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Les Eglises lancent leur "Pacte social" pour la paix en RDC

20 février 2025

​​​​​​​Les Eglises catholique et du Christ au Congo ont organisé une messe œcuménique à Lubumbashi pour lancer leur "Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs".

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Des responsables de la Cenco au cours d'une conférence de presse (01.01.2017)
Les religieux ont entrepris de rencontrer différentes parties impliquées dans le conflit pour le retour de la paix dans l’est de la RDC Image : Getty Images/AFP/J.D. Kannah

Les Eglises catholique (Cenco) et du Christ au Congo (ECC) ont organisé jeudi (20.02.2025) une messe œcuménique à Lubumbashi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo.

Les hauts dignitaires religieux réunis à cette occasion dans la cathédrale Saint-Pierre et Paul ont lancé officiellement leur "Pacte social pour la paix et le bien-vivre ensemble en RDC et dans les Grands Lacs".

Appel pour la dignité des Congolais

Il s'agit d'abord de mettre fin à la guerre dans le Nord- et le Sud-Kivu, d‘un "appel à l'unité, à la paix et à la réconciliation, pour tous les Congolais". C'est ainsi que l'a résumé Mgr. Donatien Nshole, le secrétaire-général de la Cenco :

"Les intelligences congolaises les plus aguerries seront mises à contribution pour la construction du nouveau paradigme existentiel national. Ceci ne peut pas ne pas concerner chacun de nous ici présent, car c'est notre avenir qui sera au centre de ces réflexions dont le résultat attendu est de voir les Congolais vivre dignement, profitant de nos richesses et vivant en paix, non seulement entre nous, mais aussi avec nos voisins des Grands Lacs."

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Le choix de Lubumbashi

La cérémonie de cet après-midi marquait la solidarité des fidèles avec les populations des Nord- et Sud-Kivu particulièrement exposées à la violence ces dernières semaines, mais aussi l'union des catholiques et des protestants, dans l'espoir d'un retour à une paix durable dans l'est de la RDC et la sous-région.

Le président de la conférence des évêques catholiques est actuellement Mgr Fulgence Muteba, archevêque de Lubumbashi. D'où le choix, sans doute, de cette ville du Katanga pour organiser cette messe œcuménique.

RDC | Lubumbashi un homme prie les mains jointes (archive)
La Cenco et l'ECC organisent des prières oecuméniques pour la paix dans l'est de la RDCImage : PHIL MOORE/AFP

Coopération renforcée entre Cenco et ECC

Les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco, catholique) et les révérends de l'Église du Christ au Congo (ECC, protestants) travaillent main dans la main depuis la percée du M23 dans l'est du pays.

Leurs représentants ont commencé par rencontrer le président Tshisekedi. Au départ, le chef de l'Etat semblait favorable à leur initiative, destinée à ramener la paix, d'après Mgr. Nshole qui a déclaré ceci devant la presse : 

"Nous avons parlé à chacun de son rôle. Nous avons commencé par parler à notre président, le président Félix Tshisekedi, pour lui expliquer les choses [...]

Mais nous ne pouvons pas aller de l'avant avec une telle initiative si les parties prenantes ne sont pas d'accord. Nous devions donc d'abord le convaincre. Il a écouté attentivement, a posé des questions de clarification, et l'une de ses préoccupations était de savoir comment aligner cette initiative sur les processus de Luanda et de Nairobi. Nous lui avons dit que nous voulions travailler à deux niveaux : le niveau national et le niveau sous-régional." 

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Le désaccord avec le camp Tshisekedi

Puis, les religieux ont rencontré Corneille Nangaa et des représentants de l'Alliance Fleuve Congo, à Goma ; ce qui a déplu à certains, notamment au sein de l'UDPS au pouvoir.

Le révérend Eric Nsenga est le secrétaire général de l'Eglise du Christ au Congo. Il résume la difficulté des discussions entamées, alors que chaque partie au conflit considère le camp adverse comme terroriste :

"Kinshasa a qualifié l'AFC/M23 de groupe terroriste, alors que le Rwanda les considère comme un groupe congolais avec des revendications congolaises, c'est un problème.

D'autre part, le Rwanda considère les FDLR sur son territoire comme des génocidaires, alors que le Congo les considère comme des réfugiés politiques. Cette ambiguïté conceptuelle n'a pas facilité les négociations.

Comme nous n'avons pas pu nous mettre d'accord sur une classification claire et définitive de chaque groupe, cela a rendu les négociations beaucoup plus compliquées".

Le secrétaire permanent de l'Union sacrée, qui a porté Félix Tshisekedi au pouvoir, a d'ailleurs pris ses distances avec les tentatives de dialogue lancées par les Eglises en les qualifiant d'"initiative individuelle".

Rencontre entre le président Tshisekedi et les évêques catholiques (3 février 2025)
Les relations entre le président Tshisekedi et l'Eglise catholique ne sont pas au beau fixeImage : DRC Presidential Press Unit

Les autres Eglises du Congo

Pas de soutien actif non plus en provenance d'autres communautés religieuses, comme l'Eglise pentecôtiste des secouristes. Nous avons joint son président, l'archevêque Ejiba Yamapia, qui a notamment organisé, le 3 février, un culte en plein air devant le Palais du peuple, pour dire "non à la balkanisation" du pays et à ce qu'il considère comme "l'agression et l'occupation rwandaise" dans l'est de la RDC.

Néanmoins, il assure ne pas être fondamentalement opposé à l'initiative de la Cenco et de l'ECC mais que ces Eglises agissent sans consulter les autres communautés et argumente ainsi : "Nous voulons la paix, l'intégrité territoiriale et l'unité de la nation."

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Parler avec le M23 ou pas

En Europe, leur délégation a recueilli l'adhésion du Mouvement radical pour le changement, une plateforme de l'opposition qui réclame un dialogue inclusif.

Le Mouvement lumumbiste progressiste présidé par Franck Diongo en fait partie.

Paul-René Lohata Tambwe, secrétaire-général et président par intérim de ce parti, explique pourquoi le MLP a participé à la rencontre, il y a quelques jours, à Bruxelles.

"Le MLP soutient l'initiative de la Cenco et de l'ECC pour plusieurs raisons, déclare Paul-René Lohata Tambwe à la DW.  Les catholiques sont aux côtés de la population congolaise depuis le Manifeste pour l'indépendance rédigé dans les années 1950. Les deux Eglises, au nom de leur département EP luttent contre les violations des droits de l'homme au Congo. Elles connaissent bien la question congolaise. 

Le mouvement lumumbiste progressiste adhère à leur initiative parce que la guerre et la diplomatie n'ont pas donné les résultats escomptés. Mais il ne faut pas que la guerre se poursuive car nous pensons que cette initiative permet de ramener la paix au Congo et de sauver des vies humaines et les biens domaniaux des particuliers là où la guerre n'a pas pu le faire.

Nous pensons que seul le dialogue inclusif peut porter des fruits. Il est difficile d'obtenir les résultats en laissant de côté AFC et M23 parce que ce sont les acteurs de cette guerre. Il y a des Congolais en leur sein et il n'y a pas de raison que l'on organise un dialogue qui pourrait donner des résultats escomptés sans que ces acteurs soient impliqués dans ce dialogue. Sinon, on ferait comme si on ne veut pas de dialogue."

Néanmoins, la plateforme Mouvement radical pour le changement pose certains "préalables" à sa participation à la futur forum sur la paix en RDC: "Le premier préalable : le Mouvement radical pour le changement demande la démission du Président de la République pour incompétence, trahison et désorganisation de l'armée. La deuxième condition : la libération de tous les prisonniers politiques, le retour des exilés politiques et la restitution des biens des particuliers confisqués ou détruits par le régime ou ses partisans et exige que la participation soit aussi inclusive", résume Paul-René Lohata Tambwe du MLP.

Des rebelles du M23 assis à l'arrière d'un pick-up dans une rue de Bukavu (18.02.25)
Les rebelles du M23 ont pris le contrôle de Bukavu et continuent leur progression dans le Sud-KivuImage : Luis Tato/AFP

Sun City 2 ?

La Cenco et l'ECC disent espérer que, comme en 2002 à Sun City, c'est le dialogue qui permettra de mettre fin à la guerre qui déchire la RDC et la sous-région.

Le pape lui-même a exprimé son inquiétude, fin janvier, face aux violences en cours dans l'est de la RDC. Le souverain pontife a alors exhorté "les parties en conflit à s'engager pour la cessation des hostilités et pour la sauvegarde de la population civile... ", et recommandé "aux autorités locales et la communauté internationale de tout mettre en œuvre pour résoudre la situation conflictuelle par des moyens pacifiques".

Les évêques de Belgique affichent eux aussi leur soutien aux fidèles et habitants des diocèses de Goma et Bukavu. Ils se joignent à l'appel de la Commission des Episcopats de l'Union Européenne qui réclame un "accès humanitaire sans restriction aux zones de conflit et la protection des civils, en particulier des femmes et des enfants, contre la violence et l'exploitation".

En raison des violences dans l'est de la RDC, Berlin a convoqué jeudi après-midi [20.02.25] l'ambassadeur du Rwanda pour "violation du droit international".