Le verdict attendu dans l’affaire Bukanga Lonzo en RDC
20 mai 2025Assise sous son parasol multicolore dans la chaleur accablante de Kinshasa, Maguy Olundu essaye tant bien que mal de vendre ses bananes plantains au marche de Yolo Medical. Nostalgique, elle se rappelle l’époque où elle vendait les produits tout droit sorti du parc agro industriel de Bukanga Lonzo.
"Bukanga Lonzo nous a beaucoup aidé. A l’époque, les gens se bousculaient ici pour se procurer de la semoule. Nous la vendions à un prix abordable. Aujourd’hui, un sac de semoule se négocie entre 50 et 70.000 francs congolais (soit environ entre 16 et 23 euros). Ce n’est plus supportable pour les familles à Kinshasa."
Maguy comme plusieurs autres vendeuses se souvient de l’âge d’or du projet, bien qu’aujourd’hui Bukanga Lonzo soit devenu synonyme de détournement. Lancé en 2014, ce projet qui était censé lutter contre l’insécurité alimentaire dans la ville province de Kinshasa a très vite été indexé pour manque de transparence. C’est l’inspection général des finances (IGF) sous l’impulsion de Jules Alingete qui a révélé les nombreuses malversations autour de ce projet.
En 2021, l’ancien premier Ministre Augustin Matata Ponyo instigateur du projet est condamné par le tribunal de grande instance de Kinshasa qui l’a reconnu coupable. Il fera appel mais rien n’y fait. La cour constitutionnelle est appelée à donner son verdict ce 20 mai après avoir prononcé une peine réquisitoire de 20 ans de travaux forcés lors de l’audience du 23 avril dernier.
Une justice irréprochable
Bien que la décision de la cour constitutionnelle soit très attendue, certaines bénéficiaires du projet Bukanga Lonzo à Kinshasa espèrent un jugement équitable.
Annie Lombo rencontré au marché de Yolo Medical estime pour sa part que l’argent destiné à financer ce projet devrait être restitué au gouvernement congolais pour sa relance.
"Qu’il (Matata Ponyo, Ndlr) rembourse l’argent de l’Etat. L’argent qu’on lui avait remis était destiné à la production de la semoule pour les ménages à faible revenu. Si cet argent n’est pas restitué il faudrait qu’il soit condamné et que le marché soit à nouveau érigé ici."
Bien qu’il semble difficile de définir le taux d’exécution technique dudit projet, force est de constater qu’aujourd’hui la capitale congolaise est devenue dépendante des pays voisins comme l’Angola.
Selon Fladin Ngande, expert en économie agricole, le jugement que rendra la Cour constitutionnelle n’aura aucun impact sur le terrain si les millions de dollars prétendument détournés ne sont pas restitués.
"Au regard de l’importance du projet qui assure la souveraineté alimentaire à Kinshasa, le projet vaut tout son intérêt. Les autorités feraient mieux de reprendre le projet car les moyens sont mobilisables et la main d’œuvre est toujours disponible dans la région. Le jugement n’aura pas d’impact parce que si on les emprisonnait et qu’ils restaient là, rien ne changera tant qu’il n’y aura pas des nouveaux moyens."
Le jugement attendu ce jour intervient alors que les immunités du député Augustin Matata Ponyo n’ont pas encore été levées au niveau de l’Assemblée Nationale qui a reproché à la Cour constitutionnelle un vice de procédure. Cette Cour est le dernier ressort en RDC et son jugement n’est ni reprochable ni révocable selon la Constitution du pays. La décision de ce jour restera alors une jurisprudence au Congo.