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ConflitsAfghanistan

Quatre ans de pouvoir taliban en Afghanistan

16 août 2025

Quatre ans après avoir fait tomber Kaboul le 15 août 2021, les talibans sont toujours au pouvoir, dans un pays au bord du gouffre et où les droits des femmes n’existent plus.

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Une femme portant un voile intégral marche au milieu d'hommes dont certains portent des armes.
Les talibans vont jusqu'à interdire aux femmes de chanter.Image : REUTERS

Lorsque le mouvement fondamentaliste islamiste marchait sur Kaboul et entraient dans le palais présidentiel abandonné par Ashraf Ghani le 15 août 2021, peu d'observateurs voyaient ce nouveau régime durer, car isolé sur la scène internationale. 

Quatre ans plus tard, les talibans sont toujours là, à la tête de l'Afghanistan.

L'assise des talibans est telle, que de nombreux pays européens, dont l'Allemagne, ont progressivement normalisé leurs relations avec les nouveaux maîtres de Kaboul.

Début juillet, la Russie est devenue le premier État à reconnaître officiellement le gouvernement taliban. "De cette façon, la Russie reprend le rôle des États-Unis en Afghanistan, qu'elle a volontairement abandonné lorsqu'ils ont retiré leurs forces il y a quatre ans", explique Sardar Rahimi, chercheur à l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) de Paris.

La Chine entretient également des relations économiques et diplomatiques étroites avec le nouveau régime à Kaboul, même si Pékin ne l'a pas officiellement reconnu. Cela n'a pas empêché le président Xi Jinping de recevoir l'ambassadeur des Talibans à Pékin en janvier 2024 avec tous les hommages protocolaires.

Le nouveau drapeau de l"Émirat islamique d'Afghanistan flotte devant l'ambassade afghane à Moscou.
Les talibans ont une représentation diplomatique à Moscou.Image : Alexander Nemenov/AFP

La Chine a besoin de l'Afghanistan pour son vaste projet d'infrastructures stratégiques appelé "Belt and road initiative" (Initiative Ceinture et Route).

Et pour construire ces nouvelles routes de la soie, les précieuses exportations de matières premières d'Afghanistan soutiennent la production industrielle chinoise.

Expulsions d'Allemagne

De son côté, Berlin dispose d'un canal de communication avec Kaboul via le Qatar. Dans le but d'expulser des demandeurs d'asile vers l'Afghanistan, les gouvernements occidentaux sont contraints de traiter avec les dirigeants à Kaboul et de faire des concessions, explique l'expert Sardar Rahimi de l'Inalco.

Sous le régime taliban, l'Allemagne a organisé deux vols d'expulsion vers l'Afghanistan. Au total, 109 ressortissants afghans ont été renvoyés, dont 56 personnes condamnées par la justice allemande.

Des organisations de défense des droits de l'homme comme Pro Asyl dénoncent une "violation flagrante du droit international". La Convention européenne des droits de l'homme interdit d'expulser des personnes vers des pays où elles courent le risque d'être soumises à des traitements inhumains ou dégradants. 

Dépendance vis-à-vis des talibans

Pour mener une expulsion, le gouvernement taliban doit d'abord certifier la nationalité de la personne, généralement à travers un passeport ou un autre document d'identité. Ce n'est qu'à ce moment-là que l'entrée est considérée comme sûre après l'arrivée à Kaboul. Des pourparlers intensifs avec le régime sont donc nécessaires.

Des pays comme l'Allemagne doivent tenir compte du fait que les Talibans contrôlent aujourd'hui tous les aspects la vie publique en Afghanistan. 

Vue intérieure d'un vol d'expulsion. Des policiers allemands sont assis à côté des personnes expulsées.
Les vols d'expulsion vers l'Afghanistan sont très controversés en Allemagne.Image : Michael Kappeler/dpa/picture alliance

Le ministre allemand des Affaires étrangères Johann Wadephul a confirmé des contacts techniques avec les talibans dans une interview au RedaktionsNetzwerk Deutschland. "Le gouvernement fédéral doit dialoguer avec de nombreux gouvernements et régimes dont nous n'approuvons pas les opinions et les actions. Néanmoins, nos intérêts exigent parfois que nous ayons un contact d'une manière ou d'une autre. Toute autre chose serait un déni des réalités", estimait le ministre en juillet.

Aussi, le nouveau gouvernement allemand a mis fin au programme fédéral d'admission pour l'Afghanistan, pour accueillir des Afghans ayant travaillé pour l'Allemagne, et qui se retrouvent menacés par le régime taliban.

Expulsion du Pakistan et de l'Iran

Parallèlement aux expulsions européennes, de très nombreux réfugiés afghans se voient expulsés des pays voisins comme le Pakistan et l'Iran. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de deux millions d'Afghans ont été renvoyés de ces deux pays sous le nouveau régime.

Comme le précise l'Onu, "le 31 juillet, le Pakistan a confirmé que les réfugiés afghans seraient rapatriés dans le cadre de son plan de rapatriement des étrangers en situation irrégulière en cours".

Islamabad refuse de renouveler les cartes d'enregistrement délivrées par les Nations Unies aux réfugiés d'Afghanistan. À partir de septembre, 1,3 million de personnes supplémentaires seront menacées d'expulsion alors qu'elles bénéficient d'un statut de résident légal au Pakistan.

Une foule d'Afghans à la frontière irano-afghane.
Les expulsions vers l'Afghanistan depuis l'Iran et le Pakistan sont massives.Image : MUSTAFA NOORI/Middle East Images/AFP via Getty Images

Or, l'Afghanistan est au bord du gouffre et aujourd'hui l'un des pays les plus pauvres au monde, où les perspectives pour les rapatriés sont pour le moins limitées.

Un bilan désastreux en matière de droits humains

Depuis son retour au pouvoir, le régime taliban a largement restreint les droits des femmes. Selon Shukria Barakzai, une ancienne diplomate afghane, "les talibans exploitent les femmes politiquement à leurs propres fins. Ils augmentent la pression sur les femmes par le biais de nouvelles restrictions visant à légitimer leur pouvoir".

Les femmes sont ainsi complètement exclues de la vie publique. 1,4 million de filles de plus de douze ans ne sont plus autorisées à aller à l'école. Les écoles secondaires et les universités sont également interdites aux jeunes femmes. Des organisations de défense des droits humains ne cessent de documenter la violence sexiste à l'égard des femmes et des filles dans tout le pays.

Les membres de l'opposition et les journalistes craignent d'être persécutés par le mouvement islamiste. Selon Reporters sans frontières (RSF), au moins douze médias ont été fermés en 2024. RSF explique que "les talibans menacent et persécutent les employés des médias, arrêtent des reporters, excluent les femmes journalistes du paysage médiatique, censurent les reportages et fouillent les rédactions". Dans le classement de la liberté de la presse établi par RSF, l'Afghanistan se retrouve à la 175e place sur 180.

Catastrophe humanitaire 

Selon la Commission européenne, 22,9 millions de personnes en Afghanistan dépendent actuellement de l'aide internationale, soit la moitié de la population.

Au début du mois d'août, le Programme alimentaire mondial (PAM) estime qu'un Afghan sur quatre est touché par l'insécurité alimentaire, soit dix millions de personnes. Un enfant sur trois souffre de malnutrition.

La crise s'est aggravée avec la suspension par Washington de l'USAID, l'agence américaine d'aide au développement. Trois millions de personnes ont perdu leurs soins médicaux. 420 cliniques ont été fermées.

Depuis 2021, l'Allemagne a versé quelque 551 millions d'euros d'aide au développement pour assurer l'approvisionnement de base en Afghanistan. Les talibans n'exercent aucune influence sur les projets et l'emploi de cet argent, assure explique le ministère allemand de la Coopération économique et du Développement.

 

Avec la collaboration de Shabnam Alokozay et Waheed Ahmady 

 

Symbolbild I Journalismus
Marco Wolter Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_francais