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EconomieAfrique

Caucus Africain : retombées pour l’économie centrafricaine

Rodrigue Guézodjè
8 août 2025

La RCA n’a pas accueilli en vain la réunion annuelle du Caucus africain 2025. Cet événement a permis d’ouvrir la voie à des engagements stratégiques pour le développement national. // Au Burundi, trouver quelques litres d’essence relève désormais du parcours du combattant. Files interminables, marché noir en essor, activités économiques paralysées : la crise étrangle le quotidien des Burundais.

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Parmi les retombées les plus marquantes, la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC) s’est engagée à financer à hauteur de 2 milliards de FCFA un projet agro-industriel d’envergure porté par la société SIAD-CA SAS.

Implantée à Pissa, dans la préfecture de la Lobaye (à environ 100 km de Bangui), cette initiative couvre près de 1 000 hectares et vise à produire chaque année 5 400 tonnes de manioc, 4 700 tonnes de maïs, 1 700 tonnes de soja ou de haricot, ainsi que 1 700 tonnes de moringa.

Mais le projet ne s’arrête pas à la production. Il intègre également l’installation de quatre unités de transformation industrielle, conçues pour valoriser localement les récoltes, créer de nouveaux débouchés commerciaux et générer des emplois durables. Une initiative qui s’inscrit dans une logique d’économie circulaire et de souveraineté alimentaire.

Logements sociaux : une réponse aux besoins des fonctionnaires

Autre avancée majeure : le lancement d’un programme pilote de logements sociaux, destiné prioritairement aux fonctionnaires des secteurs de la santé, de l’éducation et de la sécurité. Ces infrastructures seront implantées en priorité dans l’arrière-pays, souvent défavorisé en matière d’équipements publics.

Marc Mandaba, Président du Conseil d’administration du FAGACE « Le but de ce projet, c’est de donner au personnel de la santé, de l’éducation et des forces de l’ordre des logements sociaux décents, notamment dans les provinces. »

Au-delà d’une réponse humanitaire, cette initiative vise à stabiliser les cadres de l’État en région, à renforcer le capital humain et à améliorer les conditions de vie des agents publics, socle indispensable à toute stratégie de développement.

PME locales : des marchés qui leur sont désormais ouverts

Le Caucus a aussi été l’occasion d’affirmer une volonté politique forte : donner la priorité aux entreprises centrafricaines dans l’exécution des projets nationaux.

Marc Mandaba : « L’ère où les contrats financés par les partenaires ne profitaient qu’aux entreprises étrangères est révolue. Nous voulons garantir une part locale dans tous les contrats. »

Grâce à la mise en œuvre progressive des projets pilotes, plusieurs entreprises nationales seront sélectionnées, formées et renforcées pour être à terme capables de gérer des marchés à grande échelle, tant en construction qu’en production.

Accès au financement : vers des taux plus abordables pour les PME

L’implication du Fonds africain de garantie et de coopération économique (FAGACE) marque également un tournant. Jusque-là peu actif en RCA, l’organisme entend offrir des garanties aux banques locales afin de faciliter l’accès au crédit pour les PME et surtout faire baisser les taux d’intérêt prohibitifs.

Marc Mandaba : « Le coût du financement est un vrai problème dans notre région. Les PME sont parfois confrontées à des taux de 15 à 20%. Grâce au FAGACE, nous voulons couvrir 50 % du risque pour permettre aux banques de prêter à des conditions plus favorables. »

Le FAGACE s’apprête ainsi à soutenir un futur fonds national de garantie, capitalisé avec l’appui de la Banque mondiale. Un mécanisme innovant pour booster l’investissement privé et accélérer l’industrialisation locale.

Loin d’un simple événement diplomatique, le Caucus africain 2025 a permis de poser des jalons concrets pour le développement socio-économique de la Centrafrique. À travers l’agro-industrie, le logement, la promotion des PME et l’accès au financement, les autorités centrafricaines amorcent un tournant.

Les défis restent nombreux, mais les décisions prises à Bangui ouvrent la voie à des transformations structurelles majeures pour le pays.

[Cliquez sur l’image pour écouter les explications de Marc Mandaba, PCA du FAGACE]

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Depuis 2022, le Burundi vit au rythme des files d’attente aux stations-service, de la contrebande de carburant et d’un transport public au bord de l’asphyxie. Malgré les efforts du gouvernement, la crise persiste et les impacts économiques comme sociaux deviennent chaque jour plus critiques.

Une pénurie devenue chronique

À Bujumbura, la scène est désormais quotidienne : des voyageurs bloqués dans les gares routières, des files interminables à la pompe, et des prix qui flambent. Le carburant se fait rare, et lorsqu’il est disponible, il est vendu à prix d’or.

Des voyageurs en témoignent : « Depuis ce matin, je fais des allers-retours à la gare. Aucun bus. » « Les prix sont exorbitants, parfois quatre fois plus chers que le tarif officiel. Mais les chauffeurs risquent des amendes s’ils les augmentent. »

La situation est d’autant plus critique que le transport en commun au Burundi repose sur un système mixte entre opérateurs publics et privés. Le moindre déséquilibre dans l’approvisionnement en carburant perturbe immédiatement l’ensemble du réseau, en ville comme en province.

Des prix mondiaux qui pénalisent le pays

Le gouvernement explique cette crise par des facteurs extérieurs. Le Burundi n’ayant pas de production pétrolière locale, il est entièrement dépendant du marché international.

Ibrahim Uwizeye, ministre burundais de l’Énergie : « Le carburant n’étant pas produit localement, nous subissons de plein fouet les hausses mondiales. Nous suivons les variations au jour le jour, mais cela ne suffit pas. »

Depuis 2020, le prix à la pompe a doublé, sans amélioration notable dans la disponibilité. Une situation insoutenable pour les transporteurs privés, au cœur du système.

Charles Ntirampeba, Association des transporteurs du Burundi : « La Société pétrolière nationale ne fournit plus un seul litre. Nous achetons au marché noir à 15 000 francs le litre. Impossible de respecter les prix officiels dans ces conditions. »

Le marché noir : seule alternative… et facteur d’exclusion

Faute de solution officielle, le marché noir prospère, alimenté notamment par des importations illégales depuis la Tanzanie ou la RDC. Mais les prix y sont souvent multipliés par six selon les explications de certains consommateurs : « On m’a demandé 60 000 francs pour un trajet qui coûte normalement 5 500... Même à 40 000 francs, je ne trouve pas de transport pour rentrer chez moi. »

Pour de nombreux Burundais, ces tarifs sont tout simplement inaccessibles. L’économie informelle prend le relais, mais au prix d’une exclusion massive des plus vulnérables.

Une paralysie à haut coût pour l’économie

La grève des transporteurs survenue récemment a mis en lumière les conséquences systémiques de la crise : ralentissement des activités économiques, baisse des recettes fiscales, défauts de paiement sur les crédits bancaires…

 Faustin Ndikumana, économiste : « Le carburant, c’est le moteur de l’économie. Sans transport, tout est à l’arrêt. Le gouvernement doit urgemment mobiliser les bus de l’État ou permettre au privé de continuer à assurer un minimum de service. »

Mais ce minimum est déjà en place… de manière non officielle. Pour beaucoup, le vrai problème réside dans la gestion des devises et le manque de transparence dans la chaîne d’approvisionnement.

Alors que la crise entre dans sa troisième année, les solutions structurelles se font toujours attendre. Le manque de devises, invoqué comme principale cause du blocage, ne suffit plus à expliquer une telle durée. Le pays semble prisonnier d’un cercle vicieux : pénurie, marché noir, inflation, mécontentement social, paralysie économique.

Trois ans que la crise dure. Trois ans de débrouille, d’improvisation, de hausse des coûts. Et toujours la même question : à quand une solution durable ?

[Cliquez sur l’image pour écouter l’intégralité du reportage d’Antéditeste Niragira, Bujumbura, correspondant de la Deutsche Welle à Bujumbura]

 

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Image : Ute Grabowsky/photothek.net/picture alliance

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