En RDC, Paul Kagame accusé mais sans crainte de sanctions
4 juillet 2025Les rapports s’enchaînent et se ressemblent sur le conflit qui ravage l’est de la République démocratique du Congo. Tous dressent le même constat : le Rwanda est bel et bien impliqué aux côtés des rebelles de l’AFC-M23.
Le dernier en date, émanant des Nations unies, va encore plus loin : il évoque l’hypothèse d’une possible annexion de l’est congolais par le président rwandais Paul Kagame. Un scénario jugé extrêmement grave par les autorités de Kinshasa, qui s’inquiètent du silence persistant de la communauté internationale face à une telle menace.
"Le droit international est complètement piétiné depuis le début de ces guerres. La responsabilité du Rwanda ne souffre d’aucune ambiguïté", affirme le juriste congolais Boniface Musavuli.
Les intérêts économiques
Selon Boniface Musavuli, les intérêts économiques liés aux ressources minières empêchent toute réaction ferme : "Depuis 2001, l’ONU indique clairement que ce sont les lobbies miniers qui soutiennent le pouvoir de Kigali. Et ces grands lobbies sont plus puissants que les États eux-mêmes."
Boniface Musavuli estime que ces intérêts ont toujours protégé Paul Kagame des sanctions. Pourtant, comme dans ses précédents rapports, le groupe d’experts de l’ONU dénonce des « incursions systématiques et massives » des troupes rwandaises à la frontière congolaise.
Paul Kagame est largement perçu, notamment en Occident, comme l’homme qui a mis fin au génocide des Tutsi en 1994 et qui a ramené une forme de stabilité au Rwanda.
Pendant des années, il a cultivé l’image d’un dirigeant moderne, bâtisseur et réformateur, qui a transformé son pays et relancé son économie. D'après des observateurs, cela rend politiquement délicat pour certains États, notamment les États-Unis, le Royaume-Uni ou la France, d’adopter une ligne dure contre le Rwanda.
Le rôle stratégique du Rwanda
À cela s’ajoute le rôle stratégique de Kigali dans la région : le Rwanda est vu comme un allié clé dans la lutte contre le terrorisme et l’instabilité dans la région des Grands Lacs et au-delà, Notamment en RCA et au Mozambique contre les groupes armés.
Sanctionner Kigali risquerait, aux yeux de certaines puissances, de fragiliser un partenaire utile dans une zone marquée par de nombreuses crises. Ce qui freinerait toute prise de position ferme selon certains spécialistes de la région.
"Ce qu’on voit maintenant, c’est une sorte d’hypocrisie. Ce n’est plus la realpolitik, c’est la "real économie". Il n’y a plus de morale et ils ont peur de Kagamé quelque part mais surtout, c’est que Kagame va d’abord leur dire, c’est le problème de l’Afrique, ce n’est pas votre problème", estime Antoine Glaser, spécialiste de l’Afrique et fondateur de La Lettre du Continent. Il souligne aussi l’impuissance croissante de la communauté internationale à imposer des sanctions efficaces.
Par ailleurs, il existe aussi un manque d’unité au sein des grandes puissances sur la manière de gérer ce dossier. Certains pays, comme la Belgique, commencent à hausser le ton. D’autres, comme le Royaume-Uni, ont longtemps soutenu Kigali pour des raisons stratégiques ou commerciales.
Et sans consensus, des sanctions fortes sont difficiles à adopter au niveau du Conseil de sécurité ou d’organisations internationales.