La diversité... un mot chargé d'histoire(s)
27 mai 2025Le 27 mai est l'une des dates retenues dans le monde pour célébrer la "diversité".
Ce choix sous-entend que l'on est favorable à la défense de la diversité, qui est parfois devenue un argument quasi-marketing, expression d'une volonté de lutte pour l'égalité des chances et contre les discriminations.
Un mot traverse un océan
Aussi étrange que cela puisse paraître, le mot "diversité" est assez récent, dans la langue française. Il provient des Etats-Unis, où la notion de "diversity" s'est développée historiquement au moment où les politiques antidiscriminatoires se sont institutionnalisées, dans les années 1960.
Et notamment avec la mise en place de la politique d' "affirmative action" (mesures de "discrimination positive") après la promulgation du Civil Rights Act, en 1964.
En Europe aussi, la notion de diversité s'est répandue dans l'espace public avec la mise en place de normes juridiques. C'était dans les années 2000.
Mais le terme ne recouvre pas tout à fait la même réalité en français que dans le monde anglo-saxon.
"Diversity" vs. Donald Trump
Aux États-Unis, la diversité concerne les "minorités visibles", les différences ethniques et raciales en premier lieu. Donald Trump a fait de la "diversité" sa bête noire et il combat toute forme de tolérance à la différence dans les différents secteurs de la vie publique américaine, de l'armée aux universités.
Depuis son retour à la Maison blanche, Donald Trump a par exemple stoppé les enquêtes sur les usages excessifs de la force par la police envers les Afro-Américains, décidées à la suite du meurtre de George Floyd il y a cinq ans, et il est revenu aussi sur les initiatives d'embauche en faveur des minorités.
Il y a quelques jours, le président américain s'est félicité d'avoir "libéré" les forces armées de l'influence des théories sur le genre ou les inégalités raciales. Donald Trump a qualifié ces théories de "diversions" par rapport à la "mission essentielle [de l'armée] d'anéantir les ennemis de l'Amérique".
Multiplicité et différences
En français, le terme désigne plus largement la multiplicité des êtres humains, la variété de leur mode de vie, de leurs cultures, de leurs préférences individuelles.
C'est un mot qui prône l'inclusion de toutes et tous, sans distinction et surtout sans hiérarchie. En théorie, parler de diversité, la nommer, la reconnaître, c'est donc un premier pas pour accepter nos différences, qu'elles soient visibles ou non.
Parmi les plus évidentes, il y a les marqueurs de l'identité des personnes, comme la différence de sexe, de genre, d'origine, d'âge, de croyance, d'opinion, d'orientation sexuelle, ou le handicap. Mais pas seulement ; l'identité d'un individu se constitue aussi en interaction avec son environnement.
Technique managériale
Dans le monde de l'entreprise, la diversité est de plus en plus présentée comme une richesse qui augmente la performance des employés et de la structure lorsqu'elle est bien gérée.
C'est-à-dire que le management tente de considérer le profil de chaque individu de l'équipe, doté de sa propre façon d'agir et de penser, comme un élément qui peut faire avancer l'ensemble du groupe grâce à la complémentarité. Une théorie en vogue prône le principe DEI (diversité, équité, inclusion) pour valoriser les différentes aptitudes qui, mises ensemble, constituent une force.
Les critiques vis-à-vis du concept de diversité
Toutefois, il existe des réserves vis-à-vis de la notion de diversité. Paradoxalement, en mettant en lumière les différences entre les humains, la "diversité" chercherait moins les points communs entre les individus, ce qui les rassemble, et elle entérinerait les rapports de domination en place en les pensant comme quasi inéluctables.
A méditer par exemple, la critique formulée par Marie Duru-Bellat, chercheuse à l'Observatoire sociologique du changement de Sciences Po Paris, en 2011 : "de fait, il n'y a que les dominés qui utilisent cette notion d'égalité dans la différence : les dominants n'ont pas besoin d'affirmer leur différence ; les femmes incarnent la différence alors que les hommes incarnent l'humain en général".
(extrait de : Marie Duru-Bellat. La diversité : esquisse de critique sociologique. 2011. ffhal-00972952f)