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En Allemagne, un immigré sur quatre veut quitter le pays // En Roumanie, les Houtsoules veulent sauvegarder leur culture

10 juillet 2025

Selon une récente étude, plusieurs millions d’immigrés en Allemagne déplorent la barrière linguistique, la bureaucratie et la discrimination croissante. // En Roumanie, face à la modernité, le peuple houtsoule fait tout pour ne pas voir sa culture et son mode de vie disparaître.

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"Tout ce qui m'avait amené en Allemagne a disparu et, à un moment donné, je me suis dit que ça suffisait - je ne veux pas que mes enfants, si jamais j'en ai, grandissent dans ce pays." 

Voici ce que Giannis raconte à la DW. A l’âge de 18 ans, il a commencé des études de génie civile en Allemagne, attiré par le pays en raison de sa solide réputation en matière d'égalité des chances et de justice sociale. 

"J'ai fait tout ce que j'ai pu pour construire ma vie là-bas, mais je me suis toujours heurté à des obstacles" déplore l’homme qui a aujourd’hui 39 ans.  

"Je travaillais sur un chantier de construction et le client a refusé de payer la facture finale, qui s'élevait à plus de 100 000 euros. Il m'a répondu : Je ne te laisserai pas t'enrichir ici en Allemagne." 

Pour Giannis, c’était une expression claire d'un ressentiment à l'égard de son origine étrangère. En 2020, une fois son master en poche, il a décidé de retourner en Grèce, son pays d'origine, après 16 ans d'absence. 

Les obstacles auxquels Giannis a dû faire face en Allemagne sont mentionnés dans une nouvelle étude publiée par l'Institut allemand de recherche sur l'emploi

Des cyclistes et des conducteurs de scooter dans une rue de Berlin (21.09.2019)
Plus de 25 % des personnes vivant en Allemagne sont issues de l’immigrationImage : Wolfram Steinberg/Wolfram Stein/picture alliance

Basée sur une enquête menée auprès de 50 000 migrants âgés de 18 à 65 ans venus en Allemagne, l'étude a révélé qu'un sur quatre envisageait de repartir. Les demandeurs d'asile, qui n'ont pas encore de statut de résident reconnu en Allemagne, ont été exclus de l'étude. 

Atmosphère peu accueillante  

L'enquête, menée entre décembre 2024 et avril 2025, a montré que les personnes les plus susceptibles de partir sont très instruites, prospères et bien intégrées - celles-là mêmes dont l'Allemagne a le plus besoin. 

L'économiste Christian Dustmann, directeur de l’Institut d'économie et de l'avenir du travail à la Fondation Rockwool à Berlin explique d’abord que la perception d'une atmosphère peu accueillante n'est pas propre à l'Allemagne.  

"Je pense que l'Allemagne a fait beaucoup pour améliorer les conditions de vie de ces personnes. Mais bien sûr, plus un pays absorbe d'immigrants, et l'Allemagne en a absorbé beaucoup au cours des quinze dernières années, plus la population globale aura des inquiétudes. Cela peut alors conduire à une culture que certains immigrants considèrent comme peu accueillante."

Christian Dustmann poursuit : "La politique doit trouver le juste milieu entre, ne pas surcharger la population résidente, ce qui donne de l'espace aux partis populistes de droite, et en même temps, accueillir les nouveaux arrivants qui sont aussi des éléments importants de l'économie et de la société." 

Un peu plus d'un quart des personnes vivant en Allemagne sont issues de l'immigration. Environ 6,5 millions de personnes sont arrivées dans le pays rien que depuis 2015, principalement des Syriens et des Ukrainiens. 

De nombreux Allemands s'inquiètent de plus en plus des conséquences négatives potentielles de l'arrivée de migrants en Allemagne, telles que l'augmentation des coûts pour l'Etat-providence, la pénurie de logements dans les zones urbaines et les difficultés croissantes au sein du système scolaire. 

Selon l'étude de l'Institut allemand de recherche sur l'emploi (IAB), les intentions d'émigrer d'Allemagne sont "le résultat d'une interaction complexe entre les caractéristiques individuelles, l'intégration sociale, les raisons économiques et la perception de l'acceptation sociétale"

Bureaucratie, impôts...

 Les personnes interrogées ont également cité l'insatisfaction politique, les impôts élevés et la bureaucratie comme motifs de départ. 

Kalina Velikova à Madère au Portugal
Bien qu’elle parlât couramment allemand, Kalina Velikova a eu du mal à s’intégrer Image : Privat

Kalina Velikova, 35 ans, a passé neuf ans à étudier et travailler dans le domaine social à Bonn, dans l’ouest de l’Allemagne. En 2021, la Bulgare a quitté Bonn pour Sofia où elle travaille comme responsable de projet.

"Même le fait de parler couramment la langue ne fait pas nécessairement tomber les barrières en Allemagne", insiste Kalina Velikova.

"Je me sentais exclue à l’université malgré mon parfait allemand. Je n'oublierai jamais le temps qu'il a fallu aux gens pour m’accepter, ne serait-ce qu'en tant que camarade d'amphithéâtre. Je parlais à quelqu'un un jour, et le lendemain, il faisait comme s'il ne me connaissait pas. Ce n'est pas le cas dans mon pays d'origine. J'ai commencé à être plus froide. J'avais l'impression de développer une allergie à l'Allemagne, ce que je ne voulais pas."

"Bien sûr, il y a aussi des problèmes quotidiens ici en Bulgarie, précise Kalina Velikova. Mais dans l'ensemble, ma qualité de vie s'est améliorée, même si je gagne moins et que je travaille plus." 

Selon l'Institut allemand de recherche sur l'emploi, 26% des immigrés ont déclaré avoir envisagé de quitter l'Allemagne au cours des 12 derniers mois. Le marché du travail allemand pourrait avoir découragé certains d’entre eux.  

Reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger  

La reconnaissance des diplômes obtenus à l’étranger par les immigrés est l’un des grands défis auxquels doit s’attaquer l’Allemagne, explique Christian Dustmann. 

Un policier vérifie les papiers d'un conducteur lors d'un contrôle aux frontières. La police contrôle les personnes entrant dans le pays en provenance de République tchèque (03.06.2025)
L’une des premières mesures prises par la CDU au pouvoir a été de rendre plus difficile l’entrée en AllemagneImage : Pia Bayer/dpa/picture alliance

"Aujourd'hui, le marché du travail allemand est très réglementé. Si vous voulez devenir boulanger, vous devez suivre un apprentissage en boulangerie. Si vous voulez devenir plombier, vous devez obtenir un diplôme de plombier, etc. La situation est donc très différente, par exemple, de celle de l'Australie ou des Etats-Unis. Et surtout par rapport au Royaume-Uni."

"Cela crée donc des goulets d'étranglement dans le processus permettant aux immigrés d'accéder à des professions équivalentes sur le marché du travail. Je pense qu'il faudrait introduire plus de flexibilité pour que les immigrés puissent accéder à des professions pour lesquelles ils possèdent des qualifications. Mais ces qualifications sont obtenues dans d'autres pays et ne sont pas complètement équivalentes aux qualifications allemandes, je pense que ce serait déjà une grande aide." 

Autre solution que préconise Christian Dustmann au micro de Sinem Özdemir :  rendre la bureaucratie plus accessible et les cours d’allemand obligatoires pour les immigrés.  

"Si vous êtes chirurgien diplômé, mais que vous ne parlez pas allemand, vous travaillerez comme infirmier et non comme chirurgien. L'allemand est la langue parlée en Allemagne, et si vous souhaitez venir vivre en Allemagne, vous devez bien sûr apprendre l'allemand. Si vous ne parlez pas allemand en Allemagne, vos perspectives de carrière sont très limitées, car vous ne pouvez trouver des emplois que là où l'allemand n'est pas requis. C'est néfaste pour les immigrants eux-mêmes, mais c'est aussi une perte pour le pays d'accueil et la société toute entière."  

La bonne nouvelle, c’est qu’un peu plus de la moitié (57%), soit 5,7 millions d’immigrés veulent rester de manière permanente en Allemagne, selon l'Institut allemand de recherche sur l'emploi. Une bonne nouvelle pour la première puissance économique européenne qui a besoin d'une immigration annuelle nette d'environ 400 000 personnes pour stabiliser son potentiel de main-d'œuvre.  

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A la (re)découverte des Houtsoules  

Dans la région de Bucovine, à cheval entre la Roumanie et l’Ukraine, vit dans les montagnes des Carpates le groupe ethnique des Houtsoules. Installés au cœur des forêts depuis plusieurs siècles, les origines de ce peuple font débat chez les ethnologues et historiens, et leurs traditions sont entourées de légendes.  

Paul Torac, 30 ans, a fait le choix de rester pour préserver la culture houtsoule
Paul Torac répare les maisons pour assurer la pérennité de l’architecture houtsoule, peu à peu abandonnée pour le confort des maisons modernes Image : Kristen Anger/DW

En Roumanie, ils ne seraient que quelques milliers, tout au plus, à vivre encore dans des villages isolés. Bien que la modernité se soit invitée dans la plupart des foyers, les Houtsoules de toutes générations restent très attachés à leur mode de vie proche de la nature, qu’ils considèrent comme une divinité. Un héritage culturel qu’entendent bien préserver des membres de la communauté. Un reportage de Kristen Anger en Roumanie.

Le Reportage a été réalisé avec le soutien de l'Institut culturel roumain

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