En Centrafrique, la Fondation Denis Mukwege appelle à agir
11 avril 2025En République centrafricaine, de nombreuses femmes portent encore en silence les stigmates des violences sexuelles qu’elles ont subies. C’est le cas de Miriam Diangala Fall, victime d’un viol collectif en 2013, qui témoigne aujourd’hui publiquement des séquelles physiques et psychologiques qui la hantent encore.
"Ils étaient quatre ou cinq à me violer… Ils ont introduit des objets dans ma partie intime. Cela m’a causé de lourds traumatismes. J’ai gardé ça pour moi pendant sept ans", confie Miriam. Ce n’est qu’en 2020, après une aggravation de son état de santé, qu’elle s’est résolue à se rendre à l’hôpital. "Les douleurs sont devenues insupportables, ça s’est infecté. Mais au début, je n’ai pas osé dire la vérité. J’ai juste dit que j’avais mal au ventre."
Aujourd’hui, grâce à un accompagnement médico-légal, elle tente de reconstruire sa vie, mais le chemin vers la justice reste semé d’embûches.
"J’ai souvent baissé la tête devant mes bourreaux. Aujourd’hui, je veux aller jusqu’au bout, pour que ce soit eux qui baissent la tête devant la justice. J’ai déposé plusieurs plaintes, sans suite. C’est lent, trop lent."
L’appui de la Fondation Denis Mukwege
Face à l’ampleur du phénomène, un consortium d’ONG, avec l’appui de la Fondation Denis Mukwege, tente de répondre à cette crise à travers le projet Nengo, qui signifie "dignité" en sango, la langue nationale. Ce projet offre une prise en charge holistique aux victimes, incluant le soutien psychologique, médical et juridique.
"Dans la réponse aux violences sexuelles basées sur le genre, l’approche est centrée sur la survivante", explique Amina Mouhamadou, coordinatrice médicale du projet Nengo.
"Si elle souhaite poursuivre son agresseur en justice, nous l’accompagnons à travers une clinique juridique, qui assure un suivi tout au long du processus judiciaire, jusqu’à une éventuelle condamnation et, si possible, une réparation civile", a précisé Amina Mouhamadou.
Mais sur le terrain, les défis restent immenses. Le pays ne compte qu’un seul médecin légiste, rendant l’accès à la justice extrêmement complexe.
Plusieurs structures d’aide aux victimes risquent de fermer leurs portes, faute de financements. Seules quelques organisations devraient continuer, avec des ressources limitées et des projets de moindre envergure.
Dans un contexte marqué par des crises récurrentes et un système judiciaire fragile, écouter, protéger et accompagner les survivantes de violences sexuelles demeure une urgence humanitaire et judiciaire. Et pour Miriam Diangala Fall, comme pour tant d’autres, la quête de dignité passe aussi par la reconnaissance et la justice.