DW : Bonjour Madame, Son Excellence, vous avez parlé d'amélioration, le ministre de la Défense allemand a parlé de réforme. Quelle sorte de réforme pensez-vous indispensable pour la Monusco et pour le concept du maintien de la paix ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Je pense que la République démocratique du Congo et la Monusco ont fait d'importantes contributions, mais il y a encore beaucoup de travail qui reste à faire. Un des aspects, c'est la question de la redevabilité par rapport aux droits humains. La République démocratique du Congo est dans une situation assez particulière. Nous avons une très grande mission de maintien de la paix, mais un de nos pays voisins est un des plus grands contributeurs aux opérations de maintien de la paix, à savoir le Rwanda. En même temps, ce pays viole notre intégrité territoriale et ce pays aussi a été associé à des violences contre des soldats de la paix. Donc, pour nous, une des grandes réformes, c'est aussi la redevabilité des pays contributeurs de troupes.
Nous devons nous assurer que les pays contributeurs de troupes sont tenus au même standard de performance, mais aussi du respect du droit international, y compris quand ces pays se trouvent justement dans des situations où ils violent eux-mêmes le droit international.
DW : Et est-ce que vous êtes pour la poursuite des discussions avec le groupe M 23 ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Alors il y a des entretiens qui se passent et la République démocratique du Congo a toujours dit que les interactions avec les groupes armés allaient se faire dans le cadre du processus de Nairobi. Et donc, si vous voulez, c'est un peu un précurseur à cela. Et les entretiens vont continuer. Mais encore une fois, parler ne veut pas dire l'absolution.
DW : Mais vous êtes prête à parler du point de vue aussi du gouvernement rwandais, c'est-à-dire leurs besoins de sécurité, c'est une chose dont vous tenez compte ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Certes, le Rwanda a des préoccupations sécuritaires légitimes, mais ne parlons pas dans la théorie, parlons de manière très concrète, les dizaines de milliers de morts sont-ils congolais ou sont-ils rwandais ? ils sont congolais, les femmes violées sont-elles congolaises ou rwandaises ? elles sont congolaises. Et elles sont congolaises de toutes les ethnies, même les soi-disant minorités que le Rwanda prétend vouloir protéger. Quand les bombes que le Rwanda largue sur nos villes et sur nos villages tombent, est-ce qu'elles choisissent des Banyamulegue ? Est-ce qu'elles choisissent des tutsi, des hutu, puisque le Rwanda utilise ce vocabulaire. Non. Les bombes, elles tuent les Congolais et les Congolaises.
Tout le monde a droit à des préoccupations de sécurité, mais ne simplifions pas les choses. Maintenant, c'est le Rwanda qui viole notre intégrité territoriale. Maintenant, c'est le Rwanda qui pille, qui tue et qui viole.
DW : Est-ce que vous avez confiance dans ce que pourrait faire avancer un certain Donald Trump et mettre fin, comme vous le dites, à la violation de votre territoire ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : Alors, nous en sommes arrivés là parce que nous avions un processus, le processus de Luanda, qui était à quelques jours d'aboutir à la signature d'un accord. Le Rwanda nous a fait faux bond. Nous allons voir si le Rwanda va honorer ses engagements. Que ce soit au Qatar, que ce soit aux États-Unis d'Amérique, la République démocratique du Congo, encore une fois, notre priorité, c'est la paix et surtout la paix pour nos populations à l'est du Congo.
Si nous avons des partenaires qui sont francs, honnêtes et prêts à s'investir pour cette paix, nous sommes partants. Mais l'autre contrepartie, encore une fois, nous attendons de voir si leurs jolis discours vont se matérialiser ou si on va rester dans la réalité qui est la réalité actuelle, à savoir une occupation illégale et des violations de droits de l'homme massives.
DW : Qu'est-ce que vous attendez des pays de la région face à la situation humanitaire dans l’est de votre pays et quel est le besoin des gens qui font appel à plus de sécurité ?
Thérèse Kayikwamba Wagner : La situation à l'est de la RDC est évidemment extrêmement préoccupante, pour ne pas dire catastrophique. Pourquoi ? Parce qu'une large partie de l'est est occupée par des rebelles, est occupée par une armée étrangère qui n'a pas le droit d'être là, qui viole le droit international, mais surtout qui viole aussi les droits humains des Congolais et des Congolaises dans les contrées qu'ils sont en train d'occuper de manière illégale. Et cela a des répercussions dramatiques sur le quotidien des Congolais et des Congolaises.
Des enfants qui n'ont pas accès à l'école, des écoles qui sont détruites, des hôpitaux qui sont détruits. Nous avons entendu combien de fois qu'il y a eu des incursions dans des lieux qui sont protégés par le droit international, comme des hôpitaux, et que des patients ont été enlevés manu militari. Donc c'est une situation extrêmement difficile et pour nous, en tant que gouvernement, c’est extrêmement difficile à suivre. Pourquoi ? parce que nous ne sommes pas présents et parce que nous savons que beaucoup, des millions de nos concitoyens, sont en train de traverser des moments extrêmement difficiles et que nous ne pouvons pas être à leurs côtés.