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Le pape François vu par les Africains comme un pacificateur

Jean-Fernand Koena
22 avril 2025

Le pape François est passé notamment en Centrafrique en 2015 alors que le pays était déchiré par une crise politico-militaire. Son passage y a marqué le début de la paix, rappelle le Cardinal Dieudonné Nzapalainga.

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Dans cette interview exclusive à DW Afrique, le cardinal Dieudonné Nzapalainga évoque l'héritage du pape François, notamment son engagement pour la paix sur le continent africain. Il parle aussi de la position du souverain pontife et des évêques africains sur la question dumariage homosexuel et sur la possibilité pour les cardinaux d'élire un pape africain aprèsla mort de François.

 

DW : Qu'est-ce que vous avez gardé du Saint-Père  qui vous a choisi comme cardinal  ?

Cal Dieudonné Nzapalainga : Un homme humble, simple, dévoué, très accessible. Non seulement il parle de la pauvreté, il vit. Et si vous allez à Rome, Santa Marta, c'est la maison de pèlerin où tout le monde doit venir là-dedans.

Il a laissé la maison où habitaient les papes pour venir dormir là. C'est un message fort pour dire nous sommes tous des pèlerins. Une petite simplicité et il mangeait aussi avec les autres. 

Moi je pense que ce pape-là nous laisse un grand message, pour ne pas dire un testament d'amour, que tôt ou tard nous aurons à prendre en compte pour dire la Fraternité universelle que Jésus Christ est venu annoncer.

Lui, il a atteint, il est allé à Dubaï, est allé au Caire, toujours avec les musulmans, dans la recherche de cette fraternité universelle. Je reste marqué par ce grand homme de Dieu qui est venu moralement, spirituellement, pour aider.

N'oublions pas nous Africains, au Congo démocratique, il a lancé un message fort, levé les pieds pour parler de la prédation, il a dit haut et fort et ça c'est un message qui concerne même nous on République Centrafricaine pour dire : pas de prédation, ce pays nous appartient, pays de Zo Kwe Zo, riche.

Et il avait commenté, je peux dire la devise unité, dignité, travail, la devise centrafricaine. Pour moi c'est un grand homme qui part et qui nous lègue un grand testament.

DW : Le pape François, s'était intéressé à plusieurs foyers de tension sur le continent africain. Il s'est rendu en RDC. Vous venez de parler de  cette visite au Soudan du Sud... Un homme de paix ?

Cal Dieudonné Nzapalainga : Un homme de paix, épris de paix. Rappelez-vous, alors que les leaders soudanais étaient à Rome sans prévoir quoi que ce soit, il s'est mis à genoux pour embrasser leurs pieds et les inviter à la réconciliation. Et quelques années après, il s'est rendu dans ce pays.

Quelle humilité, quelle simplicité ! Et pour les chrétiens, Jésus considéré comme le maître accepte de se faire tout petit esclave, lave les pieds et je crois que là c'est un message fort qu'il envoie non seulement à l'Afrique, mais je peux dire à l'humanité entière.

DW : Mais finalement quel impact son engagement a-t-il eu sur les crises ?

Cal Dieudonné Nzapalainga : Mais il y a eu beaucoup d'impact. Ceux qui sont en République Centrafricaine peuvent en parler. Quand le pape était venu en 2015, il était parti. On a vécu dans ce pays comme si c'était un pays normal. Pendant 4, 5 mois, on avait plus de tuerie, les gens ont commencé à se fréquenter en allant au kilomètre 5, le jour où ils sortaient de kilomètre 5, les musulmans étaient sortis en masse pour aller au stade.

Les gens ont commencé à à s'embrasser. Voilà l'impact réel concret. Et après il a demandé à ce qu'on aille aux élections. Nous avons eu les impacts ici. Il y a eu des élections libres ici dans ce pays. Et je pense que il continue à demander à ce que la dignité humaine soit respectée dans ses interventions.

N'oublions pas, c'est le pape qui a publié l'encyclique que l'on appelle laudato si, la création, l'écologie. Il a pris le devant pour dire la dégradation actuelle en cours, si nous ne faisons rien, on ne pourra pas faire un développement sans tenir compte de ces dégradations.

Il a dit, et quand il a publié aussi l'Encyclique, Frateri tutti il avait dit, Tous frères en Jésus-Christ mais tous Frères musulmans, bouddhistes, tous. Mais je crois qu'il a ouvert plusieurs voies pour notre humanité.

DW : Quel a été le rôle du Vatican sous le règne de François en Centrafrique  ?

Cal Dieudonné Nzapalainga : Le Vatican a accepté de venir préparer. Pour la petite histoire pour ceux qui ne savent pas. Jamais, un pape est allé dans un pays en guerre ou en crise, et ce que nous avait dit le directeur chargé de préparer les visites et c'est la première fois.

Et comme c'est le pape qui demandait, il est obligé. Les militaires sont venus séjourner ici pendant un mois. Jamais ce genre de choses se faisait. Ça se fait, c'est souvent 2, 3, 4 jours, voire une semaine, mais un mois, rester là en immersion, pour préparer la venue du Saint-Père, ça montre aussi vraiment l'engagement, hein, du Vatican à l'égard de la République centrafricaine. Et le Vatican a tenu et a organisé pour que les choses puissent se dérouler dans de bonnes conditions. 

N'oublions pas Sant Egidio, Sant Egidio est engagée en République centrafricaine, continue à demander aux Centrafricains d'aspirer au dialogue, dialogue inclusif pour pouvoir se comprendre et chercher notre propre voie pour continuer le développement de ce pays.

DW : Son ouverture sur la question de l'homosexualité et son rejet de l'avortement sont-ils des sujets qui continueront à faire débat dans l'Église  ?

Ce sont des sujets qui exprimaient une culture, je parle de la culture occidentale. Nous avons notre culture en Afrique ici et qui conçoit et qui voit les choses autrement. Eh bien, les gens n'ont pas dans un premier temps compris, mais nous, nous avons exprimé  notre point de vue  et nous l'avons fait  dans le cadre de synodes. Synode, ça veut dire "marche ensemble".

Le cardinal Ambongo qui est chargé de, je peux dire... La conférence, le CIAM, les évêques d'Afrique et de Madagascar, a envoyé une lettre  à tous les évêques, à toutes les conférences. Chaque conférence s'était retrouvée pour se prononcer. Il a fait la synthèse. Il a présenté au Saint Père, le Saint Père a accepté pour regarder la spécificité de l'Afrique qui se dégage et qui se traduit là. Il l'a respecté.

Ce qui l'a poussé à expliciter en disant, je n'ai pas demandé le mariage. Je demande plutôt la bénédiction. Et nous, on a pensé que dans notre culture, pour éviter les confusions, nous n'allons pas engager cette démarche de bénédiction qui va prêter à confusion.

DW : Le pape François a reçu le vice-président américain JD Vance dans un contexte de relations internationales tendues. Finalement, le pape symbolise quoi pour le monde rempli d'incertitude  ?

Cal Dieudonné Nzapalainga : Le pape symbolise l'espoir. Quand il commence à lancer jubilé d'espérance, c'est l'espoir. Malgré les incertitudes, malgré les difficultés, il invite à regarder l'avenir autrement et il donne les orientations, le cap et ce qu'il a fait.

Voyez l'ouverture de cœur d'un homme alors que les gens continuent à hésiter, est-ce qu'il va recevoir, percevoir... Le pape, c'est celui-là même celui qui est rejeté, il l'accueille, il l'a reçu sûrement,  il lui a dit des mots, et vous voyez : rencontrer quelqu'un, et le lendemain, vous partez. 

Je crois que le vice-président peut dire qu'il a reçu un testament. 

DW : Après la démission du pape allemand, Joseph Ratzinger, Benoît XVI, beaucoup espéraient qu'enfin, le continent africain pourrait accéder à la papauté,  ce qui n'est toujours pas le cas. Est-ce l'occasion de choisir un Africain ?

Cal Dieudonné Nzapalainga :  Je vous ai dit, comme Africain, quand nous avons notre dessein, nous commençons à pleurer,  nous commençons à nous retrouver,  nous commençons à prier et nous rentrons dans ce moment de prière. 

Plus tard, le Seigneur, à travers les cardinaux, inspirera les cardinaux qui vont choisir un pape selon le cœur de Dieu. Un pape comme pasteur de l'Église universelle et qui doit pas regarder la peau et autre. Eh bien. Prions pour que l'esprit Saint inspire les cardinaux afin de nous donner un pasteur pour l'Église universelle.

DW : Son Eminence, cardinal Dieudonné Nzapalainga, je vous remercie, je vous remercie.