Albinisme : sensibiliser pour protéger et préserver des vies
13 juin 2025Le 13 juin, c'est la journée internationale de sensibilisation sur l'albinisme. Une journée pour attirer l'attention sur ce qu'est l'albinisme et comment protéger les personnes qui sont concernées. "Revendiquer nos droits : protéger notre peau, préserver nos vies" : c'est le thème retenu cette année pour marquer la journée.
Selon les Nations unies, ce thème souligne le besoin urgent de prévenir le cancer de la peau chez les personnes atteintes d'albinisme par la sensibilisation, le dépistage et l'accès aux crèmes solaires.
Yan Mambo est réalisateur, producteur et chroniqueur...Surnommé "Ours blanc", en référence à son albinisme, il est très impliqué dans les actions de sensibilisation sur l'albinisme.
Lisez ou écoutez l'interview de la DW avec Yan Mambo.
Yan Mambo : Déjà, l'albinisme de base, c'est une anomalie génétique qui prive l'être humain de plusieurs choses, entre autres, la mélanine qui est cette substance qui nous donne la coloration de la peau, des poils et des yeux.
Donc, ce qui fait qu'automatiquement la personne atteinte d'albinisme est dépourvue de pigmentation et d'une vue correcte.
DW : Quels sont les problèmes auxquels les personnes qui en souffrent sont confrontés et notamment sur un continent comme l'Afrique?
Yan Mambo : Déjà, le premier problème, c'est un problème climatique parce que, comme vous venez de le dire, en Afrique, il fait extrêmement chaud.
Vu que la personne atteinte d'albinisme a un problème de pigmentation, elle est déjà exposée aux rayons solaires qui rendent sa peau vulnérable, exposé au soleil, il y a probabilité d'avoir le cancer de la peau et la chaleur entraîne aussi des problèmes de peau à travers plusieurs maladies liées à la peau, comme la gale, comme les pustules et beaucoup d'autres.
Deuxièmement, c'est au niveau scolaire, parce que les infrastructures ne sont pas réunies pour permettre aux personnes atteintes d'albinisme d'avoir une vue correcte, parce qu'il n'y a pas d'école spécialisée ou du matériel didactique permettant à ce que la personne atteinte d'albinisme puisse avoir les mêmes conditions d'études qu'une personne entre guillemets normale.
DW : Vous militez pour de meilleures conditions de vie des albinos.Quels sont les messages que vous tentez de faire passer sur l'albinisme ?
Yan Mambo : Déjà de manière individuelle, nous sensibilisons surtout les parents et les personnes non atteintes d'albinisme à pouvoir être assez prévoyants concernant la protection et la sécurité des personnes atteintes d'albinisme qui les entourent.
Parce que moi-même étant une personne atteinte d'albinisme, moi j'ai connu beaucoup de difficultés étant enfant, surtout au niveau scolaire.
Les professeurs ne me permettaient pas d'étudier correctement.Mais alors que nous, aujourd'hui, nous avons les devoirs des sensibiliser les écoles, les sensibiliser les parents, des sensibiliser toutes les personnes, surtout ceux qui ne sont pas atteints d'albinisme, de savoir être prévoyants de ce côté-là.
Et à travers une structure, nous essayons de mettre sur pied des produits qui permettent aux personnes atteintes d'albinisme de se protéger.Et nous faisons même des formations sur comment fabriquer ces produits là.
Mais le plus grand rêve, c'est qu'à l'avenir, nous puissions vraiment créer des boutiques spécialisées pour la vente des produits de protection pour les personnes atteintes d'albinisme que nous avons appelé des albishops. On espère qu'avec l'aide de plusieurs particuliers ou d'autres personnes, on y arrivera.Parce que le gouvernement, à vrai dire, ne nous aide pas vraiment.
DW : Il y a aussi beaucoup de préjugés, de croyances qui entourent l'albinisme, on entend souvent dans la presse des histoires d'enlèvement d'enfants, notamment albinos, le regard que les gens portent même sur l'albinisme, un mot là-dessus...
Yan Mambo : c'est une réalité dont on ne peut pas s'échapper.C'est vrai que surtout chez nous en RDC à l'est du pays, les personnes atteintes d'albinisme sont confrontées à ces genres de difficultés.
Même à Kinshasa, les préjugés sont vraiment forts, mais nous essayons de sensibiliser sur ça.
C'est vrai qu'à Kinshasa, c'est moins que dans des pays comme le Burundi ou la Tanzanie où les gens sont carrément vendus ou mutiler pour des rituels. Mais nous essayons vraiment de faire de notre mieux pour sensibiliser à ce que ces préjugés puissent être éradiqués de la mémoire collective.
DW : comment, justement, de votre point de vue, comprendre ces préjugés, ces croyances qui entourent l'albinisme?
Yan Mambo : Selon certaines croyances, vendre la peau d'une personne atteinte d'albinisme ou ses organes ont encore ses cheveux, procurent la chance ou les richesses, alors beaucoup se sont laissés emballer.C'est une légende urbaine qui existe depuis des décennies.
DW : Est-ce que vous direz qu'avec la sensibilisation, le regard des gens, les croyances, est ce qu'il y a des changements ?
Yan Mambo : Il y a beaucoup de changements. C'est vrai que pendant 10 ans, nous avons fait un travail vraiment acharné, surtout du côté de la sensibilisation.
Surtout sur terrain, nous recevons beaucoup de témoignages.Aujourd'hui, le regard a quand même assez changé.C'est vrai qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Il était très difficile, par exemple dans une ville comme Kinshasa, de voir quelqu'un se mettre en couple avec une personne atteinte d'albinisme et aujourd'hui, avoir une personne atteinte d'albinisme dans sa vie, c'est devenu même un mode de vie.
C'est même cool d'avoir un ami atteint d'albinisme, ça fait Smart, ça fait tendance.C'est grâce à la façon dont nous avons redéfini l'albinisme, parce que l'albinos en lingala, c'est Ndundu. Alors à l'époque, le mot Ndundu, c'était un mot assez péjoratif.
Alors, avec la sensibilisation, nous avons essayé de le redéfinir, coller cette image avec ce qui est beau, avec ce qui est spécial, avec ce qui est intelligent, avec ce qui est assez Smart.
Et aujourd'hui, dans la mémoire collective quand même ça s'est imprégné. Et tout le monde veut aujourd'hui faire partie de cette tendance.On y a apporté un côté cool.