Une facture trop salée pour Bangui
30 juillet 2025En République centrafricaine, la Russie impose ses conditions pour le remplacement des paramilitaires de l'ancien groupe Wagner, par ceux du nouvellement créé Africa Corps, et Bangui ne semble pas apprécier le montant de la facture.
Tout est parti de la fuite d'un protocole additionnel envoyée par Moscou aux autorités centrafricaines, relayées par plusieurs médias, dont Africa intelligence.
Dans ce protocole, la Russie annonce au président Faustin-Archange Touadéra son intention de faire passer les mercenaires de Wagner, présents dans le pays depuis 2018, sous le commandement de l'Africa Corps, plus étroitement contrôlé par l'Etat russe.
Pas assez de ressources
Des sources militaires contactées par la DW indiquent que, depuis la mort d'Evgueni Prigojine, l'ancien chef du groupe Wagner, le ministre délégué à la Défense russe a plusieurs fois fait le déplacement à Bangui.
A chaque fois, il s'est agi d'évoquer, avec le président Faustin-Archange Touadéra et le ministre de la Défense, Claude Rameau Bireau, le transfert des mercenaires sous l'autorité de l'Africa Corps.
Le ministre centrafricain de la Défense, n'a pas souhaité accorder une interview à la DW. Il s'est contenté d'affirmer que ces informations "ne nous concernent pas". Le ministre n'a donc pas confirmé cette discussion en cours avec la Russie.
Même chose du côté de l'ambassade de Russie et du ministère centrafricain des Affaires étrangères, qui se sont refusé à tout commentaire, sans toutefois démentir.
Maxime Balalu, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, s'est pour sa part contenté de déclarer que la République centrafricaine ne serait pas en mesure de débourser une telle somme, pour payer le service des mercenaires russes.
"Combien a-t-on de ressources pour décaisser 15 millions de dollars ?" s'est-il interrogé.
"Convertissez cela en francs CFA. Nous avons un programme avec le FMI. Quand je vois mon pays, je connais ses ressources.Si nous sortons ces fonds, le programme avec le FMI sera stoppé" assure le ministre.
La transparence, rien que la transparence
Dans les rues de Bangui, les Centrafricains réclament la transparence des autorités du pays. C'est ce qu'exprime Steve Francis Bendo Ndeny.
Pour lui "dans un Etat de droit, le gouvernement a cette obligation de transparence quand il s'agit de signer des accords qui engagent la vie de la République".
Par ailleurs selon Steve Francis Bendo Ndeny "si, aujourd'hui le gouvernement russe demande à ce que le groupe Wagner soit changé en Africa Corps, le gouvernement doit dire les raisons pour lesquelles il y a une facture".
Adrien Poussou est l'ancien ministre centrafricain de la Communication et l'auteur de plusieurs ouvrages sur la présence russe en Afrique. Selon lui, le président centrafricain temporise, non seulement en raison du montant de la facture, mais aussi parce qu'il est devenu dépendant de Wagner pour sa sécurité.
"La question n'est pas de savoir si Touadéra va signer ou pas. Parce que si Touadéra ne signe pas, c'est Poutine qui va le lâcher. Mais s'il signe, ce sont ses amis Wagner qui vont le liquider parce qu'aujourd'hui, Touadéra est l'otage de ces mercenaires russes de Wagner" explique Adrien Poussou.
La République centrafricaine est la plus ancienne et la plus solide implantation de l'ancien groupe Wagner en Afrique. Au Mali et au Burkina Faso, Moscou a réintégré les mercenaires dans l'Africa Corps. Mais Bangui apparaît encore comme un bastion du défunt groupe Wagner.