Le Qatar, entre diplomatie et affaires en RDC
4 septembre 2025Au cours d'une tournée africaine, une délégation qatarie, conduite par Sheikh Mansour Bin Jabor Bin Jasim Al Thani, membre de la famille royale et fondateur de l'entreprise, a été reçue à Kinshasa, où elle a rencontré la Première ministre Judith Suminwa.
La délégation a décrit la RDC comme une terre d'opportunité à exploiter pour le bien des deux pays. Mais pour certains analystes, c'est le Qatar qui en tirera le plus d'avantages.
La société d'investissement qatarie Al-Mansour Holding souhaite en effet investir 21 milliards de dollars en RDC, alors que Doha est engagé comme médiateur dans le conflit qui ravage l'est du pays.
Pour profiter d'un tel investissement, le gouvernement devrait y associer les petites et moyennes entreprises, afin de créer des emplois pour les Congolais, estime toutefois Matthieu Takizala, économiste et entrepreneur congolais.
Pour lui, "ces investissements, il faut que le gouvernement congolais les canalise autour des entreprises congolaises de petite et moyenne taille, pour que ça puisse quand même générer des opportunités d'affaires. En RDC, aujourd'hui, le financement des entreprises fait défaut. Si on essaie de canaliser ces fonds autour des entreprises privées, les deux Etats peuvent y trouver leur gain".
Le partenariat proposé vise différents secteurs, dont l'agriculture, l'industrie pharmaceutique, les mines, les hydrocarbures, les infrastructures, la cybersécurité et les finances.
Modernisation des infrastructures logistiques
En mars dernier, la RDC et le Qatar avaient déjà signé des accords de coopération, notamment pour la modernisation et le développement des infrastructures aéroportuaires et portuaires.
Fin août, le groupe Al-Mansour Holding a promis 70 milliards de dollars d'investissements dans quatre pays d'Afrique australe. Un engagement financier qui intervient alors que l'aide au développement américaine est en recul, depuis que le président Donald Trump a annoncé le démantèlement de l'USAID.
Le professeur Nicot Omeonga, enseignant à l'université pédagogique nationale de Kinshasa, doute toutefois que ce nouveau partenariat soit favorable à la RDC.
Il observe que "pour qu'un partenariat soit vraiment gagnant-gagnant, ça doit être d'abord nous, Congolais, qui exprimons nos vœux et qui fixons les domaines dans lesquels nous voulons un partenariat, parce que les Qataris ne sont pas des philanthropes. Ils viennent pour gagner et c'est à nous de voir dans quelle mesure nous voulons gagner".
La région des Grands lacs comme hub économique
Le Qatar entretient des relations économiques également avec le Rwanda, où il détient 49 % de la compagnie aérienne Rwandair et 60 % du terminal de l'aéroport de Bugesera.
L'annonce de l'investissement qatari en RDC intervient, alors que Doha est engagé dans la résolution du conflit dans l'est du pays, où les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont conquis de larges pans du territoire congolais.
Des pourparlers de paix entre Kinshasa et l'AFC-M23 se poursuivent depuis le mois d'avril, au Qatar.
Mais pour le professeur Jo Sekimonyo, économiste politique congolais, l'objectif est de calmer les tensions entre la RDC et le Rwanda, afin de sécuriser les investissements dans une région minière stratégique. Il note que "leur objectif est clair. Il est de transformer la région des Grands lacs en un hub économique sous influence qatarie. C'est avant tout, faire circuler des milliards, mais les faire revenir à Doha. L'objectif est de sécuriser des leviers stratégiques pour générer des profits".
Pour Kinshasa, le Qatar semble donc désormais considéré comme un partenaire incontournable, à la fois sur le plan diplomatique, mais aussi économique.