À Goma, le bouclage des quartiers suscite de vives critiques
21 mai 2025Brigitte (nom d’emprunt), une élève du quartier Mabanga à Goma, a retrouvé sa famille ce mercredi (21.05.2025) après trois jours de détention aux mains des rebelles du AFC-M23. Elle raconte avoir été arrêtée avec son frère aîné dans le cadre d’une opération de "lutte contre la criminalité", officiellement menée par les forces rebelles qui occupent une partie de la ville.
"C’était un matin, alors que nous nous préparions à aller à l’école, lorsque des militaires sont arrivés chez nous et nous ont demandé de nous asseoir dans le salon. Pendant que certains fouillaient nos chambres, d’autres nous ont fouillés. Ils ont ensuite demandé à mon grand frère de monter dans une jeep militaire à cause d’une cicatrice sur son bras, vestige d’une blessure reçue lors d’un match de football. Moi aussi, ils m’ont arrêtée à cause de ma coiffure en dreadlocks. Ils affirmaient que nous étions des miliciens wazalendo", raconte Brigitte.
Pas explication claire
Emmenés au Stade de l’unité, les deux jeunes n’ont reçu aucune explication claire. Si Brigitte a pu recouvrer la liberté contre paiement d’une caution, son frère reste introuvable. La jeune fille craint qu’il ait été transféré de force au centre d'entraînement militaire de Rumangabo.
Ces témoignages s’ajoutent à ceux recueillis par des ONG, qui alertent sur une dérive sécuritaire inquiétante. Pour plusieurs organisations de défense des droits humains, ces interventions ne sont qu’un prétexte pour procéder à des arrestations arbitraires et au recrutement forcé de jeunes Congolais.
Francine Cyana Kiyana, défenseure des droits humains, dénonce une "campagne systématique d’enlèvements ciblés, de disparitions forcées, de violations de domiciles et d’arrestations arbitraires."
"Ces opérations, d’abord justifiées comme des mesures de contrôle sécuritaire, se sont transformées en une campagne systématique d’enlèvements ciblés. Les témoignages que nous recueillons dénoncent des disparitions forcées, des intimidations, des perquisitions illégales et des arrestations arbitraires, en violation flagrante du droit international humanitaire et des droits fondamentaux."
Plus de 4 000 civils enlevés
Patrice Vahard, chef du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (HCDH), tire également la sonnette d’alarme.
"Les violences basées sur le genre connaissent une forte augmentation, tandis que les fouilles systématiques des hôpitaux, en violation du droit international humanitaire, continuent. Par ailleurs, l’accès limité aux moyens de subsistance, aggravé par la paralysie du système bancaire, accentue la précarité des populations. Il est urgent de renforcer les efforts pour restaurer la dignité des habitants de Goma", a-t-il déclaré.
Dans un communiqué officiel publié le 15 mai, le gouvernement congolais a accusé les rebelles du M23 d’avoir tué 107 personnes et enlevé plus de 4 000 civils lors d'opérations de bouclage menées à Goma entre le 10 et le 13 mai. Des accusations que la rébellion qualifie de « mensongères ».
Alors que la population de Goma vit dans la peur, les appels se multiplient pour que la communauté internationale enquête sur ces abus présumés et exige la fin des exactions contre les civils.