A l'occasion du débat public organisé à Douala au Cameroun par la Deutsche Welle mardi (17.06.2025), dans le cadre de notre émission Arbre à Palabres, nous recevons la militante et intellectuelle camerounaise Henriette Ekwe.
La leader d'opinion s'est exprimée sur le thème de l'émission : "divorce et précarité, les femmes plus vulnérables ?". Henriette Ekwe s'est également prononcée sur l'actualité politique au pays de Paul Biya et de Maurice Kamto. C'est l'interview de la semaine au micro de notre Correspondant à Douala, Henri Fotso.
DW : De votre point de vue, comment peut-on cerner le divorce sur le plan causal ?
Henriette Ekwe : Il y a énormément de causes de divorce. Le premier point, c'est les crises sociales où il y a un environnement de détresse sociale, le travail, etc. Quand on est dans une certaine quiétude qu'il n'y a pas de stress, on tient les coups, on les amortit. Mais quand on est dans une situation où la vie est difficile, tout donne lieu à un dérapage. Et c'est ces causes sociales-là qu'il faut regarder davantage.
L'Etat au Cameroun étant le pouvoir judiciaire, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, l'Etat camerounais n'est-il pas donc quelque part responsable du fléau que constitue le divorce au Cameroun ?
Mais bien sûr, l'Etat camerounais est au début et à la fin de tout. C'est vrai qu'il y a l'indépendance de la justice mais l'Etat doit quand même réguler. J'ai une amie qui est morte sous les coups de son mari. Qu'est-ce que la famille a dit ? La famille a dit :"Il faut absolument qu'on le libère parce qu'il a 7 enfants". On ne sait pas qui va s'occuper des enfants, c'est-à-dire, la famille de la femme va négocier pour que le meurtrier sorte, pour qu'il vienne s'occuper de ses enfants. Et les féministes disent souvent que l'Etat a un sexe, c'est le sexe masculin.
C'est-à-dire que c'est les hommes qui décident et les droits de la femme viennent en dernière position. Le statut professionnel de l'artiste qui reste bloqué. Les féminicides, le divorce qui devient un fléau au Cameroun : les candidats à la prochaine présidentielle ont du pain sur la planche.
Ils ont du pain sur la planche parce que les problèmes sociaux, on n’en parle pas et cela fait quatre mois qu'on est sur le mandat impératif. C'est monté, c'est descendu où on est devenu un grand amphithéâtre de droit. Personne ne parle des droits des femmes, des droits sociaux qui sont souvent menacés. Les candidats ne mettent pas cela sur leurs projets de société. Ils ne mettent jamais dans le projet de société des problèmes comme ceux-là : les divorces, le statut des femmes, le non-paiement des droits d'auteur même. Or, si les candidats à l'élection présidentielle ne donnent pas un relief à tous ces manquements sociaux, on ne va pas s'en sortir.
Et finalement, on a l'impression que Paul Biya n'a pas d'adversaire en face avec des coalitions qui n'arrivent pas à s'opérer. Paul Biya sera encore réélu à la prochaine élection présidentielle.
Oui, mais il ne va pas être élu parce qu'il a remporté des suffrages. Il va être élu parce qu'Elecam est un élément important qui détourne tout. Elecam, un comité de base du RDPC. Donc c'est le président Biya qui a nommé tout le monde.
Il faut dire que, au Cameroun, le vote est censitaire. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que ce sont les citoyens qui ont l'argent qui peuvent être candidats. Les pauvres n'ont qu'un droit : c'est d'aller voter ces gens-là.
Effectivement, parce qu'hier, avec 1 million de FCFA, on pouvait monter le dossier de sa candidature pour la présidence de la République. Aujourd'hui, il faut 30 millions.
Oui, il faut 30 millions. Tu vas les trouver où ? Et cela donne des situations où les candidats sont obligés de faire appel à l'Etat, c'est-à-dire à la présidence."On va voir si on peut te donner ceci à une condition : il faut qu'à 20h00, tu reconnaisses que les urnes ont parlé, que c'est lui le vainqueur". Voilà !
Henriette Ekwe, pour terminer cet entretien, vous avez quand même votre regard sur cette question de mandat impératif. D'aucuns proposent le scénario à la sénégalaise, prétendant que Nintcheu (Jean-Michel) est mieux placé et que Jean Michel Nintcheu devrait être Diomaye Faye du Cameroun et Kamto le Ousmane Sonko camerounais.
Est-ce que Kamto veut cela ? Je ne pense pas. Nintcheu peut parfaitement prendre la place avec un ticket où Maurice Kamto est derrière. Est-ce que Kamto va l'accepter ? Nintcheu va lui apporter beaucoup. Mais Kamto ne peut pas accepter de s'effacer et la BAS ( Brigade Anti-Sardinards ) ne peut pas accepter de travailler pour Nintcheu. Jamais !