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Reportage sur l'avortement clandestin en RDC

17 avril 2025

La loi congolaise interdit l'avortement. Pourtant, plus de sept jeunes filles sur 100 déclarent avoir déjà avorté.

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En République démocratique du  Congo, l’avortement clandestin est un problème majeur de santé publique. Dans un pays où la pauvreté atteint 73,5 % selon  la Banque mondiale, le manque d'éducation sexuelle et reproductive, les pressions sociales, les grossesses non désirées poussent de nombreuses jeunes filles à recourir à cette pratique, pourtant illégale.

Or l’interruption volontaire de grossesse fait encourir des risques importants aux femmes qui y recourt clandestinement, comme des infections, des complications graves, et même parfois la mort.

Alors qu'elle était encore étudiante, Nadège, une Kinoise, a décidé d'avorter dans un hôpital de la ville : 

"Il y a plus de sept ans, j'étais encore à l'université lorsque je suis tombée enceinte d'un collègue. Ni lui ni moi n'étions prêts à accueillir un enfant. Lui ne travaillait pas, et moi non plus. Il vivait chez sa tante, et moi également chez la mienne. Nous ne pouvions donc pas envisager d’avoir un enfant à ce moment-là. Nous avons donc pris la décision de ne pas garder cet enfant, de ne pas laisser cette grossesse se poursuivre."

Problème de santé publique 

En RDC, selon les résultats de l'enquête démographique et de Santé (EDS) réalisée en 2023-2024, le pourcentage des avortements chez les personnes de moins de 20 ans est estimé à 7,5 %. Cela signifie que sur 100 filles de cet âge, près de huit ont déjà avorté, un chiffre considéré comme élevé sur le plan national, selon les experts de la santé. 
En République Démocratique du Congo, l'avortement est porztant strictement interdit par le Code Pénal, qui impose des sanctions sévères à toute personne impliquée dans ce processus. 

Les articles 165 et 166 prévoient des peines allant de cinq à quinze ans de prison pour toute personne, y compris les médecins, qui faciliterait l'avortement par divers moyens – qu’il s’agisse d’aliments, de médicaments, de violences ou d’autres méthodes. 
De plus, une femme qui se fait avorter volontairement encourt une peine de cinq à dix ans de servitude pénale. 
Pour la femme concernée ou toute personne qui la soutient, l’avortement est donc un crime passible de peines de prison.

Pourtant, en 2016, une étude de Guttmasher a chiffré à 146.700 le nombre d’avortements pratiqués à Kinshasa, soit un taux de 56 avortements pour 1.000 femmes en âge de procréer. La même année, 38.000 femmes ont été traitées pour des complications liées à un avortement provoqué.

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"Ces femmes arrivent en état de choc"

La plupart des avortements clandestins sont pratiqués dans de petits centres situés dans les quartiers, souvent en dehors du cadre médical réglementé. Les femmes qui y recourent ne se rendent dans les grands hôpitaux que lorsque des complications surviennent, souvent graves, des complications qui nécessitent des soins urgents.

Dr. Bangambe Bwama Joseph est gynécologue et obstétricien. Médecin directeur à l’hôpital HJ Hôpital à Kinshasa, il  reçoit des femmes qui viennent le voir dans ces cas-là :

"Pour pratiquer ces avortements clandestins, il existe différentes pratiques. Certaines personnes utilisent des médicaments, d'autres recourent à des produits indigènes, comme la tige de manioc pour dilater le col de l'utérus. D'autres encore utilisent des objets tranchants, ou procèdent à un curetage. Enfin, certains ont recours à la méthode d'aspiration à l'aide d'une seringue de Carmant."

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Souvent, ses patientes consultent pour des infections graves, des saignements abondants, et elles se trouvent dans un état de stress extrême. 

Le Dr. Bangambe Bwama Joseph poursuit : "Les femmes qui arrivent à l'hôpital après un avortement clandestin peuvent être dans des états variés. Certaines arrivent dans un état stable, avec tous leurs signes vitaux normaux, mais elles peuvent signaler qu'elles continuent à saigner, qu'elles ont des pertes blanches malodorantes, ce qui peut indiquer une infection. Elles peuvent également se plaindre de douleurs intenses. D'autres arrivent dans des états beaucoup plus graves, surtout celles qui ont beaucoup saigné et qui sont transportées à l'hôpital en état de choc."

La prise en charge psychologique des femmes qui ont avorté est souvent négligée, alors que ces femmes ont besoin de soutien.

Ecoutez la suite de ce reportage en cliquant sur la photo ci-dessus