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La Russie résiste aux sanctions occidentales

Juliette Arthur Garcia | Georges Ibrahim Tounkara
24 février 2025

L’Union européenne a imposé ce lundi un 16e train de sanctions contre la Russie. Mais, même si son économie est affaiblie, la Russie résiste à ces sanctions.

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Vladimir Poutine et  Xi Jinping le 16 mai 2024 à Pékin
La Chine est devenue le plus grand partenaire commercial de la RussieImage : Kremlin.ru/REUTERS

Trois ans après le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a imposé ce lundi un 16e train de sanctions contre la Russie.

Ces nouvelles sanctions ciblent notamment 73 nouveaux pétroliers "fantômes", utilisés par la Russie pour contourner les sanctions déjà existantes destinées à limiter les exportations de pétrole russe et affaiblir la Russie et sa machine de guerre. 

Depuis le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, l'UE a imposé des sanctions massives et sans précédent à l'encontre de la Russie.

L'objectif de ces sanctions économiques : contrer efficacement les capacités de Moscou à poursuivre la guerre.

Depuis, rien n'a autant changé pour Moscou que ses relations commerciales avec le reste du monde.

Selon l'Observatoire de la complexité économique (OEC), en 2021, près de la moitié des exportations russes étaient destinées aux pays européens, dont la Biélorussie et l'Ukraine.

La majorité de ces exportations étaient des produits énergétiques, principalement du pétrole brut et du gaz.

Fin 2023, moins de deux ans après le début de la guerre en Ukraine, la situation avait déjà complètement changé.

Les chiffres récemment publiés par l'OEC montrent que la Chine et l'Inde sont devenues les principaux marchés d'exportation de la Russie, représentant près de la moitié des exportations totales.

L'Inde représentait ainsi environ 33 pour cent et la Chine environ 17 pour cent. 

Selon les données, les marchandises en provenance des pays européens ne représentaient plus que 15 pour cent des importations russes en 2023, contre près de 50 pour cent deux ans plus tôt.

Pétrolier russe à Krasnodar en Russie le 14 janvier 2025
90 % des importations de pétrole de l’UE en provenance de la Russie sont touchées par les sanctions européennesImage : Maxim Grigoryev/TASS/picture alliance

De l'Ouest à l'Est

Mais les données commerciales disponibles se basent uniquement sur des statistiques officielles. Cela signifie que le pétrole expédié par la "flotte fantôme" de la Russie n'est pas inclus.

S'il était possible d'inclure les exportations de pétrole de la flotte fantôme, l'Inde et la Chine importeraient très probablement encore plus de Russie.

La flotte fantôme, ce sont plus de 200 navires russes enregistrés ailleurs qu’en Russie et agissant pour le compte du Kremlin.  

Selon la Kyiv School of Economics, au moins 70 pour cent de l'ensemble des exportations russes de pétrole brut par voie maritime sont effectuées par les navires de la flotte fantôme, pour la plupart vieillissants et non assurés, l'Inde, la Chine et la Turquie achetant jusqu'à 95 pour cent de cette marchandise. 

La nouvelle orientation commerciale de la Russie depuis 2022 est due à deux facteurs : l'UE n'achète plus de gaz et de pétrole russes, mais la Chine et l'Inde achètent de plus en plus de matières premières à la Russie.

Les importations de pétrole brut russe de l'UE ont diminué de 90 pour cent. Le gaz est aussi touché : alors qu'en 2021, 40 pour cent des besoins totaux provenaient encore de Russie, ce chiffre n'était plus que de 15 pour cent trois ans plus tard.

"La Russie est désormais le vassal de la Chine"

Ce qui a sans doute le plus changé pour la Russie, c'est sa relation avec la Chine, tant sur le plan commercial que géopolitique.

"La Russie est désormais le vassal de la Chine", déclare Elina Ribakova, économiste au Peterson Institute for International Economics à Washington D.C., dans un entretien avec la DW.

Selon elle, l'importance de la Chine dans le commerce russe est désormais si déséquilibrée que Pékin exerce une énorme influence sur Moscou.

"La Chine est de loin le plus grand partenaire commercial de la Russie, alors que la Russie ne représente qu'une très petite part des exportations chinoises", a déclaré Ribakova.  “Pour la Russie, Pékin est désormais le plus grand partenaire commercial", dit l'économiste.

Xi Jinping et Vladimir Poutine le 20 mars 2023 au Kremlin
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie et la Chine ont renforcé leur coopération économique.Image : Sergei Karpukhin/Sputnik/REUTERS

Ribakova estime que la Chine ne vend pas seulement ses propres produits à la Russie, mais qu'elle aide aussi à faciliter la livraison de biens occidentaux à Moscou. 

Les marchandises chinoises remplacent largement les importations russes en provenance de l'UE. En 2023, la Chine a exporté des marchandises d'une valeur équivalente à 105 milliards d'euros. Les machines et les pièces détachées représentent environ 40 % de ces exportations. 

Le secteur des transports, comme les voitures, les camions, les tracteurs et les pièces détachées, représente plus de 20 %. S'y ajoutent les métaux, les matières plastiques, le caoutchouc, les produits chimiques et les textiles.

Un monde multipolaire

Le commerce russe a certes changé et s'est adapté, mais les experts estiment que la Russie ne se porte pas mieux pour autant.

Selon l’économiste hongrois, Zsolt Darvas, la Russie peut certes "survivre", mais elle ne reçoit plus "la même qualité de produits qu'auparavant" et cela dit-il se répercute sur l'économie.

Elina Ribakova est d'avis que les choses n'ont pas évolué aussi mal pour la Russie sur le plan économique que beaucoup le craignaient à Moscou.

Elles estime que le changement de partenaires commerciaux reflète également le passage à un ordre mondial multipolaire souhaité par la Russie.

"Pour Poutine, c'est une voie confortable, car il veut ce monde multipolaire dans lequel il est allié à la Chine et à d'autres. Et pour cela, il accepte probablement volontiers les coûts économiques", estime l'économiste.

Elle fait toutefois remarquer que cette dépendance surtout de la Chine rend la Russie vulnérable. 

Georges Ibrahim Tounkara Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle