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Afrique du Sud, un dialogue national sur fond de tensions

Martina Schwikowski | Nafissa Amadou
15 août 2025

Cyril Ramaphosa appelle les Sud-africains à discuter pour une perspective pour les trente prochaines années. Mais des fondations politiques renoncent à y participer.

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Cyril Ramaphosa à la tribune du G20
En réponse aux appels de la société civile, des partis politiques et des organisations syndicales à trouver des solutions aux défis économiques et sociaux, le président sud-africain, Cyril Ramaphosa annonce l’ouverture d’un dialogue national.Image : Kyodo/dpa/picture alliance

Sept fondations respectées d'anciens dirigeants de l'ANC et combattants de la libération, se sont retirées de l’organisation de ce dialogue national. Il s’agit entre autres des fondations des militants de la cause anti-apartheid Steve Biko et Desmond Tutu mais aussi celle de l’ancien président Thabo Mbeki. La fondation de Nelson Mandela et le Groupe de dialogue stratégique ne participent pas non plus à ce dialogue. 
Dans une déclaration commune, elles dénoncent une organisation précipitée de ce dialogue censé faire un état des lieux des défis du pays. Elles demandent son report à octobre.  

Vue d'en haut d'un quartier pauvre
Malgré sa base industrielle, l'économie sud-africaine reste plombée par un taux de chômage d'environ 32%, l'un des plus élevés au monde, et une croissance atone (+0,6% en 2024, +1% prévu en 2025 selon le FMI).Image : McPHOTO/blickwinkel/picture alliance

Critique : les citoyens pas suffisamment impliqués

Pour ces fondations, le dialogue est sans objectif clair et la société civile n’a pas été assez impliquée dans les préparatifs. 
Pourtant, Anzio Jacobs, coordinateur du comité d’organisation et directeur du Fonds Nelson Mandela pour les enfants, assure qu’il a préparé ce dialogue national en collaboration avec un grand nombre d'organisations de la société civile.

"Les Sud-Africains ordinaires participent déjà au processus du dialogue national. Lorsque nous avons fait le compte en début de semaine, les neuf provinces d'Afrique du Sud étaient représentées et nous avons atteint 85 000 Sud-Africains ordinaires qui attendent le processus de dialogue national et sont prêts à y participer. "

Depuis avril, les organisateurs se sont réunis pour des premières discussions, puis pour des préparatifs hebdomadaires. Il en est ressorti une feuille de route, un plan détaillé qui contient les objectifs des prochaines tables rondes à l'échelle nationale. "Personne ne doit être laissé pour compte", déclare Anzio Jacobs. 

Dialogue sans le partenaire de coalition

Un dialogue global entre citoyens, femmes et jeunes, groupes religieux et civils, partis politiques et personnalités respectables, mais sans le principal partenaire du gouvernement de coalition, l’Alliance démocratique (DA), le deuxième parti politique d’Afrique du Sud. Pour de nombreux observateurs, cela n’est pas de bon augure. 
L'Alliance démocratique est plutôt populaire auprès des Sud-Africains blancs et favorable à l'économie. Son président, John Steenhuisen, a qualifié le dialogue national de "talk-shop coûteux sans action, sans réforme et sans plan " au vu des coûts provisoirement estimés à 700 millions de rands (environ 35 millions d'euros).

Selon Jakkie Cilliers, ancien directeur de l'Institut d'études sur la sécurité à Pretoria et désormais président du conseil d'administration du Kuratorium, le dialogue national en Afrique du Sud est confronté à des problèmes considérables et a connu un " démarrage chaotique".

"À l'heure actuelle, l'objectif du dialogue et son déroulement ne sont pas clairement définis. Nous allons donc discuter de nos problèmes, mais comment relier le dialogue national à un plan de développement à long terme pour l'Afrique du Sud ? " 

Manque de détermination du gouvernement

Et le fait que le dialogue national se déroule sous l'égide du Conseil national pour le développement économique et l'emploi (Nedlac), un organe d'échange entre la société civile, les travailleurs et les entreprises, n'inspire pas confiance, ajoute Jakkie Cilliers.

"Le problème est que les Sud-Africains ne croient pas que la poursuite des discussions permettra de résoudre quoi que ce soit. Le véritable problème est en fait le manque de mesures et de détermination de la part du gouvernement. "

Des policiers faisant une patrouille
Selon la police, plus de 27.600 meurtres ont été commis en Afrique du Sud au cours de l'exercice 2023-2024.Image : DW

L'analyste souligne que l'Afrique du Sud a mis en place plusieurs commissions d'enquête, dont la plus notable est la commission Zondo chargée d'enquêter sur l'appropriation de l'État, qui a présenté de 2018 à 2022 des analyses et des conclusions détaillées sur les problèmes de la gouvernance de l’époque, dirigée par Cyril Ramaphosa après le départ du chef d'État Jacob Zuma en 2018.
Mais le gouvernement s'est révélé insuffisant et n'a pas été en première ligne lorsqu'il s'agissait de prendre des mesures. 

L'Afrique du Sud a besoin d'une réforme urgente : au cours des trois dernières décennies, les inégalités sociales se sont aggravées après l'apartheid, le pays est marqué par un taux de criminalité et un taux de chômage élevés, la corruption et des infrastructures délabrées, en particulier dans le domaine de l'approvisionnement énergétique, entravent le développement économique.

Pour les analystes, le succès de ce dialogue national dépendra de la capacité du gouvernement à mettre en œuvre les recommandations et les décisions prises à l’issue de ces assises. Notamment les propositions formulées par les populations. Des recommandations qui seront présentées lors d’une deuxième convention prévue l’année prochaine. 

Nafissa Amadou Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welledw_afrique