Départ des pays de l'AES : une chance pour la Cédéao ?
28 janvier 2025Il y a près d’un an, le 29 janvier 2024, les trois pays du Sahel dirigés par des régimes militaires (le Niger, le Mali et le Burkina Faso) ont formellement notifié à la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest leur volonté de se retirer de l'institution sous-régionale avec effet "immédiat". Conformément aux textes qui régissent son fonctionnement, c'est ce 29 janvier 2025 que ce retrait annoncé sera effectif.
Ces trois pays qui ont créé le 16 septembre 2023 une confédération, l'Alliance des Etats du Sahel, accusent la Cédéao de leur avoir imposé des sanctions "inhumaines, illégales et illégitimes" après les putschs qu'ils ont perpétrés.
Quel sera l'avenir de la Cédéao après leur retrait effectif ?
Voici l'analyse de l'ancien ministre togolais de l'Intérieur, François Boko. Aujourd'hui avocat au barreau de Paris, il est docteur en sciences politiques.
François Boko: D'abord, il faut souligner que c'est un camouflet politique, économique de par le poids économique de ces trois États. Le Burkina Faso, le Mali, le Niger étaient effectivement des pays dont le poids économique est indéniable dans la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest.
Leur départ aura le mérite de clarifier les contradictions afin de mettre entre parenthèses les contradictions que la Cédéao a traversé.
DW: Ne pensez-vous pas que ce départ annoncé des trois pays de la Cédéao ne risque pas d'avoir un effet domino ?
François Boko: Oui, certainement, mais un effet domino limité à mon avis. Pourquoi ? Parce que c'est le seul pays. Disons entre guillemets, la seule brebis galeuse qui restait encore, c'est le Togo.
DW: Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso constitue une aubaine pour l'institution sous-régionale ?
François Boko: Oui. A quelque chose, malheur est bon, comme on le dit souvent. Le départ de ces trois pays permet à la Cédéao actualisée de retrouver la cohérence entre les principes qui énoncent son projet et la réalité à laquelle elle veut faire face efficacement.
Elle a perdu cette cohérence au début de la décennie 2010, notamment jusqu'en 2020, où elle ménageait à la fois les régimes qui refusaient l'alternance démocratique avec les régimes qui faisaient des efforts pour aller vers l'État de droit. Des efforts pour aller vers des alternances pacifiques.
Le Nigeria, par exemple, a connu plusieurs alternances pacifiques. Le Ghana a connu plusieurs alternances pacifiques le Bénin, le Sénégal pendant que des pays comme le Togo refusaient carrément l'alternance au sommet de l'État et mettait en œuvre des politiques des successions dynastiques qui visiblement étaient en déphasage avec les principes politiques qu'énonce le protocole additionnel de la Cédéao sur la gouvernance politique.