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Quel avenir pour la présence russe en Afrique ?

28 mai 2025

Moscou organise depuis mardi une conférence internationale sur la sécurité dans un contexte où Donald Trump et Vladimir Poutine partagent les mêmes points de vue.

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Le président de transition du Burkina Faso Ibrahim Traore et le président russe Vladimir Poutine au deuxième sommet Russie-Afrique (29.07.2023)
Le Burkina Faso est devenu depuis le putsch un allié de Moscou en Afrique Image : Alexander Ryumin/dpa/Tass/picture alliance

Plus d’une centaine de délégations, dont celles venues d’Afrique, prennent part à la 13e édition de la Conférence internationale sur la sécurité de Moscou en Russie.

Selon Juste Codjo, professeur de sécurité internationale à la New Jersey city university aux Etats-Unis, "l’une des particularités de la rencontre de cette année, c’est qu’elle se tient dans un contexte géopolitique empreint d’une forte fragilité des relations entre les Etats-Unis et ses alliés européens [] et d’efforts de rapprochement de Donald Trump vis-à-vis de la Russie de Vladimir Poutine".  

La conférence se tient sur une thématique où la Russie joue les premiers rôles : entre 2020 et 2024, Moscou a été le principal exportateur d’armes vers le continent, selon le Sipri, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm.

L'enseignant-chercheur Juste Codjo explique que cette réunion de trois jours à Moscou et qui a débuté mardi (27.05.2025) "offre aux Africains des opportunités dont devraient s’inquiéter les Européens".

"Je pense par exemple aux expositions d’armements qui ont lieu en Russie en marge de la réunion et auxquelles sont conviés les hauts responsables de la sécurité du monde entier y compris ceux des pays africains. De plus en plus de pays africains sont à la recherche de marchés alternatifs pour se procurer des armes dans leurs efforts de lutte antiterroriste."

"De plus en plus de pays africains sont à la recherche de marchés alternatifs pour se procurer des armes" (Juste Codjo)

Rapprochement entre l'AES et la Russie  

Depuis quelques années, Moscou peut ainsi s’appuyer sur les pays de l’Alliance des Etats du Sahel, dirigés par des militaires qui ont fait de la lutte contre le terrorisme l’une des raisons de la conduite de la transition dans leur pays. Se présentant faussement comme une puissance anticoloniale, jouant sur la désinformation et attisant le discours anti-impérialisme, la Russie s’installe de plus en plus sur le continent
La bienveillance, jusqu’ici, du président américain Donald Trump avec son homologue russe Vladimir Poutine pourrait accentuer ce renforcement de Moscou sur le continent. 

Des représentants de l’ambassade américaine doivent ainsi assister à cette conférence sur la sécurité, une première depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022.   

Jérôme Pigné, président du Réseau de réflexion stratégique sur la sécurité au Sahel, note que "Moscou joue crânement sa chance à un moment où on a des partenaires classiques, les Nations unies aussi, et l’Europe, qui se cherchent clairement, qui cherchent leur stratégie géopolitique internationale".  

Le général Michael Langley, commandant du Commandement des Etats-Unis pour l'Afrique (Africom) a appelé, mardi (27.05.2025) au Kenya, les gouvernements africains à faire connaître à Washington leur point de vue sur l’éventuelle suppression d’Africom. 
Les troupes françaises ont été, pour leur part, priées de quitter les pays de l’AES et le Tchad

Les partisans d'Ibrahim Traore, brandissent les drapeaux nationaux du Burkina Faso et de la Russie lors d'une manifestation près du siège de la radio et de la télévision nationale (RTB) à Ouagadougou, le 6 octobre 2022
Dans certaines rues africaines comme ici à Ouagadougou, la coopération de pays africains avec la Russie est souhaitée et saluée Image : ISSOUF SANOGO/AFP/Getty Images

Reconfiguration de la présence occidentale en Afrique 

En République démocratique du Congo, les Occidentaux sont critiqués pour leur incapacité présumée à mettre fin à la crise dans l’est du pays. Et des appels à la Russie, supposés vrais ou entretenus, se lisent sur les réseaux sociaux.

"Une rupture totale avec l’Occident serait aujourd’hui un cataclysme pour les pays africains, d’abord parce qu’ils ne se sont pas préparés", prédit Souley Oumarou. Cet acteur de la société civile nigérien estime que "tout observateur sait que le positionnement de la Russie est un positionnement opportuniste, à la fois pour la Russie que pour les régimes putschistes dans le Sahel".     

Mais pour Marcel-Hériter Kapitene, spécialiste des relations internationales, l’Occident ne disparaît pas d’Afrique.  
"Il n’y a pas une présence militaire directe occidentale dans la plupart des pays africains. Mais si vous voyez des États comme la France, ils se reconfigurent plutôt dans une dimension commerciale, en s’ouvrant vers des Etats qui ne sont pas de leur ancien pré carré."  

Souley Oumarou appelle à une révision de la philosophie occidentale car "l’Afrique est une part entière de l’Occident en termes aujourd’hui de culture, d’économie, de réflexion et de philosophie".   

Table ronde sur la coopération économique à Saint Pétersbourg (28.07.2023)
La Russie tient depuis 2019 un sommet Russie-Afrique Image : Vyacheslav Prokofyev/ITAR-TASS/IMAGO

Mais alors que Donald Trump ne semble pas faire de l’Afrique une priorité et que l’Union européenne doit répondre à la guerre commerciale déclenchée par les États-Unis, Jérôme Pigné ne pense pas que la Russie puisse se maintenir en Afrique sur le long terme. 
"La Russie n’a pas les finances pour assumer, tranche Jérôme Pigné. D'ailleurs, c’est à travers l’Africa Corps qui est revenu sous la tutelle du ministère de la Défense. Il n’y a aucune puissance financière, économique de la Russie qui lui permettrait de tenir à flot ses finances pour continuer à faire de l’influence sur le plan industriel et militaire en Afrique."   

Il reste donc à savoir le visage que cette influence prendra, à mesure que la guerre en Ukraine se poursuit. Moscou prépare déjà le troisième sommet Russie-Afrique, prévu en 2026.