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EconomieAfrique

PI : un levier sous-exploité pour l’innovation en Afrique

Rodrigue Guézodjè
27 juin 2025

À l’ère du numérique et de l’intelligence artificielle, les actifs immatériels deviennent des piliers de compétitivité. L’économiste Mafini Dosso décrypte les défis et les opportunités que la propriété intellectuelle offre aux PME africaines. // Dans l’est de la RDC, la chocolaterie Virunga transforme le cacao de Mutwangalocal tout en offrant aux jeunes une alternative crédible aux groupes armés.

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La propriété intellectuelle, ce ne sont pas que des brevets ou des droits d’auteur inscrits sur papier. C’est un levier stratégique pour stimuler l’innovation, créer de la valeur et protéger nos savoir-faire locaux.

Mais à l’ère de la transition digitale, où la donnée circule à grande vitesse et la concurrence devient mondiale, comment les PME africaines peuvent-elles tirer parti de ces outils immatériels ? Comment transformer une idée en actif économique durable ? Et quel rôle les États peuvent-ils jouer pour accompagner ce processus ?
 Dr Mafini Dosso, économiste ivoirienne et experte en politiques d’innovation basée à Abidjan nous livre une analyse limpide et engagée sur ces enjeux clés pour l’avenir économique du continent.

PME et transition digitale : une complexité à embrasser

Pour Dr Mafini Dosso, la digitalisation change profondément la donne : « Les PME sont de plus en plus connectées, les marchés aussi. Il faut composer avec un volume croissant de données, et des innovations de plus en plus complexes, qui mêlent plusieurs dimensions. »
Face à cette complexité, les entreprises doivent apprendre à protéger toutes les composantes de leur innovation, ce qui passe par une meilleure compréhension et utilisation des outils de la propriété intellectuelle.

Actifs immatériels : une richesse souvent ignorée

Les actifs immatériels — capital humain, relations clients-fournisseurs, processus internes — représentent aujourd’hui la vraie valeur de bien des entreprises. « Les PME doivent apprendre à comptabiliser ce qui ne se voit pas. Sinon, elles ne pourront ni le protéger ni le valoriser », souligne Dr Dosso.

Que peuvent faire les gouvernements africains ?

Dr Dosso insiste : l’État a un rôle crucial pour aligner priorités nationales et innovation entrepreneuriale : « Il faut que les politiques publiques soutiennent les secteurs capables de créer de la valeur économique, sociale et environnementale. Mais il faut aussi faire des choix, car les ressources sont limitées. »

Intelligence artificielle : menace ou opportunité ?

L’intelligence artificielle peut booster la productivité des PME, à condition de maîtriser ses usages : « Oui, l’IA permet de produire plus, mieux et plus vite. Mais elle exige aussi une infrastructure solide, des ressources humaines qualifiées, et une vraie sensibilisation aux risques. »

Universités et secteur privé : une alliance encore trop timide

Dernier point soulevé par Dr Dosso : la nécessité d’un pont durable entre chercheurs et industriels. « Il faut créer un langage commun et orienter la recherche vers les besoins concrets des entreprises. Des cadres existent, comme ceux impulsés par l’OAPI, mais il faut les soutenir davantage. »

Une interview riche à écouter en intégralité en cliquant sur l’image.


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RDC : à Mutwanga, une chocolaterie relance l’économie locale

Sur sa moto, Marie-Désanges Kahindo débarque à l’usine, sac de fèves de cacao à l’arrière. Elle consulte le prix du jour, fait peser sa récolte, et repart aussitôt, espèces en main. Ce rituel quotidien reflète un changement majeur : le cacao de Mutwanga a désormais un véritable marché, une vraie valeur.
« Avant, on vendait à n’importe qui à un prix dérisoire. Aujourd’hui, la fermentation est normalisée à l’usine, et notre cacao est mieux payé », explique Marie-Désanges, satisfaite.
La chocolaterie Virunga, portée par l’Institut congolais pour la conservation de la nature (ICCN), ne se contente pas de produire du chocolat. Elle incarne un pari : faire du développement économique une arme contre la violence.
« Créer ces entreprises, c’est pour donner un travail à la jeunesse et les éloigner des groupes armés, » témoigne Neema Avangisivavi, membre de l’équipe depuis la création. « Aujourd’hui, même les enfants comprennent le cycle : on récolte le cacao et, une semaine plus tard, on obtient du chocolat. »
Les résultats sont tangibles. Maisons en briques, motos agricoles, coopératives structurées : le cacao génère des revenus, améliore la qualité de vie et donne de l’espoir. Germaine Muyisa, agricultrice, le confirme : « Grâce au cacao, on peut construire, s’équiper, mieux transporter nos produits. »

Une filière professionnelle, une qualité reconnue
Pour garantir un cacao haut de gamme, les producteurs sont regroupés dans une coopérative et respectent un protocole rigoureux. Viko Kombi, qui en assure la gestion, insiste sur le sérieux du partenariat : « Notre cacao est bien transformé, en partie exporté. Et nous recevons des primes parce qu’il est de bonne qualité. Le contrat avec l’usine est respecté. »
Sécurité retrouvée, essor économique enclenché
Le renouveau agricole de Mutwanga n’aurait pas été possible sans l’amélioration sécuritaire. Le chef du secteur de Rwenzori, Japhet Mapati, salue les progrès réalisés : « Le climat est plus stable, les gens retournent aux champs, les constructions se multiplient, l’argent circule. L’économie locale reprend vie. »
La chocolaterie n’est qu’une pièce du puzzle. L’ICCN diversifie les activités dans la région : savonnerie, presse à huile, achat de café, extraction de papaïne… autant de filières créatrices d’emplois durables.
Dans une zone longtemps meurtrie par les conflits, l’économie devient un moteur de paix. Et le chocolat de Mutwanga, une vitrine de ce que la valorisation des ressources locales peut accomplir quand elle s’accompagne de vision et d’engagement communautaire.

Cliquez sur l’image pour écouter le reportage de Pascal Muhindo Mapenzi, le correspondant de la Deutsche Welle à Beni.

 

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Image : Ute Grabowsky/photothek.net/picture alliance

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