Négociations RDC/Rwanda : positions et compromis possibles
29 avril 2025La République démocratique du Congo et le Rwanda promettent un projet d'accord de paix d'ici au 2 mai.
Leurs ministres des Affaires étrangères respectifs s'y sont engagés il y a de cela quelques jours, à Washington. A cette occasion, la cheffe de la diplomatie congolaise a déclaré à ses compatriotes, je cite : "Vous avez toutes les raisons d'attendre plus que des promesses."
Pour l'heure, le document n'a pas encore été élaboré et les négociations ne sont pas terminées entre les deux pays.
Une déclaration d'intentions
Pour l'instant, on en est simplement à une déclaration d'intentions : la RDC comme le Rwanda affirment vouloir œuvrer au retour d'une paix durable dans la région des Grands Lacs.
Pour y parvenir, les deux gouvernement s'engagent à respecter la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'autre. Et, en cas de litige, à recourir dorénavant à la diplomatie plutôt qu'à la violence.
Les objectifs maximaux de la RDC
Comme dans toutes négociations, chaque partie arrive avec un objectif maximal à atteindre.
Roger-Claude Liwanga, professeur de droit et de négociations internationales avancées à l'Université Emory, aux Etats-Unis, résume ainsi celui de la RDC :
- "obtenir un consensus international contre l'ingérence du Rwanda,
- obtenir le contrôle total de ses ressources minières dans ses régions orientales,
- obtenir un soutien international fort aux opérations militaires et à la reconstruction post-conflit."
Pour Thérèse Kayikwamba, la ministre congolaise des Affaires étrangères, cet engagement "ne marque pas une fin, mais un début. Une étape nécessaire vers la paix, franchie avec détermination". La ministre ajoute qu'au regard de la souffrance des civils « à Goma, à Bukavu et au-delà, […]l'urgence de cette initiative n'est pas théorique. Elle est humaine".
Les objectifs maximaux du Rwanda
Roger-Claude Liwanga estime que le Rwanda, de son côté, aspire :
- au "démantèlement complet du mouvement FDLR,
- à la normalisation politique avec la RDC, y compris des accords de coopération en matière de sécurité,
- à la reconnaissance de la marginalisation des tutsis dans l'est de la RDC, accompagnée de mesures de protection pour cette population
- à son accès économique, formel ou informel, continu aux corridors miniers et commerciaux."
Le chef de la diplomatie rwandaise, Olivier Nduhungirehe, a affiché sa satisfaction aussi, à Washington, mais également sa prudence :
"Notre objectif commun est de conclure un accord de paix global dès que possible, a-t-il déclaré. Mais il n'y a pas de raccourcis ou de solutions rapides, et nous devons travailler dur pour y parvenir une fois pour toutes. Le Rwanda s'est engagé et est prêt à continuer à travailler avec tous les partenaires concernés pour assurer le succès de cette initiative".
Les résultats minimaux attendus
De part et d'autre, Roger-Claude Liwanga jauge ainsi les résultats minimaux acceptables pour chacun des deux pays :
- Côté congolais, "ce serait la défaite militaire totale ou la neutralisation du M23 et d'autres acteurs non étatiques actifs dans la partie orientale, le retrait complet des forces militaires ou de l'influence étrangère, notamment rwandaise, et le maintien du contrôle centralisé par le gouvernement sur l'ensemble du territoire congolais".
- Côté rwandais, "ce serait la reconnaissance internationale des préoccupations sécuritaires du Rwanda, l'absence de sanctions punitives ou de condamnation internationale liées aux activités du M23 que le Rwanda soutient. Il y a aussi les garanties que les FDLR ne seront pas autorisées à se regrouper à proximité des frontières ou des territoires rwandais".
Et pour ce qui est des lignes rouges des deux pays dans ces négociations, l'universitaire les caractérise ainsi :
"[Pour le] gouvernement congolais, la ligne rouge, ce serait tout accord renforçant les M23 ou tolérant leur occupation des territoires de l'est. Et les points non négociables pour le Rwanda, ce serait tout accord tolérant les FDLR ou renforçant leur présence, et les accusations entraînant des sanctions, un isolement du Rwanda, ou une confrontation directe avec le gouvernement congolais ou les forces de maintien de paix."
Il y a quelques mois encore, le gouvernement congolais avait assuré ne pas vouloir négocier avec le M23. Il a changé d'avis puisque des discussions ont eu lieu au Qatar.
Après la déclaration d'intentions formulée à Washington, la Monusco, la mission de l'Onu en RDC, a salué une "étape importante" sur le chemin de la paix. Elle se félicite de "l'engagement des pays signataires à soutenir la mission dans l'accomplissement de son mandat, notamment la protection des populations civiles et la mise en œuvre de la résolution 2773 du Conseil de sécurité de l'On".
Néanmoins, l'annonce de Washington est un nouveau revirement qui a surpris la population congolaise, comme la représentation de l'Union européenne en RDC, selon Jakob Kerstan, directeur de la fondation allemande Konrad Adenauer à Kinshasa.
"Ces pourparlers sont en fait la reconnaissance, de la part du gouvernement congolais, qu'il n'est pas en mesure de reconquérir militairement les territoires de l'est [conquis par le M23]", estime-t-il.
La déclaration d'intention est toutefois prise avec prudence en RDC, en raison de plusieurs accords de cessez-le-feu annoncés ces derniers mois et qui n'ont pas été suivis de trêves réelles et durables.