir un nouveau chapitre basé sur la stabilité, la coopération régionale et la réconciliation.

Cela dit, cette volonté seule ne suffit pas et doit s'accompagner d'actes concrets.

Notamment la mise en place rapide des mécanismes de suivi, le respect des engagements prioritaires et un dialogue soutenu avec toutes les parties prenantes.

La paix est encore fragile, mais elle reste à portée de main si les efforts sont maintenus et si chaque acteur joue pleinement son rôle.