En Ouganda, les cours militaires pour juger des civils
21 mai 2025Cette loi aura nécessité plusieurs semaines de délibérations avant d’être votée. L'opposition, minoritaire au Parlement ougandais, qui a d'ailleurs tenté de barrer la route à cette législation, estime que traduire des civils devant des cours militaires vise avant tout à la réduire au silence.
La justice ougandaise est souvent perçue comme corrompue, si on se fie à une étude de l'Afrobarometer, datant de 2021. 68% des Ougandais interrogés estimaient ainsi que les juges et les magistrats sont "corrompus".
Julius Mak est un économiste politique et il estime que conférer à la justice militaire le pouvoir de juger les civils aura le mérite de lutter contre la corruption des juges. Il ne cache cependant pas le fait que l’État cherche à s’approprier tous les pouvoirs, en retirant une partie des compétences des juges :
"L'idée que certains individus puissent posséder ou utiliser les outils de coercition qui sont réservés exclusivement à l'État peut avoir poussé le pouvoir et l'administration à faire passer une loi qui utilise la cour martiale. La question est donc celle du contexte. L'Ouganda lutte pour que l'État monopolise les outils de coercition".
Le pouvoir jubile
Sans surprise, le chef d'état-major de l'armée ougandaise, le général Muhoozi Kainerugaba, fils du président Yoweri Museveni, a salué l'adoption de cette loi. Il a qualifié sur X les députés de la majorité qui ont soutenu cette loi de "patriotes intrépides".
Eron Kiiza, un avocat des droits de l'Homme, voit dans l’adoption de cette loi, une volonté de Yoweri Museveni de réduire l'opposition au silence.
Il précise que "depuis l'accession de Museveni au pouvoir, il a utilisé l'armée pour combattre ses opposants politiques, notamment dans le cas de l'enlèvement de Besigye (l’opposant Kizza Besigye, enlevé en novembre 2024 au Kenya, ndlr). Et ils continuent le harcèlement, la persécution politique jusqu'aujourd'hui. "Cela donc est un bon exemple du rôle que jouera cette loi martiale", ajoute-t-il
Plusieurs opposants, notamment Kiiza Besigye , aujourd'hui en prison pour menace à la sécurité nationale, et Bobi Wine, incarcéré plusieurs fois, ont payé chèrement leur activité politique face au président Yoweri Museveni , à la tête de l’Ouganda depuis bientôt quatre décennies.