La fin d’un tabou dans la politique allemande
30 janvier 2025La motion non contraignante a été votée avec trois voix d’avance, grâce au soutien du parti libéral FDP, des chrétiens-démocrates de la CDU/CSU et du parti d’extrême-droite AfD : 348 votes pour et 345 contre.
Mais elle pourrait avoir des conséquences à moins d’un mois des élections législatives anticipées en Allemagne. Surtout, c’est une première dans ce pays depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : jamais un parti ne s’était allié à l’extrême droite pour faire passer un texte.
Ce mercredi (29.01.2025), les conservateurs allemands ont donc franchi un cap. Pourtant, c’est ce parti d’opposition qui a instauré le fameux Brandmauer, un cordon sanitaire qui excluait toute collaboration avec l’AfD.
Calcul électoral
Pour les partis de la coalition gouvernementale sortante, les Verts et les sociaux-démocrates, le vote d’hier est clairement une collaboration des conservateurs avec le parti d’extrême droite.
Isabelle Guinaudeau, membre du centre Marc Bloch à Berlin, estime que le vote d’hier relève d’un calcul électoral consistant à chasser sur les terres de l’AfD.
"Et le problème, c’est que c’est un calcul très risqué, parce que ce que montrent toutes les études, c’est que quand on se laisse entraîner sur le terrain de l’adversaire, en général, ça profite à l’adversaire. C'est ce qu’on a vu en France notamment. Et aussi, beaucoup estiment qu’il [Friedrich Merz] a brisé un tabou", rappelle la chercheuse sur la DW.
Aucune collaboration avec l’AfD
L’adoption de cette motion sur la politique migratoire passe mal, jusqu’au sein du parti conservateur, initiateur du texte. Notamment auprès d’Angela Merkel, l’ancienne chancelière allemande et ancienne présidente du parti.
Elle a critiqué, dans un communiqué, ce revirement de l’actuel président du parti et futur probable chancelier, Friedrich Merz, et a parlé d’erreur. Celui-ci a insisté sur le fait qu’il n’est pas question, en dépit de ce vote, de collaborer avec l’AfD.
Le vice-président du groupe parlementaire CDU-CSU, Jens Spahn, qui a soutenu le vote de la motion avec les voix de l’extrême droite, a affirmé, lui aussi, qu’il n’était pourtant pas question de collaborer avec l’AfD, qu’il qualifie de parti pro-Poutine.
Mais l’émoi et les critiques sont plus bruyants. Hier, mercredi, des centaines de personnes ont manifesté contre le vote de cette motion anti-immigration.
Le vote survient après les attentats de Solingen, de Magdebourg et l’attaque au couteau d’Aschaffenburg, dont les auteurs sont des étrangers en situation irrégulière. Il reste à savoir quel impact la motion aura sur le vote des électeurs, le 23 février prochain.
Isabelle Guinaudeau, membre du centre Marc Bloch, entrevoit "un calcul risqué pour Friedrich Merz, parce qu’il se retrouve quand même à prôner des mesures qui sont anticonstitutionnelles, qui enfreignent le droit communautaire. Donc, il envoie un signal très négatif vis-à-vis des partenaires européens".
Pour l’heure, selon les sondages, le parti conservateur de Friedrich Merz perd un point, mais reste en tête des intentions de vote avec 29%, suivi de l’AfD avec 21%.