A Goma dans l'est de la RDC, l'aide humanitaire s'organise
30 janvier 2025Alors que les affrontements armés et l'insécurité des derniers jours ont fortement réduit leur capacité d'action, certaines organisations humanitaires assurent qu'elles continuent de prendre en charge l'afflux de blessés, notamment à l'hôpital de Kyeshero, dans l'est de la RDC. Sur le terrain, les équipes du Comité international de la Croix-Rouge poursuivent également leurs actions en faveur des populations civiles de Goma et ses environs.
Écoutez ou lisez l'interview avec Éleonore Asomani. Elle est en charge des relations publiques pour l'Afrique francophone au CICR.
Éleonore Asomani : La situation à Goma et ses environs actuellement est plutôt catastrophique.Nos équipes qui sont majoritairement à l'hôpital CBCA Ndosho de Goma - nous avons des équipes médicales notamment des chirurgiens - accueillent des afflux de blessés.
Depuis maintenant plusieurs jours, même si ces afflux de blessés ont commencé au début du mois de janvier, on se rend compte que là, dans les quatre derniers jours, on a changé d'ordre de grandeur, avec par exemple un afflux de 148 personnes lundi.
En tout, on est déjà à plus de 800 blessés accueillis dans cet établissement. On observe des blessures graves, notamment des blessures abdominales, soit par balle, soit par engin explosif. Et malheureusement avec de plus en plus de femmes et d'enfants qui sont touchés.
DW : Et comment vous vous organisez justement pour prendre en charge ces blessés.
Éleonore Asomani : Alors bien sûr, on essaie d'être aussi préparés que possible, mais malheureusement, avec les combats ces derniers jours, on a aussi subi des pillages. Le CICR, le Comité international de la Croix-Rouge a subi donc un pillage d'un de ses entrepôts qui contenait des médicaments, des générateurs, des véhicules et les gens qui nous ont pillé n'ont rien laissé derrière eux. Ce qui, bien sûr, est très problématique parce qu'en termes d'approvisionnement, actuellement, c'est très compliqué. Comme vous le savez, l'aéroport n'est pas fonctionnel. On est en train de regarder comment on peut être réapprovisionner, parce que voilà, il faut le savoir, sans ces médicaments, sans cette nourriture, ces générateurs , il n'y a pas d'électricité en ce moment, les blessés bien sûr courent beaucoup plus de risques.
DW : Est-ce qu'il y a déjà un système d'urgences qui est mis en place, un protocole spécial d'une manière générale, mais aussi par rapport à l'approvisionnement et à la prise en charge même des patients?
Éleonore Asomani : Alors pour le moment, ce qu'on a pu mettre en place, bien sûr vous avez bien noté notre engagement au niveau de l'hôpital Ndosho de Goma où à la base, on a une capacité de 146 lits, actuellement, nous sommes à bien plus que ça. On a doublé le nombre de blessés présents dans l'infrastructure.
On a pu également mettre en place dans le restaurant de l'hôpital des lits additionnels.On a pu monter deux tentes de plus avec des lits additionnels et avoir une équipe aussi sur place à l'hôpital provincial de Goma, où on commence à recevoir de plus en plus de blessés.
DW : Le CICR a alerté sur les risques de dissémination de virus, suite à des combats ayant touché un laboratoire. Qu'est-ce qu'il en est actuellement ?
Éleonore Asomani : Nous avons sonné cette alerte de manière mesurée pour un petit peu s'assurer que les risques soient pris en compte, c'est à dire que ça soit un laboratoire, que ça soit une école, que ça soit un hôpital, d'avoir des combats dans des zones densément peuplées tel que la ville de Goma ou les camps de réfugiés, des camps de déplacés, d'avoir des engins explosifs dans ces lieux, cela met à risque tout le monde. Donc là, en l'occurrence, pour le laboratoire, celui-ci n'a pas été touché. Mais c'était une mise en garde que s'il venait à être touché, il pourrait y avoir des risques. Donc il y a des risques. Bien sûr, s'il était touché, peut-être qu'il pourrait y avoir certaines dissémination. Et s'il n'est pas touché mais qu'il n'y a pas d'électricité, ça pourrait couper la chaîne de froid. Ce qui pourrait être aussi un risque pour les frigos qui contiennent les virus.
DW : Il y a d'autres laboratoires à Goma. Est-ce qu'on sait dans quel état ils sont ? Vous avez des nouvelles ?
Éleonore Asomani : Le laboratoire en question qu'on a mentionné, qu'on est actuellement en train de réapprovisionner en fuel, en fait, se trouve proche de notre bureau. Donc c'est pour ça qu'on est au courant de celui-ci. Mais on n'a pas, à notre connaissance, des nouvelles des autres laboratoires.
DW : En ce qui concerne la sécurité même de vos équipes sur place, qu'est-ce qu'il en est ?
Éleonore Asomani : Alors bien sûr, les derniers jours ont été très compliqués pour nos équipes. On avait une grande partie des équipes qui se trouvaient à l'hôpital Ndosho,tout simplement en train de travailler avec l'afflux des blessés que j'ai mentionné plus tôt. Et une autre partie des équipes qui se trouvaient au bureau depuis dimanche. Et ce n'est qu'entre aujourd'hui et hier, où la situation s'est un peu calmée, que nos équipes ont la possibilité de se déplacer pour tout simplement continuer leur travail, mais aussi aller s'approvisionner en eau, s'approvisionner en nourriture comme les autres habitants de Goma et on espère que dans les jours qui viennent, la situation va se calmer pour qu'ils puissent continuer à faire leur travail d'assistance et de protection des populations ciblées.
DW : Quelles sont vos priorités pour les jours à venir ?
Alors notre priorité reste bien sûr la priorité au niveau chirurgical, au niveau médical, donc le soutien de ces deux établissements à Goma, cette prise en charge de tous ces blessés. On est aussi en train de vouloir se mobiliser dans les rues avec les volontaires de la Croix-Rouge congolaise pour pouvoir récupérer les dépouilles mortelles qui s'y trouvent.
Donc ça aussi, c'est un travail très important qu'on fait en collaboration avec la Croix-Rouge congolaise. Et puis essayer tout simplement de nous réapprovisionner par rapport à nos entrepôts qui ont été pillés récemment pour assurer une continuité dans notre soutien humanitaire.