Ce n’est nullement une surprise : après les législatives anticipées du 23 février remportées par les conservateurs de la CDU/CSU, il n'y a pas encore de gouvernement en Allemagne. Et cela pourrait prendre du temps car il faut s’entendre avec au moins un parti pour former une coalition gouvernementale.
Les discussions préliminaires pour former une coalition gouvernementale en Allemagne n’ont donc pas pas tardé : cinq jours après les législatives du 23 février, les représentants de l’opposition conservatrice, arrivée en tête, et ceux des sociaux-démocrates arrivés troisième se sont rencontrés pour essayer de s’entendre en vue diriger le pays pour les quatre prochaines années. La rencontre était prévue pour la semaine prochaine en réalité. Mais vu le contexte international, il faut aller vite.
En arrivant à cette première rencontre, Manuela Schwesig, dirigeante socio-démocrate de l’Etat-région de Mecklembourg-Poméranie-Occidentale a expliqué que "nous devons tirer les leçons de l'échec du gouvernement sortant. Les conflits permanents nuisent non seulement aux personnes concernées, mais aussi à la démocratie".
"Ce qu'il faut, c'est une base stable pour la confiance et la fiabilité, la volonté de vraiment vouloir bien travailler ensemble. L'accent ne doit pas être mis sur les gains individuels des partis, mais sur la résolution des grands problèmes, à savoir le développement économique du pays, la sécurité sociale et la sécurité économique des citoyens."
Interrogée sur la formation dans les plus brefs délais d’un gouvernement de coalition, Manuela Schwesig a répondu : "nous verrons". Consciente que cela peut durer.
Système électoral proportionnel
Mais d’où vient l’idée qu’un parti doit s’associer à un autre pour diriger un gouvernement ? D’abord, il faut comprendre que cela est en place depuis la création de la République fédérale allemande en 1949. En Autriche voisine et dans les pays scandinaves, les partis doivent aussi s’associer pour gouverner.
Hans Stark, professeur à la Sorbonne université à Paris en France, précise que "l'Allemagne n’a pas fait le choix, c’est une obligation. L'Allemagne a adopté comme système électoral le système proportionnel".
M. Stark ajoute que "dans tous les Etats qui ont adopté, pour les élections, le système proportionnel, des coalitions sont nécessaires parce que dans ce système, quasiment jamais un parti n’a eu la majorité absolue. Majorité absolue, vous l’avez uniquement dans des pays comme la France ou la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis. Dans ces pays, le système électoral est donc un système électoral majoritaire".
La seule exception, c’était entre 1957 et 1961. A cette époque, les conservateurs de la CDU/CSU étaient majoritaires, soit plus de 50% des députés, et n’avaient besoin par conséquent d’aucun parti pour gouverner.
Des discussions et négociations qui durent
Les coalitions gouvernementales mettent généralement du temps à se former. D'abord, après les élections, les partis politiques représentés au Bundestag font se rencontrer leurs équipes spécialisées dans les questions d’économie, d’immigration, d’environnement, etc. Objectif : trouver un terrain d’entente. On appelle cela en allemand Sondierungsgespräche, qu’on peut traduire par discussions exploratoires.
Si ces pourparlers sont prometteurs, les négociations de coalition proprement dites commencent. A l'issue de ce processus, les partis élaborent un "contrat de coalition", une sorte de déclaration d'intention qui définit l'orientation politique du gouvernement dans de nombreux domaines.
Le dernier contrat de coalition, rédigé en 2021 pour le gouvernement du chancelier Olaf Scholz, comptait plus de 170 pages. Le chef du gouvernement a pris fonction le 8 décembre 2021, soit deux mois et 12 jours après les législatives. Mais le record date de 2017 sous la chancelière Angela Merkel. Ce n’est que plus de quatre mois après les législatives du 24 septembre 2017 que le SPD et la CDU/CSU ont conclu un accord de coalition.
"Déjà dans une coalition, ce sont souvent des, pas toujours, très souvent des coalitions entre partis qui avaient des programmes électoraux très différents et qui se sont même affrontés pendant la campagne électorale", fait remarquer le professeur Hans Stark de la Sorbonne université. "Maintenant, lorsqu’ils doivent gouverner ensemble, ils ne peuvent pas réaliser ce qui était écrit dans leur programme électoral puisqu’ils ne sont pas seuls. Donc, ils doivent faire des compromis. Il doit y avoir une base commune avant la formation du gouvernement pour permettre aux partis qui s’engagent dans une coalition de surmonter leurs différences et de parvenir à des compromis sur des grandes questions, budgétaires, fiscales, politique étrangère, politique intérieure, politique migratoire, afin de pouvoir gouverner."
Divergences au sein des coalitions
Après la coalition gouvernementale mise en place et après que le chancelier entre en fonction, la coalition peut faire face à des divergences.
Hans Stak note "lorsque qu’Olaf Scholz a fait son contrat de coalition avec les Verts et les Libéraux, c’était en 2021, c’était avant l’attaque russe contre l’Ukraine en février 2022. Or, avec l’invasion russe de l’Ukraine, la situation budgétaire de l’Allemagne avait totalement changé parce qu’il fallait massivement investir dans la Défense. Ce que le contrat de coalition n'avait pas prévu trois mois avant".
"Et donc, il peut y avoir des évènements externes qui font qu’un contrat de coalition qui a été conclu au début d’une mandature n’est plus d’actualité. Par conséquent, des divergences qui peuvent exister refont surface."
Et ces divergences ont conduit le 6 novembre 2024 au limogeage par le chancelier Scholz de son ministre des Finances, le Libéral Christian Lindner. Conduisant ainsi à l’effondrement de la coalition, deux ans 11 mois après sa mise en place.
Autre question autour des discussions pour la formation des coalitions gouvernementales, ce sont les portefeuilles ministériels. Les représentants des partis voulant travailler ensemble doivent décider quel parti occupera quel poste ministériel - et quels domaines seront couverts par ces ministères.
Traditionnellement, le candidat du parti ayant obtenu le plus de voix devient chancelier et le principal candidat du partenaire de coalition junior est souvent désigné pour devenir ministre des Affaires étrangères. Le chancelier présente les noms des ministres et leurs portefeuilles au président fédéral, qui nomme les membres du gouvernement.
Grande coalition CDU/CSU avec le SPD
On se dirige actuellement vers une coalition gouvernementale formée de la CDU/CSU et du SPD. Conservateurs et socio-démocrates doivent, on l’a compris, mettre de côté leurs divergences et former ce qu’on appelle une grande coalition. Selon le professeur Hans Stark, les Allemands tiennent à leur système électoral basé sur la proportionnelle.
"C'est plutôt en France qu’on est en train de réfléchir à abandonner le vote majoritaire pour adopter le vote proportionnel. Donc, la dynamique va plutôt vers la proportionnalité même si c’est un peu difficile, car aujourd’hui former des coalitions, toutes les démocraties le font."
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Les femmes au chevet leurs proches malades au Chili
Au Chili 6 % de la population, soit plus d’un million de gens, sont des aidants. C’est-à-dire des personnes qui s’occupent de leur proche malade, handicapé ou en perte d’autonomie.
Et plus de huit fois sur dix, ce sont des femmes qui tiennent ce rôle. Elles sont très souvent précaires, seules et souffrent physiquement et moralement de ce travail non rémunéré et invisibilisé par la société.
Le gouvernement du président Gabriel Boric essaye de renforcer les programmes publics mis en place pour leur venir en aide et alléger leur quotidien.
A Santiago, c’est le reportage de notre correspondante Naïla Derroisné
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