En Centrafrique, des victimes de Wagner témoignent
28 avril 2025Les mercenaires russes qui soutiennent le gouvernement sont en effet accusés d’avoir commis de nombreux crimes contre les civils. Ces faits ont été recensés par plusieurs rapports de l’Onu et des organisations de défense des droits de l’Homme.
Alors que la peur les empêchait jusqu’alors de parler, les victimes des crimes commis par les mercenaires russes commencent peu à peu à briser le silence. C’est le cas d’Alvin qui raconte comment son frère a été tué à Bouar.
Selon lui, "les Russes sont venus à la maison, mais ils l’ont manqué. Inquiet, je l’ai appelé et lui ai posé la question de savoir ce qu’il avait fait pour que les Russes viennent le chercher. Il m’a répondu qu’il n’avait aucun problème avec eux et qu’il n’avait rien à se reprocher, qu’il allait quitter son champ pour savoir pour quelles raisons les Russes le cherchaient".
Mais Privat ne savait pas qu’il avait affaire à des hommes qui allaient le tuer.
À son retour à la maison, les Russes l’ont aperçu et l’ont pris dans leur véhicule. Ils ont ensuite commencé par le brutaliser avant de le tuer. Sa femme pleurait.
Terreur
Alvin n’est pas le seul à chercher à comprendre pourquoi les mercenaires russes ont agi ainsi, ce 17 janvier 2023.
À Bouca, ceux-ci ont aussi tué José Befio. Ils ont brutalisé ses proches et ont voulu tuer sa sœur. Diane nous explique comment elle a eu la vie sauve.
"Les Russes sont arrivés à l’hôpital avec leurs motos. D’autres sont allés à notre résidence. J’ai entendu les détonations. J’ai appris dans un premier temps qu’il était parti et qu’ils ne l’ont pas trouvé. Ce n’est que plus tard que j’ai su qu’il avait été tué et que les Russes avaient pris quatre de ses enfants, dont trois garçons et une fille, et qu’ils étaient partis avec. Ensuite, ils sont venus vers moi à l’hôpital. C’est la matrone qui m’a dit qu’ils étaient là pour moi et qu’il fallait que je me cache".
Demande de justice
Aujourd’hui, de nombreuses victimes comme Alvin et Diane souhaitent que les criminels soient jugés.
Conscient de l’impunité dont bénéficient les membres de l’Africa Corps, tout puissants en République centrafricaine, Adrien Poussou, ancien ministre et auteur de plusieurs livres sur la présence militaire russe en Afrique, incite toutefois les victimes à déposer plainte.
"Nos compatriotes sont conscients que même s’ils saisissent la justice, cela n’ira pas loin. Mais comme on sait que ce régime n’est pas éternel et que Touadéra ne restera pas à la tête de ce pays, j’encourage systématiquement nos compatriotes à saisir la justice. Il s’agit d’une procédure judiciaire, cela va prendre le temps que ça va prendre, mais le jour où Touadéra ne sera plus aux affaires, ces dossiers-là vont prospérer".
Mais d’ici-là, la justice centrafricaine demeure bien trop faible et pas suffisamment indépendante pour ouvrir des procédures à l’encontre des mercenaires russes incriminés. Les victimes et leurs proches devront donc attendre pour obtenir peut-être un jour réparation.