Pour mettre le M23 en déroute, l’armée congolaise avait combattu aux côtés d’une brigade d’intervention des forces de l’Onu de 3.000 hommes, dotée d’un mandat robuste. Martin Kobler estime que la décision de retirer les troupes de l'ONU de la RDC n'était pas une bonne décision de la part du Conseil de sécurité. Ci-dessous, l'entretien de Martin Kobler avec la DW.
DW : Le groupe rebelle M23, membre de l'Alliance du fleuve Congo, revendique la prise de contrôle de la ville de Goma, capitale du Nord-Kivu. D'autres territoires du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont aussi contrôlés par ce groupe armé. Vous, M. Martin Kobler, vous avez dirigé la mission de l'ONU en RDC de 2013 à 2015 et, à l’époque, vous avez pu empêcher la même rébellion de prendre Goma. Pourquoi cela a-t-il été possible cette fois en quelques semaines seulement ?
Martin Kobler : Nous avons eu une situation un peu différente parce qu'on n'avait pas de troupes rwandaises dans le pays. On n’avait que le M23 comme groupe rebelle qui était soutenu par le Rwanda avec des armes et la logistique. Et, en 2013, nous étions en position de combattre avec la brigade d'intervention. Et la brigade d'intervention est là encore aujourd'hui avec ses 3000 soldats. Donc, je pense que la décision de mettre fin à la Monusco n'était pas une bonne décision.
DW : Mais c’était à la demande d'un gouvernement congolais
Martin Kobler : La demande était déjà là en 2013. La question est de savoir : est-ce qu'il faut suivre la demande ou est-ce qu'il faut parler avec le gouvernement afin de poursuivre la mission ? C'est toujours beaucoup mieux d'avoir un consensus entre les Nations unies et le gouvernement. Mais on n'a pas même essayé de les convaincre que c'est mieux pour la stabilisation, pour l'État de droit, pour reconstituer l'autorité de l'État dans l'est du Congo. Le secrétaire général de l’ONU a dit : African solutions to African problems - des solutions africaines pour des problèmes africains -, je crois que c'est vrai parfois, mais dans le cas de la RDC où la Monusco est présente sur le terrain, c'était pas une bonne décision, c’était une faute.
DW : Et à l'époque, vous aviez, comme vous l'avez expliqué, un mandat robuste.
Martin Kobler : Le mandat n'a pas changé. La brigade d'intervention est toujours là avec 3000 soldats. Il faut prendre la décision de lui donner l’ordre d’agir, d'être plus active, plus robuste. On peut aussi décider de ne pas être robuste. Et parfois, pour les dirigeants à New York, peut-être aussi à Kinshasa, c'est plus facile de pas être trop actif et de pas être robuste.
J'avais un commandant de la Force à l'époque, c'était un général trois étoiles brésilien. Quand le M23 a avancé sur Goma, il a donné l’ordre qu'on forme un cercle autour de la ville, de quelques kilomètres. Il leur a donné un ultimatum de se retirer, de désarmer pendant deux jours, 48 h. Comme ils ne l'ont pas fait, alors la Monuco a attaqué ensemble avec les FARDC. C'est pourquoi on a besoin du gouvernement, parce qu'on peut le faire seulement avec les FARDC. Et cette politique a fonctionné à l'époque.