Le Rwanda et la RDC ont donc annoncé il y a quelques jours qu'ils se donnaient jusqu'au 2 mai pour finaliser un projet d'accord de paix.
Ces négociations ont lieu sous l'égide des Etats-Unis et leur objectif affiché est de rétablir une paix pérenne dans la région des Grands Lacs.
Néanmoins, comme dans toute négociation, chaque partie défend ses intérêts propres, y compris les Etats-Unis. C'est de cela dont nous parlons avec notre invité de cette semaine, Roger-Claude Liwanga. Il est professeur en négociations internationales avancées à l'université d'Emory, aux Etats-Unis.
Entretien avec Roger-Claude Liwanga (USA)
DW : Quelle est la position défendue par la RDC, dans ces négociations?
Le résultat préféré pour le gouvernement congolais, ce serait un consensus international contre l'ingérence du Rwanda, ce serait obtenir le contrôle total de ces ressources minières dans ses régions orientales, obtenir un soutien international fort aux opérations militaires et à la reconstruction post-conflit mais les probabilités de l'obtenir sont faibles.
Toutefois, le résultat minimal acceptable, ce serait la défaite militaire totale ou la neutralisation du M23. Et d'autres acteurs non-étatiques actifs dans la partie orientale congolaise.
Un autre résultat acceptable, c'est le retrait complet des forces militaires ou de l'influence étrangère, notamment rwandaise, et le maintien du contrôle centralisé du par le gouvernement sur l'ensemble du territoire congolais.
Un compromis potentiel serait par exemple l'amnistie ou l'intégration limitée de certains ex-combattants du M23 [dans les forces armées congolaises] ou quelques réformes de décentralisation sans pourtant octroyer des pouvoirs formels aux rebelles sur les territoires qu'ils occupent.
Un autre aspect, ce serait le déploiement des forces régionales de maintien de paix dans des zones contestées, sous la supervision du gouvernement congolais.
DW: Quelle est la ligne rouge des autorités congolaises, ce qui n'est pas négociable de leur point de vue ?
Ce serait tout accord renforçant les M23 ou tolérant leur occupation des territoires de l'est.
DW : Et que veut négocier le Rwanda?
Le résultat préféré du Rwanda serait le démantèlement complet des FDLR, la normalisation politique avec la RDC, y compris les accords de coopération en matière de sécurité.
Egalement la reconnaissance de la marginalisation des Tutsis dans l'est de la de la RDC et des mesures de protection pour cette communauté, [ainsi que] l'accès économique, formel ou informel, continu aux corridors miniers et commerciaux.
Quant au résultat minimal acceptable pour le Rwanda, ce serait la reconnaissance internationale des préoccupations sécuritaires du Rwanda, l'absence de sanctions punitives ou de condamnation internationale liée aux activités du M23 que le Rwanda soutient.
Il y a aussi les garanties que les FDLRr ne seront pas autorisées à se regrouper à proximité des frontières ou des territoires rwandais.
Le compromis acceptable, ce serait les opérations militaires conjointes ou de partage de renseignements pour un contrôle des FDLR, le soutien indirect à un accord incluant des garanties de sécurité pour les communautés Tutsis, des zones-tampons régionales ou des zones démilitarisées surveillées près de la frontière entre la RDC et le Rwanda.
DW: Et quelle est la ligne rouge du Rwanda?
La ligne rouge où les points non-négociables pour le Rwanda, ce serait tout accord renforçant les FDLR ou tolérant leur présence et les accusations entraînant des sanctions, un isolement du Rwanda ou une confrontation directe avec le gouvernement congolais ou les forces de maintien de paix.
DW : Pourquoi les Etats-Unis se sont-ils engagés dans cette médiation entre la RDC et le Rwanda ?
Outre les considérations économiques, les Etats-Unis sont profondément préoccupés par les influences croissantes de leur rivaux géostratégiques, surtout la Chine et la Russie, en RDC et en Afrique en général.
La Chine a massivement investi dans l'industrie minière en Afrique et en RDC, où les entreprises chinoises jouent un rôle dominant dans ce secteur.
La Russie, quant à elle, a renforcé ces liens avec plusieurs pays africains. En leur fournissant un soutien militaires et en nouant des partenariats stratégiques, l'influence croissante de la Chine et de la Russie dans la région représente un défi pour la domination américaine sur le marché des minérais.
Il est donc crucial pour les États-Unis de favoriser la paix et la stabilité en RDC afin d'empêcher ces pays d'acquérir davantage d'influence.
DW : Est-ce que ces négociations sous l’égide des Etats-Unis peuvent aboutir à une paix réelle, selon vous ?
Il serait un peu naïf de croire que la simple signature d'un accord de paix entre la RDC et le Rwanda, sous la médiation des États-Unis, résoudrait immédiatement les différends qui opposent ces deux pays depuis des décennies.
Ce conflit est profondément ancré dans des complexités historiques, politiques, ethniques qui vont bien au-delà d'un accord formel.
La médiation des États-Unis, bien que potentiellement précieuse, ne peut servir que de point de départ à un processus de paix plus large et multidimensionnel.
De véritables progrès nécessiteraient un dialogue soutenu, un engagement sincère en faveur du désarmement, de refaire des réformes du secteur de la sécurité, la lutte contre les causes profondes du conflit telles que les divisions ethniques, les disparités économiques, les problèmes de gouvernance. Et l'implication des acteurs locaux.
Sans ces changements plus profonds, un accord de paix resterait probablement fragile et sa mise en œuvre pourrait se heurter à d'importantes difficultés.