Maxime Prévot déplore un manque de volonté de la part du M23
L'entretien ci-dessus avec Maxime Prévot, ministre belge des Affaires étrangères, éclaire les tensions croissantes entre le Rwanda et la Belgique au sujet de la RDC.
DW : Maxime Prévot, bonjour.
Prévot : Bonjour !
DW : Le Rwanda a décidé de rompre ses relations diplomatiques avec la Belgique, accusant cette dernière de prendre parti dans la crise qui prévaut actuellement dans l'est de la République démocratique du Congo. Une réaction que vous avez jugée disproportionnée. Pouvez-vous revenir là-dessus ?
Maxime Prévot : Bien entendu. Rompre de manière aussi abrupte une relation diplomatique est quelque chose d'assez rare, et cela revêt une symbolique très forte. Il n'est pas surprenant que cette décision soit intervenue le jour même où l'Union européenne a décidé, à l’unanimité, d’adopter une série de sanctions contre le Rwanda. Ce n'est donc pas une mesure uniquement préconisée par la Belgique.
Depuis le début, nous avons dénoncé la violation du territoire congolais.
Nous sommes conscients que la RDC doit encore fournir des efforts en matière de gouvernance interne, mais cela ne saurait justifier l’invasion de son voisin ni le soutien, de manière insidieuse, à des forces rebelles comme le M23. C’est dans cette volonté de faire respecter le droit international – notre seule et unique boussole – que nous avons dénoncé l’attitude du Rwanda. Cette approche est la même à l'est du Congo qu'à l'est de l'Europe avec l'Ukraine. Manifestement, cela n'a pas plu à Kigali.
DW : Vous évoquez justement les sanctions prises contre des officiers du M23 et de l'armée rwandaise. Ces mesures de l'UE, dont la Belgique fait partie, ne sont-elles pas une manière de venir en aide au président Félix Tshisekedi, qui est mis en difficulté par la situation dans l'est de son pays ?
Maxime Prévot : Il s'agit avant tout d’un engagement en faveur du respect du droit international, ce que M. Kagame semble avoir du mal à comprendre. Il assimile la fermeté des pays européens, dont la Belgique, à une posture hostile au Rwanda, alors que notre position est fondée sur des principes et non sur des préférences nationales.
C'est cette même logique qui guide nos positions sur l'Ukraine, le Moyen-Orient et la région des Grands Lacs.
DW : Le M23 a réagi aux sanctions en les qualifiant de contradictoires : « On ne peut pas nous inviter à la table des négociations et, en même temps, nous sanctionner. » Que leur répondez-vous ?
Maxime Prévot : C’est un prétexte. Les sanctions décidées par l’Union européenne visent un nombre restreint de personnes. Si leurs déplacements sont interdits sur le territoire européen, ce n'est pas le cas ailleurs. Rien n’empêchait donc les représentants du M23, s'ils en avaient réellement la volonté, de se rendre à Luanda pour participer aux négociations.
Je rappelle que ce n'est pas une initiative isolée de l’UE. Les Nations unies ont déjà dénoncé la situation, et des sanctions ont été prises par les États-Unis et le Royaume-Uni. Quand autant d’acteurs de la scène internationale dénoncent vos agissements, il faut s’interroger sur votre propre comportement plutôt que de prétendre à un acharnement collectif.
L’enjeu est que toutes les parties prenantes s’engagent pleinement dans le dialogue national et régional. Nous savons qu'il n'existe pas de solution militaire à ce conflit, seule la diplomatie peut y mettre fin.
DW : Sur le plan diplomatique, tout semble bloqué. La rencontre prévue le 15 décembre à Luanda a été annulée, d'abord par la RDC, puis par le M23. Pendant ce temps, sur le terrain, la situation reste inchangée et le M23 continue d’avancer. Kinshasa refuse de négocier avec ceux qu’elle qualifie de « terroristes ». N’avez-vous pas l’impression que la diplomatie a atteint ses limites ?
Maxime Prévot : Non, car la pression internationale s’intensifie. À terme, toutes les parties comprendront que refuser le dialogue n’est plus une posture tenable, ni pour le M23 et le Rwanda, ni pour le président Tshisekedi et son gouvernement.
DW : Une dernière question, Monsieur le Ministre : quel est aujourd’hui le sort du protocole d’accord (MOU) signé entre l’Union européenne et le Rwanda ?
Maxime Prévot : Honnêtement, il n’y a pas d’unanimité au sein de l’UE sur cette question. La Commission européenne reste réticente à suspendre l’accord sur les matières premières critiques. Pourtant, nous, ainsi que d’autres pays, estimons qu’il serait logique de le suspendre.
Nous avons des doutes sur la volonté réelle du Rwanda de respecter les engagements qu’implique cet accord, notamment en matière de traçabilité des minerais. Or, une meilleure traçabilité pourrait révéler des origines problématiques pour certaines ressources, ce qui ne serait pas dans l’intérêt de Kigali.
Par ailleurs, la personne qui était l’interlocuteur principal du Rwanda sur cette question figure parmi celles visées par les sanctions européennes. De facto, cela complique la mise en œuvre de l'accord. C’est un point qui devra être clarifié dans les semaines à venir.
DW : Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Maxime Prévot : Je vous en prie.