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RDC : les voix critiques dans le viseur de l'AFC/M23

13 mars 2025

Clémentine de Montjoye de HRW fait le point sur la situation difficile que vivent les journalistes et activistes dans les zones sous contrôle de l'AFC/M23.

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 Bukavu 2025 | Meeting de l'Alliance Fleuve Congo - M23
Des organisations de défense des droits de l'homme, comme Human Right Watch, reprochent à l'AFC/M23 de réprimer les voix critiques.Image : Ernest Muhero/DW

Menaces, pressions, harcèlements et, dans certains cas, arrestations ou même exécutions... Dans les zones sous le contrôle des rebelles du M23 et de son aile politique, l'Alliance Fleuve Congo, des organisations de défense des droits de l'homme, comme Human Right Watch, dénoncent un climat de peur. Ce sont les journalistes, ou des activistes de la société civile, qui sont pris pour cible par les rebelles, selon l'organisation qui donne des exemples précis et relaie des témoignages de victimes de cette répression.

 Clémentine de Montjoye, chercheuse senior sur la région des Grands Lacs à Human Rights Watch reviens ici sur ce climat de peur, de pression et de repression.
 

Ecoutez, en cliquant sur l'image, l'interview de la DW avec Clémentine de Montjoye.

Clémentine de Montjoye : Depuis que le M23, avec le soutien du Rwanda, a capturé Goma, la capitale Provençiale du Nord Kivu, et ensuite Bukavu, la capitale provençiale du Sud Kivu, en janvier et février, nous avons vu un rétrécissement de l'espace civique et une augmentation des menaces, notamment des menaces de mort envers les activistes de la société civile, les voix critiques et les journalistes.

Nous avons documenté plusieurs cas ou des nouveaux administrateurs, des nouveaux responsables mis en place par l'Alliance fleuve Congo, qui est l'alliance d'une coalition politico-militaire qui inclut le M23 ont menacé directement des activistes ou des journalistes.

On a aussi documenté des cas ou des activistes ont été emmenés en détention, apparemment à cause du travail qu'ils ont fait pour documenter les abus commis par le M23 ou leur travail sur le conflit.

En même temps, nous avons aussi documenté deux cas d'exécutions.D'un chanteur connu sous le nom de Delcat Idengo à Goma et de l'activiste de la Lucha Pierre Byamungu Katema.

DW : Alors Human Right Watch a recueilli des témoignages, vous l'avez dit, est-ce que ce sont des témoignages qui ont été difficiles à obtenir  ?

Clémentine de Montjoye : Ah oui, il faut comprendre que toute cette communauté des médias et de la société civile qui autrefois était très active vit dans la peur. Beaucoup de personnes avaient fui déjà l'avancée du M 23, avaient fui Rutshuru ou le Masisi pour se réfugier à Goma.

Et maintenant, ils se retrouvent aux mains du M23. On a parlé avec plusieurs personnes qui ont peur de rentrer chez elles.Doivent changer de lieu régulièrement, qui reçoivent des menaces ou alors qui ont été informés de visites de combattants du M23 à leur domicile.

"Nous avons vu un rétrécissement de l'espace civique"

Et en même temps, il est très difficile pour les gens de se déplacer aujourd'hui, l'aéroport de Goma est fermé.

Il est pratiquement impossible de se rendre dans les autres zones non occupées par le M23 et nous avons documenté plusieurs cas ou des activistes qui cherchaient à fuir et pour se retrouver en sécurité en passant par le Rwanda ont été placés en détention par les autorités rwandaises.

DW : Vous vous êtes également rapproché des rebelles du M23/ AFC.Comment eux, ils justifient ce climat de peur qu'ils instaurent et qu'on leur reproche ?

Clémentine de Montjoye : Ils ont reconnu assez ouvertement certaines des accusations et des allégations que nous avons apportées.

Ils ont confirmé par exemple l'arrestation d'un activiste parce qu'il était "opposé à notre régime", parce qu'il avait émis des critiques.Et ça, c'est un schéma que l'on retrouve à plusieurs reprises dans des cas de détention.

On voit aussi une certaine hostilité envers le travail de la société civile qui est accusé d'être proche du gouvernement congolais et tout particulièrement contre les mouvements citoyens tels que celui de la Lucha.

Je pense qu'il faut aussi contextualiser. La situation n'était pas parfaite avant l'arrivée du M23. Déjà, les médias faisaient face à des pressions et des menaces de la part des autorités congolaises qui, elles aussi, ont cherché à contrôler le travail des médias et leur  couverture du conflit.

Mais ces cas de violences contre les activistes et le niveau de menace que l'on voit maintenant est certainement aggravé par l'arrivée du M23 à Goma et Bukavu.

DW : Dans ce contexte que vous décrivez, qu'est-ce qui peut être fait pour soutenir ces activistes et journalistes, notamment à Goma, Bukavu... au niveau de la communauté internationale, par exemple au niveau de Human Right Watch, qu'est-ce qui est fait  ?

Clémentine de Montjoye : Bon, déjà, je trouve que c'est important d'attirer l'attention sur la situation des activistes, des journalistes.

Il faut que les acteurs qui ont pris des engagements envers les défenseurs des droits de l'homme, par exemple, l'Union européenne qui a des lignes directrices en place sur la protection des défenseurs des droits de l'homme, devrait agir pour assurer la protection. Cela peut passer par des pressions sur le Rwanda, du coup sur le M23 pour qu'ils respectent leurs obligations en matière de droit international et qu'ils cessent de faire ce type d'agissement et de pression envers la société civile et les médias. Mais aussi d'adopter de nouvelles sanctions ciblées contre le M23 et les hauts fonctionnaires rwandais et congolais qui sont responsables de graves abus.

DW : Vous estimez que cet appel sera entendu, qu'il y aura vraiment de la pression sur le Rwanda  ? Ça fait plusieurs mois que cet appel est lancé.

Clémentine de Montjoye : Oui, ça fait même plusieurs années depuis la résurgence du M23 et le soutien qu'il reçoit au Rwanda est très bien documenté par l'ONU.

On a vu des tentatives assez timides de la part de certains acteurs, des sanctions, mais bon, qui ne ciblaient pas forcément les responsables de haut niveau-là. Récemment, les États-Unis ont imposé des sanctions financières et matérielles au général James Kabarebe, qui lui est un un ancien commandant militaire au Rwanda, ministre d'État. Et aussi à Lawrence Kanyuka, le porte-parole de l'AFC.

Ce sont des sanctions qui ciblent des responsables de bien plus haut niveau et on espère que l'Union européenne et les États membres et d'autres gouvernements concernés suivront cet exemple pour essayer de faire pression de manière coordonnée et plus plus importante sur le Rwanda.

DW Französisch Carole Assignon
Carole Assignon Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique